Entretien avec le premier responsable du sport Marocain, le Ministre de la jeunesse et des Sports, Mohamed Ouzzine Lions de l'Atlas : Mr le Ministre, avant tout et pour que les choses soient plus claires pour nos lecteurs, je souhaite que vous nous expliquiez le rôle de votre ministère ainsi que son champ d'action dans le paysage sportif Marocain. Mohamed Ouzzine :Nous sommes l'acteur public en charge du développement du sport, de son encadrement juridique et administratif, à travers les instances fédérales, et de l'amélioration des infrastructures et des équipements à même d'aimer à la promotion de la pratique du sport dans notre pays, au niveau de la base mais également au niveau du sport de haut niveau. Lions de l'Atlas : Vous être le premier responsable de la conduite des politiques sportives. Mais êtes vous également responsable de l'organisation et de la promotion de la pratique du sport qui incombent aux fédérations ? Mohamed Ouzzine :Les structures fédérales, qui sont en fait des associations sportives, sont les organes délégataires de la responsabilité de notre département. Le rôle du ministère est justement de veiller à ce que les règles de bonne gouvernance soient de mise tant au niveau de la mise en place des bureaux fédéraux qu'au niveau de la gestion de la chose sportives dans ses différentes dimensions. Les fédérations sportives sont un prolongement naturel de l'action de l'administration. Je ne comprends pas cette séparation que vous faites entre autorité de tutelle et organes fédéraux, c'est la même démarche, le même objectif de promotion du sport, le même respect de la loi et le même engagement pour une politique sportive ambitieuse et porteuse d'espoir pour les milliers de sportifs et les millions de citoyens qui vibrent pour le sport. Lions de l'Atlas : On vous accuse d'ingérence dans l'élection du président de la fédération. A cela, vous répondez que votre département est intervenu dans l'établissement de la procédure du vote, pour la diminution des membres du bureau fédéral et pour définir la représentativité des clubs au sein de ce bureau. Est-ce que ces 3 points font partie de la politique sportive que vous menez ? Sont-ils du ressort du ministère des sports ? Mohamed Ouzzine :Si vous pensez que le rôle d'un ministère doit se limiter à la distribution des subventions publiques sans contrôle et sans responsabilisation, vous vous trompez lourdement. Nous n'avons pas seulement le droit, nous avons le devoir de veiller à la mise en conformité des statuts de toutes les fédérations sportives avec les dispositions légales prévues par la Loi 30/09. Ensuite, nous devions également intervenir dans une démarche arbitrale pour rassurer les uns et les autres quant à la transparence des élections et l'absence de candidat favori. Nous avons tant de fois insisté sur le fait que la nouvelle équipe, qui serait amenée à gérer le football national, allait être élue par les gens du football. C'est un grand pas en avant, c'est une responsabilisation claire et ferme. Je sais que cela ne plait pas à tout le monde, mais c'est le prix à payer pour une reconstruction viable de notre football. Lions de l'Atlas : Vos détracteurs vous reprochent également votre immaturité et votre amateurisme dans la gestion du sport Marocoain. Plusieurs voies s'élèvent pour réclamer votre démission à cause de votre politique et influence jugées néfastes. Quelles sont les raisons qui vous poussent à garder votre portefeuille alors que vous êtes de plus en plus impopulaire aux yeux de certains ? Mohamed Ouzzine :Si le retour à la légalité de 43 fédérations sur 46 est de l'amateurisme, alors nous sommes fiers d'être des amateurs ! Si le contrôle des dépenses, le suivi des programmes des sélections nationales, l'encouragement des sports les plus porteurs sont de l'immaturité, nous sommes très fiers d'être sur la voie d'une maturité en devenir ! Maintenant, quand vous dites « aux yeux de certains », je peux vous comprendre ! On ne peut pas plaire à tout le monde ! On ne peut certainement pas plaire à ceux qui ont profité d'un système de rente qui a mis à mal le sport national. On ne peut pas plaire à ceux qui ont promis aux marocains monts et merveilles, les promenant de déceptions en déceptions malgré leur course effrénée à la médaille qui cache la forêt de mauvaises performances. Oui, nous ne pouvons plaire à ceux qui chantaient de fausses gloires alors que l'ensemble des licenciés, tous sports confondus, ne dépasse pas les 250 000 licenciés, ceux qui mettaient en avant quelques performances, fruits du talent individuel de quelques sportifs, pour ne jamais évoquer le fait que notre football a perdu des dizaines de places en deux décennies sur le classement des nations, que notre athlétisme n'a jamais préparé de relève, que nos autres sports n'ont que rarement quitté l'anonymat des compétitions régionales, voire locales. Ne pas plaire à ces « certains » que vous avez cité ne nous dérange pas. Les citoyens, eux, savent ce que nous avons trouvé en arrivant et ce que nous entreprenons tous les jours. Lions de l'Atlas : Honnêtement et sans langue de bois. Quelle est exactement votre part de responsabilité dans la décision de la FIFA ? Vous devez en avoir au moins une puisque que votre département a dicté les règles de la dernières AG élective Mohamed Ouzzine :Pour votre information, notre département a accompagné la FRMF dans l'adaptation de ses statuts conformément aux articles des Statuts Types. Auparavant, le bureau fédéral avait travaillé pendant une longue période les nouveaux statuts avec les cadres de la FIFA. Nous avons pris connaissance, comme tout le monde, des courriers de la FIFA et les informations selon lesquelles l'instance internationale n'avait pas été saisie, malgré ses relances, par la FRMF afin de valider ses statuts. Que pourrait reprocher au Ministère de la Jeunesse et des Sports sinon qu'il a respecté les prérogatives de chaque partie. La véritable question, encore et toujours, c'est pourquoi la FRMF n'a pas fait valider les nouveaux statuts par la FIFA ? Aujourd'hui encore, la position de la FIFA est une question de principe. La FIFA ne remet pas en cause les statuts de la FRMF, elle reproche à cette dernière de ne pas avoir répondu à ses relances ni respecté la procédure de validation qui lie normalement les fédérations nationales à la fédération internationale. Lions de l'Atlas : Mr le Ministre, nous savons qu'il y a pas mal de vautours qui planent au dessus de la FRMF et des équipes nationales. Vous avez déclaré que certains membres de la fédération étaient à l'origine de la décision prise par la FIFA d'annuler l'élection de Mr Lekjaa, Peut-on savoir qui sont ces personnes et quelle est leur influence au sein de la FRMF ? Mohamed Ouzzine :L'enquête le déterminera avec précision. Faites moi confiance, l'enquête ira jusqu'au bout. Les marocains ont le droit de savoir et j'ai le devoir de mettre à l'abri le football national de tels agissements. Lions de l'Atlas : Vous avez soutenu le candidat et président déchu, Fouzi Lekjaa. Des mauvaises langues prétendent qu'il était le candidat du palais, d'autres disent qu'il est un agent de la société des jeux qui sponsorise la FRMF, comme vous… Pourquoi vous l'avez soutenu alors que vous êtes tenu de faire preuve d'impartialité dans cette mascarade d'élection ? Mohamed Ouzzine :Des allégations sans fondement ne servent pas le débat ! Monsieur Leqjaa était à la tête d'une liste qui a été unanimement approuvée par l'ensemble de la famille footballistique nationale. Le jour où vous trouverez un club, un responsable ou un acteur du football qui pourra certifier qu'il a été obligé de voter pour tel ou tel candidat, j'assumerais mes responsabilités. Dans mon propre cabinet, un de mes conseillers était partisan de la liste de Monsieur Akram… Lions de l'Atlas : Vous avez récemment déclaré que votre fonction vous permet de désigner un sélectionneur dans l'absence d'un bureau fédéral et d'une commission technique relevant de la FRMF. Vos détracteurs prennent cette déclaration comme preuve de votre ingérence dans les affaires de la fédération royale marocaine de football. Allez-vous désigner une commission technique, ministérielle ou indépendante, pour choisir un sélectionneur ? Mohamed Ouzzine :Ne comptez pas sur moi pour laisser le football national sombrer alors que je suis en mesure, légalement, d'assurer la continuité dans l'attente du retour à la normale. J'assume dans les limites de ce que la loi m'autorise à faire et à entreprendre. Ce n'est pas la première fois dans l'Histoire du Maroc que l'administration vole au secours d'un sport quand la défaillance d'une instance est constatée. Ceci dit, la démarche se fera tel que le stipule le règlement! Rappelez vous que je ne fais que créer la dynamique, l'action est menée par les fédérations ou des commissions ad hoc y afférentes. Lions de l'Atlas : On chiffre à plus de 120 millions de dollars les recettes de la prochaine coupe du monde des clubs. Autant, voire le double pour la CAN 2015. Il y aura pas mal d'argent, énormément d'argent… Cette guerre de personnes ne cache t-elle pas en toile de fond un conflit d'intérêts que se livrent les responsables de notre football ? Mohamed Ouzzine :J'espère vraiment que ces évènements sportifs payeront le retour sur investissement escompté et permettront des rentrées substantielles aux caisses de l'Etat. Le sport doit pouvoir devenir un créateur de valeur, pas seulement un secteur assisté par manque d'imagination de ses gestionnaires. Merci Mr le Ministre pour votre disponibilité et votre franchise. Les réponses sont claires quoi qu'on regrette votre esquive politicienne pour ne pas répondre à la dernière question sur ce conflit de compétences et d'intérêt qui ronge le football Marocain depuis plus d'une décennie. (Saïd Abazi)