TRIPOLI (Reuters) - Des chars et tireurs d'élite de l'armée libyenne peinent à résister aux assauts des rebelles à Tripoli, où des milliers d'opposants à Mouammar Kadhafi ont fêté lundi la fin prochaine d'un règne sans partage entamé en 1969. Dans l'immédiat, la principale interrogation concerne le sort du dirigeant libyen, qui affirme dans des messages sonores qu'il restera à Tripoli "jusqu'à la fin". Deux de ses fils ont été arrêtés par les insurgés, qui négocient la remise de Saïf al Islam Kadhafi à la Cour pénale internationale, qui l'a inculpé pour crimes contre l'humanité. Le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini, a résumé le sentiment de nombre de dirigeants de la planète. "Le temps est écoulé" pour d'éventuelles négociations sur un exil de Mouammar Kadhafi, a-t-il dit sur la chaîne de télévision Sky Italia. Selon lui, "il n'y a pas plus de 10%, 15% de Tripoli qui soient aux mains du régime". Les combats ont repris à l'aube, notamment autour de la résidence fortifiée du colonel libyen, Bab al Aziziah. Les rebelles s'en disent proches mais les soldats qui sont encore fidèles à Mouammar Kadhafi opposent une forte résistance. Selon des sources rebelles citées par la chaîne de télévision Al Arabya, une unité emmenée par Khamis Kadhafi, un fils du colonel, a quitté Bab al Aziziah en direction du centre de Tripoli. Les rebelles ratissent les immeubles à la recherche de tireurs embusqués, qui font de nombreuses victimes. Les civils opposants à Mouammar Kadhafi, qui célébraient la victoire les deux nuits passées, sont restés chez eux lundi. L'APRÈS-KADHAFI Les puissances occidentales à l'origine de l'intervention de l'Otan dans le ciel libyen en mars ne doutent toutefois plus de la défaite de Kadhafi après six mois de combats. "C'est fini", a estimé Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères, lors d'une brève intervention à Paris. Il a dit ne pas savoir si Mouammar Kadhafi était encore à Tripoli. L'heure est déjà au passage de pouvoir dans les capitales européennes. "Nous sommes en train de planifier l'après-Kadhafi", a dit le porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne. La France souhaite accueillir "dans les prochains jours" une réunion du groupe de contact sur la Libye afin de rédiger une "feuille de route" sur l'avenir du pays, a dit Alain Juppé. Nicolas Sarkozy s'entretiendra dans la journée avec le président du Conseil national de transition (CNT), le gouvernement des rebelles. Barack Obama, actuellement en vacances dans le Massachusetts, a appelé le CNT "à faire preuve de l'autorité nécessaire pour conduire le pays vers une transition qui respecte les droits du peuple de Libye". L'Alliance atlantique a également annoncé qu'elle continuerait à protéger la population civile en Libye conformément à la résolution 1793 du Conseil de sécurité de l'Onu adoptée le 17 mars, qui autorise les Etats membres à prendre toutes les mesures nécessaires dans ce but. "DELIVRES" Dans un message sonore diffusé dimanche soir par la télévision publique alors que les forces rebelles progressaient dans la capitale, Mouammar Kadhafi a une nouvelle fois invité les Libyens à "sauver Tripoli". "Il s'agit d'une obligation pour tous les Libyens. C'est une question de vie ou de mort", a dit Kadhafi dont la garde rapprochée s'est rendue en début de soirée dimanche. Agitant des drapeaux rouge, noir et vert aux couleurs de l'opposition en signe de victoire, les insurgés ont atteint dans la nuit la place Verte, dans le centre de Tripoli. La place, jusqu'alors lieu de rassemblement des partisans du colonel libyen, a été rebaptisée par les rebelles place des Martyrs. "Nous sommes sur le point d'être délivrés du pouvoir du tyran. C'est tout nouveau pour moi. Je suis très optimiste", a dit Laila Jawad, âgée de 36 ans. De nombreux habitants de la capitale ont reçu un texto du CNT disant: "Dieu est grand. Nous félicitons le peuple libyen pour la chute de Mouammar Kadhafi." Le fils aîné du "guide", Mohammed Kadhafi, a confirmé son arrestation et son placement en résidence surveillée à Tripoli. Annoncée par le CNT, la capture de Saïf al Islam, le plus jeune fils du colonel libyen, a été confirmée par le procureur de la Cour pénale internationale, Luis Moreno Ocampo. La CPI a émis en juin des mandats d'arrêt à l'encontre de Mouammar Kadhafi, de Saïf al Islam et du chef des services de renseignement, Abdallah al Senoussi, inculpés pour crimes contre l'humanité. A Benghazi, fief de l'insurrection dans l'Est, plusieurs milliers de personnes se sont rassemblées dans le centre ville et ont piétiné des portraits de Kadhafi. Préparé depuis des mois, le soulèvement de la capitale a été coordonné par des cellules de l'opposition sur place. Selon une source diplomatique à Paris, les cellules rebelles de Tripoli n'ont fait que suivre les plans établis il y a des mois et répondu au signal. Avec Robert Birsel à Benghazi, William MacLean à Londres, Hamid Ould Ahmed à Alger, Laura MacInnis et Alister Bull à Oak Bluffs, Massachusetts, Marine Pennetier et Clément Guillou pour le service français, édité par Gilles Trequesser