Aujourd'hui ou demain, le temps de régler quelques « détails » financiers, le transfert le plus fou et le plus interpellant de l'histoire du football belge sera officialisé. Mbark Boussoufa, international marocain, deux fois vainqueur du Soulier d'or et meilleur joueur d'Anderlecht, s'envolera pour Grozny, en Tchétchénie, où il jouera sous les ordres d'un entraîneur de renom, Ruud Gullit, ancienne star du ballon rond et récent président de… la candidature belgo-néerlandaise pour le Mondial 2018 (une candidature, soit dit en passant, qui se voulait « éthique » et un brin anti-russe). Le tout dans un club dont le président est le terrible Ramzam Kadyrov, un despote installé par le Kremlin pour garder la République tchétchène sous contrôle. Montant du transfert : environ 12 millions d'euros (un peu moins dans les caisses d'Anderlecht après le versement de toutes les commissions des intermédiaires). Salaire du joueur : entre 2,5 et 3 millions d'euros. Voilà une image de ce qu'est devenu le football aujourd'hui : une affaire d'argent, sans odeur ni frontières, sans valeurs ni scrupules. Mais au-delà des questions éthiques légitimes qu'on peut se poser, bien au-delà du sport, ne soyons pas naïfs non plus en faisant semblant de découvrir le système. Depuis de nombreuses années, le foot anglais est «sponsorisé» par quelques milliardaires dont on ne connaît pas forcément la provenance de la fortune, Kadhafi lui-même avait « investi » à la Juventus, et le cyclisme ou la F1 n'échappent pas au phénomène. Evidemment, imaginer que l'argent versé par des Tchétchènes à Anderlecht servira à payer le salaire de Lukaku ou le centre de formation de Neerpede, c'est choquant. Evidemment, imaginer que Boussoufa va gagner quelque 10 millions net en trois ou quatre ans en jouant au foot dans une ville où règne la plus grande pauvreté, la violence et l'instabilité sociale, c'est choquant. Mais c'est le monde tel qu'il va aujourd'hui, tout simplement. « Indignez-vous », répondrait Stéphane Hessel dans un livre de 14 pages qui coûte 3 euros et qui nous appelle à un réveil citoyen. Dans le monde du football, on ne s'indigne pas. On compte ses sous. En silence. A Anderlecht ou à la Fifa. (D'après lesoir.be)