Le Conseil de sécurité de l'Onu se réunit vendredi pour discuter d'un projet de résolution demandant embargo et sanctions contre la Libye, où des affrontements sanglants se poursuivent pour le contrôle de villes stratégiques. Les opposants au régime de Mouammar Kadhafi, après avoir conquis la province orientale de Cyrénaïque et sa capitale Benghazi, semblent avoir pris le contrôle de plusieurs villes autour de Tripoli, dont la troisième du pays, Misrata. Dans un souci d'apaiser la colère des manifestants, le gouvernement libyen a annoncé plusieurs mesures sociales. Mais ces premières concessions du régime contrastent avec la violence des échanges sur le terrain, où les opposants, qualifiés jeudi par Kadhafi de jeunes drogués à la solde d'Oussama ben Laden, s'opposent aux forces encore fidèles au pouvoir en place et à des mercenaires venus d'Afrique noire, selon de nombreux témoignages d'habitants. Les forces de sécurité ne peuvent plus pénétrer dans Zaouiah, une ville à 50 km à l'ouest de Tripoli, selon un témoin. D'autres témoins ont rapporté que Kadhafi avait perdu le contrôle de Misrata, à 200 km à l'ouest de Tripoli, malgré une contre-offensive menée jeudi par la 32e brigade. Selon des responsables américains, le maintien au pouvoir de Kadhafi semble dépendre de ce bataillon d'élite mené par son fils Khamis. Cette brigade est la mieux équipée des trois "unités de protection du régime" qui regroupent au total 10.000 hommes et sont les plus loyales au colonel, tandis que le reste de l'armée subit une désertion massive, dit-on de mêmes sources. L'armée et la police dans la ville d'Adjabia, dans l'est du pays, au sud de Benghazi, ont ainsi annoncé en direct à Al Djazira leur ralliement à l'insurrection. Les combats ont fait jusqu'à 2.000 morts depuis le début de la révolte il y a neuf jours, selon l'ambassadeur français pour les droits de l'homme, et la communauté internationale tente de s'accorder sur les moyens à mettre en oeuvre pour interrompre ce bain de sang. RESOLUTION Le président américain, Barack Obama, s'est entretenu jeudi soir avec les dirigeants français, britannique et italien. Le Conseil de sécurité, qui se réunit à 20h00 GMT, étudiera un projet de résolution franco-britannique réclamant un embargo total sur les armes, des sanctions et une saisine de la Cour pénale internationale pour crimes contre l'humanité. Aucun vote n'est cependant attendu durant cette réunion, selon des diplomates occidentaux qui espèrent un vote la semaine prochaine. Selon le ministre allemand des Actions étrangères, Guido Westerwelle, Berlin prépare déjà ses propres sanctions, à savoir une interdiction de voyager et un gel des avoirs de Kadhafi et ses proches mais pas de sanctions économiques. L'Otan se réunit également dans l'après-midi à Bruxelles et son secrétaire général, Anders Fogh Rasmussen, rencontrera au préalable les ministres de la Défense de l'Union européenne. La priorité doit être donnée aux évacuations de civils et à une éventuelle assistance humanitaire, a-t-il dit. Les Etats-Unis ont déclaré jeudi qu'ils réfléchissaient à la mise en place d'une zone de non-survol aérien de la Libye, et n'ont pas exclu une action militaire en réponse à la crise. La perspective d'une action coordonnée contre Kadhafi, qui dirige le pays de six millions d'habitants depuis plus de 41 ans, semble lointaine. AUGMENTATIONS Aux yeux de ses détracteurs, le Guide de la révolution a montré lors de son allocution téléphonique jeudi qu'il était totalement hors-sujet. Deux jours plus tôt, il est apparu à la télévision nationale pour jurer qu'il écraserait la révolte ou mourrait en "martyr" dans son pays, à l'inverse d'Hosni Moubarak et Zine ben Ali, respectivement partis d'Egypte et de Tunisie sous la pression de la rue. Un ministre ayant quitté le gouvernement cette semaine a prédit que Kadhafi finirait "comme Hitler", en se suicidant. La télévision nationale a annoncé dans la matinée que le gouvernement allait augmenter les salaires, les aides alimentaires et les allocations familiales. Chaque famille recevra 500 dinars libyens (290 euros) et les salaires de certaines catégories de fonctionnaires seront relevés de 150%, a-t-elle précisé. La manne pétrolière laisse à Kadhafi une grande marge de manoeuvre financière pour tenter de rallier la population. La production de pétrole en Libye est en grande partie à l'arrêt en raison des combats, qui ont fait fuir les travailleurs immigrés. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé jeudi qu'entre 500.000 et 750.000 barils par jour, soit moins de 1% de la consommation mondiale, étaient retirés du marché. Les assurances fournies par l'Arabie saoudite, qui a promis de pallier l'arrêt de la production libyenne, ont permis de ramener les prix du brut à 112 dollars contre près de 120 dollars jeudi. (Reuters)