A ne juger par les chiffres, le secteur des télécoms se porte bien. Décryptage. L'année 2010 a eu son lot de changements au niveau du secteur des télécoms. Outre, la prise de participation de France Telecom dans le capital de Meditel fin 2010, la principale mesure fut celle relative à l'interconnexion entre les trois opérateurs. Une mesure qui a été introduite par l'Agence nationale de la réglementation des télécommunications (ANRT) en juillet 2010. Elle (la mesure) a contribué considérablement à la baisse des dépenses en matière de communication téléphonique. Dans le détail, Maroc Telecom encaissera 30% de moins de ce qu'elle prélevait auparavant sur les appels entrant dans son réseau. Pour Medi Telecom, il ne s'agira que de 15% de marges amoindris vu que l'opérateur bénéficie de la symétrie des prix positive. Quant à Wana Corporate, il gardera intacte sa marge grâce à la symétrie. Cette mesure a été plébiscitée par les associations de défense des consommateurs qui jugeaient que les tarifs de communication étaient parmi les plus chers de la région. Une croissance soutenue L'ANRT vient de dévoiler les statistiques relatives à la croissance du marché durant l'année 2010. Il en ressort une croissance soutenue de la plupart des indices liés au secteur. Par produit, le parc du mobile a enregistré une croissance annuelle de 26,36%, atteignant 32 millions d'abonnés contre 25,3 millions une année auparavant. Et c'est le troisième trimestre de l'année écoulée qui a connu la plus grande hausse avec un taux de croissance trimestrielle de 9,41%. Cette performance du segment de la téléphonie mobile s'est répercutée positivement sur le taux de pénétration, qui a gagné plus de 20 points en une année, affichant ainsi 101,49% à fin décembre 2010 contre 81,18% en 2009. En termes de part de marché, l'opérateur historique détient la plus grande part du marché avec 52,81% et 33,74% pour Medi Telecom alors que Wana Corporate détient 13,45%. Ces parts étaient respectivement de 60,34%, 37,27% et 2,39%, en 2009, pour les trois opérateurs respectifs. On note dès lors l'ascension de Wana Corporate qui augmente sa part de marché de plus de 11% en une seule année. Par rapport à la répartition des clients du mobile par type d'abonnement, on constate qu'il n'y a aucun changement dans la structure du marché par rapport à l'année dernière et que le prépayé prédomine toujours avec une part de 96,16% (96% à fin décembre 2009) contre 3,84% pour le post-payé. On note également que les deux types d'abonnement ont terminé l'année avec une hausse de 26,56% pour le prépayé et de 21,58% pour le post-payé par rapport à fin 2009. En effet, le nombre des abonnés au mobile s'élève à 32 millions, soit un taux de pénétration qui dépasse pour la première fois les 100% pour s'établir à environ 101,5%. Une première au Maroc. Le nombre de portables dépasse celui de la population ! Certains observateurs attribuent cette évolution à l'arrivée d'Inwi qui a adopté la technologie GSM après avoir acheté la troisième licence 2G en 2009. En effet, dix mois seulement après le lancement d'Inwi, le 3è opérateur au Maroc a connu une progression remarquable de son parc d'usagers mobile, qui s'établit à 4,3 millions de clients. « Cette croissance du nombre de clients est une marque de confiance de la part du consommateur marocain, qui plébiscite les innovations introduites par Inwi », commente Frédéric Debord, DG d'Inwi. Cependant, si le marché du mobile a explosé les compteurs, celui de la téléphonie fixe évolue timidement avec une hausse annuelle de 6,63% à fin 2010. Ainsi, le parc global d'abonnés a atteint 3,75 millions fin 2010 contre 3,5 millions en décembre 2009. Le taux de pénétration du fixe est de l'ordre de 11,90% à la fin de l'année 2010 contre 11,28% en 2009. En ce qui concerne les parts des différents segments du marché, les clients résidentiels occupent toujours la première place avec 85,37%, suivis des professionnels (10,75%) et les publiphones (3,88%). Ces parts étaient respectivement de 84,5%, 11,01% et 4,51% à fin 2009. « Le faible taux de pénétration du fixe est dû en partie à la démocratisation du mobile au Maroc grâce aux différentes campagnes de promotion. Le fixe est amené à connaître une certaine croissance grâce aux efforts commerciaux de l'opérateur historique en 2011», souligne un responsable de Maroc Telecom En termes de part de marché, Wana Corporate détient 66,72% du marché, suivi d'IAM (32,83%) et Medi Telecom (0,45%). Connecté ou pas connecté ? Autre segment qui ratisse large, l'Internet. A fin 2010, le parc total Internet a atteint 1,86 million d'abonnés, réalisant ainsi une hausse de 57,29% par rapport à 2009. En termes de parts de marché, IAM détient 56% du parc Internet, Wana Corporate 29,86% et Medi Telecom 14%. Le parc des abonnés Internet ADSL a enregistré un taux de croissance de 4,86% pour l'année 2010 contre une baisse de 1,70% en 2009. Par ailleurs, le parc des abonnés à l'Internet 3G continue sa forte progression en passant de 707 137 fin 2009 à 1,36 million d'abonnés fin 2010, soit une croissance annuelle de 93,24%. La répartition des abonnés par mode d'accès donne l'avantage à l'accès Internet 3G qui constitue les trois quarts du parc global Internet avec une part de 73,2%, suivi de l'ADSL avec 26,65%. D'ailleurs, sur le segment internet 3G lancé en 2007, Inwi a maintenu son leadership avec 40,68% de parts de marché. Cette progression importante du marché de l'Internet et en particulier de la 3G a été réalisable grâce à des offres de débit de plus en plus rapide avec des modems dernière génération permettant plus de mobilité, grâce aussi à la baisse des prix et au lancement des offres sans engagement. Ceci sans oublier les efforts du gouvernement pour la promotion de l'accès à Internet et à la technologie dans les foyers et en particulier dans le milieu éducatif. Et ce, grâce au programme Injaz. Ledit programme, initié par Ahmed Réda Chami, ministre du Commerce de l'Industrie et des Nouvelles technologies, a boosté non seulement le marché de l'Internet mais également celui des ordinateurs portables et des netbooks. Un engouement sans pareil de la part des professeurs et des étudiants marocains a été remarqué. Dans la foulée, ces dernières statistiques sectorielles de l'ANRT confirment la croissance et la maturité du marché des télécoms au Maroc, qui a réalisé un chiffre d'affaires de plus de 35 MdDH. Ce développement pourra profiter davantage au consommateur final vu le foisonnement des offres et services des trois opérateurs. Selon les observateurs du secteur, l'année 2011 devra permettre aux trois opérateurs de consolider leurs parts de marché. Lesquels procèdent à une écoute plus attentive des clients, l'innovation et la recherche de nouveaux relais de croissance. «Ces relais de croissance peuvent se résumer pour l'opérateur historique à un développement plus accru dans le contenu et le renforcement de sa présence dans les marchés africains. Pour Medi Telecom, il s'agira en premier lieu de renforcer le contenu et le mobile», estime un consultant dans le domaine des télécoms. Avant d'ajouter : «Quant au nouvel arrivant Inwi, une consolidation des parts de marché dans le mobile, l'internet 3G, le segment professionnel et également le contenu constituent des priorités pour l'année 2011». En effet, les dires du consultant avisé ne démentent pas la dynamique particulière observée sur chaque segment de produit, service ou marché par tel ou tel opérateur. L'offensive Inwi En lançant en 2010 la solution intra-flottes pour les entreprises, Inwi a jeté les bases d'une reconfiguration du marché des entreprises jusque-là marqué par l'omniprésence d'IAM. «Le marché des entreprises au Maroc est un segment à très fort potentiel puisqu'il représente près de 6 MdDH, soit 20% du marché des télécoms au Maroc. Ceci dit, c'est un marché qui reste marqué par un faible taux de pénétration de la téléphonie mobile, d'où la nécessité pour nous, opérateur global de télécom, de redoubler d'efforts pour le développer», estime Kamal Khalis, directeur exécutif du pôle business et services chez Inwi. Le prochain défi à relever réside donc est de savoir profiter de ce marché porteur des entreprises. Car il s'agit d'un segment très dynamique, aux besoins pointus liés à la spécificité d'une clientèle très exigeante. De plus, les entreprises sont très attentives aux nouvelles technologies et des solutions Data et Internet. De ce fait, un suivi particulier sur le mouvement d'informatisation des entreprises qui s'est accéléré ces dernières années pourrait être la clé de réussite de l'opérateur qui veut ancrer sa présence sur ce marché. Quant aux efforts d'Inwi orienté contenu, M. K. Khalis rappelle : «Nous sommes aujourd'hui plus de deux millions de Marocains sur Facebook et douze millions à naviguer chaque mois sur Internet. Ces chiffres, à eux seuls, témoignent de l'intérêt que nous accordons aux NTI avec toute la panoplie des besoins qui naissent autour. Nous ne cessons d'innover pour satisfaire cette clientèle. Pour preuve, ces services représentent aujourd'hui 10% de notre chiffre d'affaires sur le prépayé». Pour sa part, IAM reste confiante et compte maintenir son leadership pour l'année en cours. «Le groupe continue de faire croître de manière significative ses revenus, tout en conservant des marges élevées. Dans un contexte de concurrence intense, le groupe Maroc Telecom préserve son leadership avec succès, grâce à la qualité de ses produits et services portée par ses investissements soutenus au Maroc et dans les filiale », a déclaré Abdeslam Ahizoune, PDG de Maroc Telecom, lors de la présentation des résultats des neuf premiers mois de 2010. Outre sa présence historique dans le royaume, IAM est forte de ses acquis sur le marché, d'une couverture incontestable des 16 régions du Maroc et d'un département marketing en écoute permanente du comportement du marché. 2010 a ainsi été marqué par d'énormes efforts commerciaux, que ce soit au niveau de son service de fidélisation dans le prépayé «Fidélio», des forfaits avec plus de minutes gratuites et également un réseau commercial très large qui a d'ailleurs connu une extension en 2010 avec 17 nouvelles agences, portant le réseau à plus de 342 agences commerciales. Les efforts commerciaux et la concurrence entre les trois opérateurs télécoms, IAM, Medi Telecom et Wana Corporate sont à même de faire des heureux : les consommateurs. Tout ceci, bien évidemment, sous l'œil bienveillant du régulateur l'ANRT. D'ailleurs, l'agence a établi une note d'orientations générales du secteur des télécoms à l'horizon 2013 pour réviser le cadre législatif et réglementaire régissant le secteur et dressé un plan d'action pour le développement du très haut débit au Maroc. Un grand pas pour démocratiser l'usage d'internet au Maroc, pour le plus grand bonheur des amateurs des vidéos Youtube et des accros des sites sociaux. Mohamed Amine Hafidi (Le Temps)