Au lendemain des annonces du président Zine El Abidine Ben Ali, des milliers de personnes sont descendus vendredi dans le centre de Tunis pour une manifestation hostile au régime sans précédent, a constaté un journaliste de l'Associated Press sur place. Plus de 10.000 manifestants se sont rassemblés à l'occasion de la grève générale décrétée par l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) dans la région du grand Tunis. Partie de la place Mohamed Ali, la manifestation a parcouru l'avenue Habib Bourguiba, principale artère de la capitale. Débordant les cordons de police placés en cours de chemin, les manifestants sont parvenus à atteindre, pour la première fois dans les annales, le siège du ministère de l'Intérieur où ils se sont rassemblés face à un dispositif de sécurité renforcé qui cernait le bâtiment. Hommes et femmes, jeunes et moins jeunes entonnaient l'hymne national et scandaient des slogans réclamant tantôt "la liberté et un gouvernement national" et le départ du président Ben Ali. "Nous voulons un changement de la Constitution pour fixer un maximum de deux mandats au président de la République, comme cela se fait aux Etats-Unis, par exemple", a déclaré Anis Cherni, un vendeur au marché central de Tunis. "Aujourd'hui, on doit sauver notre jeunesse, lui donner sa chance", a renchéri Mohamed Azzam, 24 ans, autre manifestant. Après trois semaines de troubles violents, le président Ben Ali a promis jeudi soir à la télévision d'accroître le pluralisme politique, la liberté de la presse et d'internet, et de faire baisser les prix des produits alimentaires de base. Il a également annoncé qu'il ne briguerait pas de nouveau mandat. La Tunisie est le théâtre de vives contestations depuis le suicide d'un vendeur ambulant diplômé de 26 ans le 17 décembre à Sidi Bouzid (centre). Entre temps, le mouvement s'est propagé à plusieurs régions du pays, atteignant mercredi le centre de Tunis. Les chiffres du gouvernement font état de 23 morts depuis le début des violences, tandis que des témoins et les syndicats évoquent au moins une cinquantaine de morts. Selon la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a dit avoir recensé 66 morts: sept personnes qui se sont suicidées et 59 qui ont été tuées lors de manifestations, "la plupart" par balles. (AP)