L'année 2011 s'annonce délicate pour les finances de l'Etat. Mezouar est en première ligne. Salaheddine Mezouar, ministre de l'Economie et des Finances, vient de recevoir le fameux Prix 2010 du ministre des Finances de la Région du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord (MENA). Ce fut en marge des Assemblées annuelles du Fonds monétaire international (FMI) et de la Banque mondiale (BM). Une consécration pour Salaheddine Mezouar qui s'est d'ailleurs félicité du dernier rapport du FMI plaçant le Maroc en tête des pays de l'Afrique du Nord en termes de croissance du PIB et qui devrait atteindre un taux de 4% cette année. Autre satisfaction affichée, celle de la dernière sortie à l'international du Maroc pour lever un milliard d'euros. L'offre marocaine a été convaincante et la délégation conduite par le ministre des Finances s'est félicitée du jackpot. Dure réalité ! Sur le papier, tout augure d'un avenir prometteur pour les finances du pays, une croissance du PIB et des ambitions futures pour d'autres emprunts. Sauf que S. Mezouar se trouve face à un véritable casse-tête ! Structurellement, les choses vont mal. Voire très mal. Et l'année 2011 s'annonce sous de mauvais auspices. Il est vrai qu'au terme du premier semestre de l'année en cours, les exportations ont enregistré une hausse considérable de 16% atteignant 9,2 MdDH, mais elles ont été tirées à 74% par notre bouée de sauvetage (le phosphate et dérivés). En parallèle, les importations ont augmenté de 12,4% avec plus de 16 MdDH, faisant ainsi creuser davantage le déficit de la balance commerciale du pays. De son côté, le déficit du Trésor, contre toute prévision, a enregistré une augmentation importante. Et pour couronner le tout, les recettes fiscales de l'Etat sont en nette chute face à des dépenses qui ne cessent d'augmenter. De même, la Caisse de compensation est à sec. Au premier semestre 2010, la caisse a été vidée à hauteur de 91,8%. Il ne lui restait que 8,2% pour achever l'année… «Face à ce constat, des mesures de relance de la machine économique s'imposaient. Au lieu d'endetter davantage le Maroc ! » s'indigne un économiste. Réponse de Mezouar : «Le Maroc n'est pas dans une logique de plan de relance mais plutôt de soutien à la croissance. On relance quand on est en récession, pas quand on est en croissance». En effet, le choix pour l'emprunt a été décidé suite à plusieurs tentatives de contenir le déficit croissant du budget. Un budget en panne et que le ministre des Finances essaiera de rétablir grâce à une réduction des dépenses de l'administration et des établissements publics mais qui s'avère insuffisante. Le grand puzzle Concernant la loi de Finances 2011, Salaheddine Mezouar aura du pain sur la planche. Face à une conjoncture internationale défavorable, le Maroc devra faire face à plusieurs défis majeurs qui compromettraient les prévisions de croissance: recul du taux de croissance chez les principaux partenaires économiques du Maroc, hausse de la dette et début du remboursement de l'emprunt récemment levé, adoption de politique d'austérité, aggravation du chômage, instabilité des prix des produits de base sur les marchés internationaux et du taux de change des devises. Les dépenses de la compensation risquent de passer à 25 MdDH, contre 14 MdDH prévus dans la loi de Finances 2010. A cela s'ajoute la montée vertigineuse des prix à la consommation suite à l'entrée en vigueur du nouveau Code de la route. De même, la Caisse de compensation ne pourrait plus suivre cette frénésie des prix. Sans parler du recul qui serait constaté dans certains secteurs vitaux de l'économie suite au doublement du coût du transport. Parmi eux figure le secteur sensible de l'immobilier. D'aucuns en déduisent qu'il s'agit des prémices d'une crise budgétaire sans précédent et d'une excentricité entre, d'un côté, les discours rassurants d'une croissance soutenue et un tissu économique solide, et de l'autre, des allures de fragilité structurelle. Pour rassurer, le ministre des Finances a fait montre de clairvoyance. Il a relevé que parmi les priorités du projet de loi de Finances 2011 figurent l'accélération du rythme de croissance à travers la poursuite des efforts d'investissement du secteur public et des réformes structurelles, le soutien des stratégies sectorielles pour la diversification des ressources de croissance, la facilitation de l'investissement privé, le drainage des investissements étrangers, la diversification des marchés en particulier, l'africain et le soutien du développement régional. Il s'agira entre autres de réduire l'IS (impôt sur les sociétés) pour les TPE (très petites entreprises) de 30 à 15%. Une vraie manne fiscale devant plomber le déficit budgétaire de l'Etat ! Une pause dans les investissements publics ? Ne serait-il pas plus adéquat de marquer une pause dans les efforts d'investissements qui ne cessent de croître à deux chiffres ces cinq dernières années et ainsi contenir le déficit budgétaire de l'Etat ? Une chose est sûre : malgré les signes d'optimisme de Mezouar, la loi de finances 2011 devra faire face à un marasme certain. Un véritable défi pour le ministre des Finances. Mohamed Amine Hafidi Lahcen Daoudi (PJD) : «Nous allons droit dans le mur» Que pensez-vous du dernier emprunt obligataire d'un milliard d'euros ? Le ministre des Finances, Salaheddine Mezouar, conduit le Maroc droit dans le mur. Il faut savoir que les capacités d'endettement interne sont épuisées faute de liquidités et la petite marge de manœuvre dont on dispose à l'international ne résistera pas à la montée en puissance des finances publiques. Le mirage des années 2005 est passé. nous ne sommes pas bien préparés pour cet emprunt à cause du niveau élevé des dépenses de l'Etat. Des dépenses destinées à l'investissement public… M. Mezouar a profité de la conjoncture économique très favorable en 2008 pour placer la barre des dépenses du Maroc très haut. Je l'avais prévenu mais il campait sur sa position. Et voilà le résultat ! En outre, la plupart des investissements sont financés par des emprunts. Quid de l'avenir ? Il sera impossible de suivre le rythme pour les années à venir. Nous serons obligés de poursuivre un nouveau programme d'ajustement structurel. Vous savez, on a étalé l'endettement sur 10 ans et les échéances arriveront dès 2011 et 2012 avec un rythme des remboursements qui ira en s'accroissant. Face à la baisse des investissements directs étrangers, l'épuisement des recettes, le déficit de la balance de paiement et la balance commercial, un système de retraites défaillant, une caisse de compensation à sec, une mauvaise gestion interne et une rupture des finances publiques, il faudra impérativement changer de cap et revoir la loi de Finances avec une fiscalité plus flexible.