Rentrée politique, remaniement ministériel, Koutla, PAM… Le tour de l'actualité avec Nabil Benabdallah, SG du PPS. Trois mois après de votre élection à la tête du parti, comment ressentez-vous le poids de cette mission ? C'est une mission qui n'est pas du tout facile. Une lourde responsabilité qu'il importe d'assumer avec beaucoup de sagesse et le recul nécessaire. Après trois mois d'exercice, je suis toujours en période de rodage. Je m'attelle à dresser une feuille de route conformément aux résolutions du 8e congrès et à canaliser l'effort collectif pour une meilleure gestion du parti. Qu'est-ce qui a changé en vous après le 8e congrès ? Rien. Il n'y a pas de Nabil Benabdallah d'avant et d'après le congrès. Sur le plan personnel, je suis resté moi-même. Mes occupations sont toujours les mêmes, mes habitudes aussi. En revanche, je suis de plus en plus absorbé par ma nouvelle mission. Contrairement aux années précédentes, où j'étais un simple militant ou membre du Bureau politique, je porte désormais une lourde charge sur mes épaules. Je dois jouer le rôle d'éclaireur, répondre aux attentes de ceux qui m'ont fait confiance. Vous avez laissé entendre que vous vous consacreriez entièrement au parti et que vous n'occuperiez aucun poste de responsabilité au niveau étatique. Etait-ce une promesse électorale ou une décision ferme ? A vrai dire, c'est un souhait. Mon vœu le plus cher est d'œuvrer à plein temps pour la gestion du parti. Nous avons un défi énorme à relever, celui des élections de 2012. J'ai grand espoir que le parti réalisera un bon score. Mais cela exige beaucoup d'efforts, d'assiduité et surtout une grande disponibilité de ma part. Secrétaire général d'un parti, est-ce un métier ? Du tout. Pour la simple raison qu'on ne perçoit pas de salaire. Le militantisme, comme chacun le sait, c'est du bénévolat. Et souvent, c'est à nous qu'il appartient de subvenir à certaines dépenses liées aux activités du parti auxquelles nous prenons part. Quel est aujourd'hui l'état de santé du PPS ? Le PPS ne se porte pas mal, mais il peut se porter mieux. Et c'est justement notre combat de tous les jours : faire en sorte que le parti aille mieux. Mon ambition est que le PPS reste parmi les 7 premiers partis du pays et une grande force propositionnelle… Etes-vous satisfait de votre représentativité dans les deux Chambres et au niveau régional ? Non, je ne le suis pas. Aujourd'hui, nous disposons de groupes parlementaires, nous sommes implantés dans plusieurs régions dont certaines sont lointaines, nos scores dans les dernières échéances électorales ont beaucoup progressé ; mais je pense que, compte tenu de nos potentialités, nous pouvons mieux faire. Quel regard portez-vous sur le champ politique national ? Le champ politique national manque de clarté. Il a beaucoup souffert de pratiques illicites, de concurrence déloyale et de tant d'autres maux qu'il faut beaucoup d'espace et de temps pour les énumérer. Cela a engendré un fossé béant entre les citoyens et les partis et s'est répercuté dans les urnes. Je pense que nous sommes dans l'obligation de nous remettre en cause. Il faut redonner de la valeur à l'action politique et redorer son blason terni. Sans cela, nous assisterons désarmés, à la défection des électeurs. En dépit de toutes les bonnes volontés et des propos mirifiques, la Koutla peine à convaincre. Peu y croient. Pourquoi, selon vous ? Je n'irai pas à contresens de ce constat. C'est une réalité : la Koutla ne se porte pas bien. Je pourrais même parler de déception. Nous avons beaucoup de longueurs de retard dans la pratique mais pas dans les idées. Sans doute faudra-t-il revoir les mécanismes de fonction pour sortir la Koutla de sa léthargie. Nous sommes dans l'obligation de le faire parce qu'il n'y a pas d'autre alternative. C'est une condition sine qua non pour réussir l'initiative de la nouvelle génération de réformes. On parle du RNI (Rassemblement national des indépendants) comme nouvelle composante de la Koutla. Est-ce vrai ? C'était une possibilité pendant un certain temps. Et ça l'est toujours. Depuis le gouvernement d'alternance, le RNI est notre allié au sein du gouvernement. Nous ne voyons pas d'inconvénients à nous rapprocher davantage tant que nous défendons le même programme, les mêmes principes. Pourtant, de nombreux militants de votre parti et des autres composantes de la Koutla considèrent le RNI comme un «parti de l'administration»… Je m'inscris en faux contre pareil jugement de valeur. N'oublions pas que d'anciens dirigeants du RNI avaient mené des combats épiques contre l'Administration. Pour moi, c'est un parti qui est fait avec beaucoup de doigté et de clarté. Un parti qui a beaucoup de potentialités et qui, par conséquent, est d'un grand apport pour le champ politique national. La Koutla ne doit pas rester recroquevillée sur elle-même en fermant la porte à d'autres formations qui partagent les mêmes valeurs et qui pourraient constituer un grand renfort. Quelle est votre position par rapport au PAM (Parti Authenticité et Modernité) ? Le PAM est un parti d'opposition qui joue son rôle comme le lui permet la Constitution. Ce n'est pas un ennemi, mais plutôt un adversaire politique qui a ses propres idées et sa façon de voir les choses. Et nous devons composer avec. N'est-ce pas là un revirement de votre part ? Il est vrai qu'à un certain moment nous étions très critiques vis-à-vis du PAM. Mais du moment qu'il accepte de jouer son rôle dans le strict respect de l'éthique et des valeurs et manifeste une volonté réelle de servir le pays, c'est un parti comme un autre. On parle d'un remaniement ministériel. Vous sentez-vous concernés ? Vous savez, quand je faisais partie du gouvernement Jettou, on a évoqué cinq ou six fois l'imminence des remaniements. Il n'a eu lieu que deux fois. Un remaniement, c'est dans l'ordre des choses. On en voit souvent dans toutes les démocraties du monde. Je ne comprends pas pourquoi au Maroc cela devrait susciter tant de remous. Comment voyez-vous la rentrée politique, sociale… ? Elle sera chaude. Tout le monde le sait, à coup sûr, et on s'y attend. La loi de finances 2011 suscite plusieurs interrogations. On parle à tort et à travers d'un plan d'austérité. Au sein du PPS, nous sommes parfaitement conscients du devoir de rationaliser les dépenses, mais il n'est pas question de porter atteinte au pouvoir d'achat des citoyens, notamment les plus démunis. La Caisse de compensation figure également parmi les grandes priorités de la rentrée. Je crois que tout le monde est aujourd'hui conscient de l'urgence et de la nécessité de revoir la situation de cette Caisse. Le dialogue social sera aussi à l'ordre du jour. Et il va s'agir de trouver un terrain d'entente entre les différents partenaires sociaux pour améliorer la situation de la classe ouvrière. Bien d'autres questions d'acuité feront l'objet de débat. Une chose est sûre : nous avons beaucoup de pain sur la planche. Et ce ne sera facile pour personne. Propos recueillis par Abdelkader El-Aine