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Affaire ONDA : Benallou, la contre-attaque
Publié dans Le temps le 06 - 09 - 2010

Sous le feu nourri de la Cour des comptes et l'IGF, Benallou tente de redorer son blason et sauver sa peau.
Depuis son limogeage de la direction de l'ONDA (Office national des aéroports) et son remplacement par Dalil Guenouz, le ciel s'effondre sur les épaules de Abdelhanine Benallou. Ce polytechnicien, jadis chouchouté par la presse, est devenu sa tête de turc. Pourtant, l'histoire eut un commencement idyllique. Entre l'achèvement du Terminal 2 et les percées accomplies dans le domaine de l'Open Sky, Benallou s'était enveloppé d'une aura de winner. Cependant, le conte de fées qui dura de 2003 à 2008, s'effondre soudainement à la suite de la publication d'un rapport d'audit de la Cour des comptes. Que dit ce rapport ? Ni plus ni moins qu'une série exhaustive d'agissements douteux : conclusions de marchés publics sur le mode de l'entente directe, dépenses personnelles hypertrophiées, construction d'une deuxième piste d'atterrissage non-conforme au coût de 150 millions de dirhams, achat de modules informatiques pour la gestion des ressources humaines inaptes à l'exploitation, investissements inappropriés dans des solutions de sécurité réseaux très peu utilisées, bons de commandes adressés à un nombre limité de fournisseurs, octroi irrégulier de primes de performances par voie de favoritisme.
"Les faits reprochés à la gouvernance Benallou font froid dans le dos" nous confie un observateur. Et d'ajouter : "Il est rare qu'une telle somme de dysfonctionnements advienne sous le mandat d'une seule et unique personne. En l'espèce, il est impossible d'établir une graduation des fraudes par facteurs de gravité. S'il s'avère, suite à l'enquête diligentée par le procureur général, que les faits reprochés à la gestion de Benallou sont valides, il risque d'y avoir du sport".
Etrange méli-mélo
Deux instances régaliennes se sont penchée sur le cas de l'ONDA. D'abord la Cour des comptes et son fameux rapport puis l'IGF (Inspection générale des finances) dont le bilan d'enquête est au moins aussi compromettant pour Benallou et notamment son chef de cabinet. Le procureur général près la Cour des comptes a déjà procédé à l'audition des deux dirigeants et une deuxième audition est programmée dans les semaines à venir. D'ici là, Benallou et certains de ses proches collaborateurs seraient interdits de quitter le territoire malgré les démentis de ce dernier. Cette interdiction présage-t-elle d'une issue juridique à l'affaire ? En effet, deux cas de figure sont envisageables : soit la Cour des comptes arrête en toute indépendance des mesures disciplinaires à l'encontre de Benallou, soit le dossier est déféré à la Cour d'appel de Casablanca, auquel cas, une instruction judiciaire sera ouverte. "Il est tout à fait primordial, ajoute un analyste, pour la légitimité de la Cour des comptes, qu'une instruction judiciaire ait lieu. Aujourd'hui, le procureur général tient l'occasion de réaffirmer la pertinence de la cour, laquelle a longtemps été discréditeé dans son action épuratrice sous prétexte d'un laxisme indécrottable". Nous devrions être fixés avant la rentrée politique.
Mise à part la liste d'anomalies spectaculaires relevées par la Cour des comptes, il se joue par presse interposée, un méli-mélo étrange entre Benallou et le verdict du rapport d'audit.
En effet, l'ex-DG de l'ONDA, loin de se murer dans le silence, opte pour une stratégie de communication ouverte et distille les réactions dans le cadre d'interviews accordées notamment à nos confrères des Echos et de Al Ittihad ichtiraki. Il procède au déminage des faits qui lui sont reprochés dans un style pour le moins particulier. Ainsi, en réponse à l'excessif recours au marché négocié dans l'octroi de commandes aux prestataires de l'office, Benallou juge que " les marchés négociés ont été conclus dans le cadre de la réglementation en vigueur, en conformité totale avec l'article 69 du règlement du marché de l'office ". Il ajoute, afin de minimiser son recours systématique à l'entente directe, que " pendant la période précédant ma gestion, le taux de marché négocié était de 58,5 %" tandis que sous son mandat celui-ci s'établissait à 31 %. Faut-il en déduire qu'ayant participé à diminuer ce taux, Benallou s'inscrit dans une dynamique d'assainissement ?
Arguments fallacieux
Concernant la vente au prix de revient de 10 lots de villas à Ifrane pour son compte ainsi que celui de directeurs et responsables de l'office, la riposte de Benallou tranche avec l'énormité des faits. "Il s'agit d'un projet social mené par l'association des cadres de l'ONDA...Cette vente a été effectuée par autorisation du conseil d'administration du 5 mars 2008 à travers sa recommandation numéro 5 qui a donné délégation au directeur général à l'effet d'accomplir les procédures de vente des lots" . En fourbissant sa défense médiatique, Benallou laisse entrevoir un trend. Selon un autre observateur avisé : "Benallou, conscient de la gravité des accusations qui lui sont faites, entame une course en avant, son but est de partager la responsabilité des fautes commises avec ses instances de contrôle hiérarchique, en d'autres termes, le conseil d'administration et plus particulièrement son ministère de tutelle". Benallou se doute-il de quelque chose ? Dans le cas d'une procédure pénale, se positionne-t-il de telle façon à ce que sa chute en entraîne d'autres ? De toute évidence, son attitude rendrait ce raisonnement plus que plausible.
Pourtant, le discours huilé de Benallou grince et s'émaille, par interstices, d'éléments d'incohérences. Interrogé à propos d'un séjour familial dispendieux à Marrakech dont l'office épongera la totalité d'une facture de 62 000 DH, il rétorque ceci : "Il s'agit là de la première mission de longue durée que j'ai effectuée qui correspondait à des activités officielles à Marrakech, impliquant ma présence à l'aéroport de Marrakech sur la durée du séjour. Pour ce séjour, une prise en charge familiale à été assurée par l'établissement conformément à la pratique". C'est là un argument assez léger. Le contribuable est en droit de se demander sous quel genre de pratique, est-on autorisé à écluser du denier public dans le confort luxueux d'une résidence hôtelière. Lorsque les confins de la procédure et des règlements ne suffisent plus à couvrir de telles gabegies, une proverbiale " pratique" prend la relève. D'ailleurs Benallou use et abuse de cette échappatoire.
Réagissant aux sommes folles (627 000 DH) de cadeaux acquis par l'office sous la forme de cartables, porte-documents, sacs de voyage et...de boîtes à cigares ( sic), stoïque, il assène : "Ce sont des cadeaux de fin d'année ou à des visiteurs de marque de l'établissement, il est donc tout à fait normal qu'ils ne figurent pas dans l'inventaire". Pourtant, dans les multiples rubriques du plan comptable marocain, se niche une petite classe 6 et une toute aussi minuscule imputation dans le compte suivant "Divers, pourboires, dons courants". C'est de cette manière que l'ont traite un ou plusieurs cadeaux selon la réglementation comptable. Elle est là, la "normalité".
Dans un entretien donné à Ittihad Ichtiraki, Benallou se gausse d'une remarque, notant que "la Cour des comptes n'a pas relevé des dysfonctionnements dans la gestion de l'office, mais a plutôt exprimé une série d'observations !".Oserions-nous voir de l'ironie dans cette déclaration de l'ex-DG ? Peut-être est-ce là une manière de vider le débat de sa substance, de minimiser l'ampleur des fraudes commises ! " En donnant sa version des faits nous apprend notre insider, Benallou joue avec le feu ! Dans son cas, il ne faudrait surtout pas attiser le côté revanchard de la Cour des comptes. Avec cette affaire, la cour est susceptible de redorer son blason en appuyant le transfert du dossier à la justice, la meilleure posture dans ce cas précis est de se tasser, de s'enfermer dans le silence et d'attendre le résultat des auditions".
C'est manifestement là un conseil dont M. Benallou se passera probablement. Et pour cause, ses interventions dénotent comme un déni de la réalité, un refus d'admettre que l'on a mal agi, un acharnement à botter en touche. Est-il un bullocrate ? Fait-il partie de cette caste de tout-puissants dont la pratique continue de l'impunité en fait une norme. A sa décharge, il se pourrait que Benallou, équipé d'une autre grille de lecture de la réalité, ne pose pas le même regard sur les malversations qu'on lui prête.
Saâd Kadiri
(Lire la suite de notre dossier ainsi qu'une interview explosive de Benallou dans notre édition en kiosque)


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