C'est un club fermé avec comme frontière le mur invisible de l'argent. Cette année encore, malgré la crise de l'économie, des marchés et du business, les grandes familles, dont certains de leurs joyaux sont cotés à la bourse de Casablanca, vont récolter une moisson de dividendes, toujours en hausse. A travers ce dossier ressort l'autre visage du capitalisme marocain. L'actionnariat familial qui joue la carte de la Bourse et affiche ses bénéfices. Dans ce classement, quelques grandes familles sont riches de «père en fils», d'autres ont gagné leur ticket d'entrée à la force de leur travail. Anciens groupes et nouvelles entreprises, elles incarnent le Maroc qui bouge. Décryptage. 262 MDH Anas Sefrioui The Moroccan Dream Il contrôle à lui seul près de 62% du capital d'Addoha, sixième capitalisation boursière de la place. Parti de zéro, le groupe pèse aujourd'hui quelque 31 milliards de dirhams. Une success story, où l'épisode «IPO» en est sans le moindre doute le véritable temps fort. Introduit à 560 DH, le cours de bourse de Addoha s'est multiplié par 6 en moins de six mois pour flirter avec les 3 000 DH, avant de subir les foudres du marché pour se stabiliser aux alentours des 110 DH, en passant par deux opérations de split successives. En cause : la crise. Une crise que Anas Sefrioui aurait pu éviter s'il ne s'était pas trop éloigné de son métier de base. En s'aventurant dans le segment de luxe, son groupe paie aujourd'hui le prix fort. Ses bénéfices fondent comme neige au soleil passant de plus de 1,1 milliard de dirhams en 2008 à moins de 880 MDH aujourd'hui. Mais pas de quoi obérer les profits du patron, qui touchera, cette année, comme l'année dernière, un dividende de 262,5 millions de dirhams, le plaçant au coude à coude avec la famille royale. Alors, crise ou pas… 24 MDH Othman Benjelloun My banker is rich ! Annus horibilis pour la BMCE Bank, unique société cotée de l'empire de sir Othman Benjelloun. Souffrant d'une terrible montée du coût du risque, la banque a vu son bénéfice net se réduire comme peau de chagrin, passant de 830 à 384 MDH entre 2008 et 2009. Cette déprime (passagère ?), les actionnaires de la banque ne la sentiront point. Le conseil d'administration ayant décidé de maintenir le même niveau de dividende que l'année dernière : 3 DH par action. Au total, la banque devra distribuer tout son résultat et puiser dans ses fonds propres pour pondre quelque 476 millions de dirhams à ses actionnaires, FinanceCom à leur tête. Sa participation directe dans la banque étant de 5%, Benjelloun devra toucher la coquette somme de 23,8 MDH. En rajoutant les 30,25% détenues via sa compagnie d'assurances RMA, ce montant dépassera les 160 MDH. La banque trinque, mais Benjelloun toujours plus riche. Cheers Sir ! 49 MDH Mohamed Alami Lazarak Mister luxe Mohamed Nafekh Alami Lazrak a bâti sa fortune loin des projecteurs, dans la discrétion totale. L'homme a un sens des affaires bien particulier et sait dénicher les bonnes opportunités. Dernier exemple en date : le rachat de deux sociétés de travaux publics, pour trois fois rien ! L'opération fait de lui l'un des rares promoteurs intégrés du marché. Le grand public ne découvrira pourtant son joyau de l'immobilier qu'après son introduction en Bourse. Spécialisé dans le segment du luxe, le groupe pèse aujourd'hui dans les 8,5 milliards de dirhams de capitalisation. Il est aussi l'un des rares à avoir résisté à la crise. Pour un chiffre d'affaires de plus de 2,2 milliards de dirhams, son bénéfice net flirte avec les 600 MDH, soit une croissance de 46% par rapport à 2008. Un butin dont le grand patron se servira, avec ses enfants Othmane, Mouna et Omar, à hauteur de 50 millions de dirhams. Bien mérité mister ! 92 MDH Mohamed Hassan Bensalah Au nom du père A l'instar des Akhannouch & co, les Bensalah fructifient dans la totale discrétion la fortune léguée par leur père, Abdelkader Bensalah. Une fortune accumulée sur plus de 40 ans, dont le point de départ a été la vague de marocanisation lancée par Hassan II au lendemain de l'indépendance. Longtemps éparpillé, l'empire des Bensalah est aujourd'hui sous la coupe d'une seule et unique holding : Holmarcom. Un vaisseau amiral dont la gestion est aujourd'hui assurée par Mohamed Hassan Bensalah... épaulé en cela par sa sœur aînée Meriem. La plus importante participation boursière du groupe Holmarcom est la compagnie d'Assurances Atlanta dont il détient près de 43%. Une compagnie qui vaut aujourd'hui quelques 5 milliards de dirhams sur la cote. Autre joyau du groupe : l'emblématique Société des Eaux minérales d'Oulmès, dont la capitalisation boursière flirte avec le milliard de dirhams. Ces deux structures feront remonter à leur holding de tête, pas moins de 92 millions de dirhams. Soit le même montant que celui de l'année dernière. Et ce n'est que la partie visible de l'iceberg. 94 MDH Hadj Fahim Le roi de Skhirate Ancien haut fonctionnaire de l'Etat, Hadj Fahim est l'icône parfaite du self-made man «made in Morocco». Son groupe multimétiers (chimie, travaux publics, utilities, immobilier, etc.), piloté par la société de portefeuille cotée Delta Holding, pèse quelque 3,7 milliards de dirhams de capitalisation boursière. Haj Fahim et sa famille y détiennent une part de 63,6%. Dividende à récolter cette année : 94,8 MDH. Un bon pactole représentant près du double du cash dégagé l'année dernière (53 MDH). En cause : la bonne tenue des indicateurs de rentabilité de la holding, épargnée par la crise et ses effets grâce à sa forte diversification. Pour preuve : la holding dégage un bénéfice net de 215 MDH, en progression de 23% par rapport à l'année dernière. Cette performance a poussé le conseil d'administration du groupe à être plus généreux avec ses actionnaires, en servant un dividende unitaire de 3 DH par action, contre seulement 1,7 DH un an plutôt. 80 MDH Aziz Akhannouch Energizer Le patrimoine coté de l'héritier de Haj Ahmed Akhannouch, ne compte que deux sociétés dans un holding tentaculaire qui en chapeaute des dizaines. À travers ses participations dans Afriquia Gaz (30%) et Maghreb Oxygène (60,10%), l'actuel ministre de l'Agriculture reste aussi l'un des plus gros bonnets de la place Casablancaise. Pesant quelque 4,8 milliards de dirhams de capitalisation, ses deux sociétés cotées opèrent dans un secteur vital de l'économie marocaine : l'énergie. Deux joyaux qui ont réalisé cette année un bénéfice net agrégé de 310 millions de dirhams, en progression de 14% par rapport à 2008. La part dans ce butin, qu'il touchera en dividende dans les deux prochains mois, se monte à près de 80 millions de dirhams. Un pactole qu'il devra partager avec les Wakrim, ses associés historiques dans le groupe Akwa. Merci Hassan II ! 41 MDH Said Alj Le milliardaire discret Haut en couleur mais discret. Deux mots qui résument ce personnage. S'appuyant sur sa holding de tête, Sanam, Said Alj contrôle pas moins d'une dizaine de sociétés. Sans compter ses positions minoritaires dans plusieurs projets aux côtés de son acolyte Moulay Hafid El Alamy. Son patrimoine coté en Bourse compte trois sociétés : Unimer, Stokvis Nord Afrique et Taslif. Trois structures, opérant dans des secteurs aussi différents que prometteurs, et qui pèsent quelque 1,5 milliards de dirhams. Ne connaissant pas la crise, elles ont brassé cette année 114 milliards de bénéfice net, soit 15% de plus qu'un an plutôt. Said Alj en touchera quelque 42 millions de dirhams. Générant un cash dépassant les 20 MDH, Stokvis reste le plus grand contributeur aux profits de l'homme d'affaires. Elle est suivie de l'agroalimentaire Unimer qui a déjà pondu quelque 18 DH à l'issue de son exercice à cheval clôturé en septembre 2009. Les 4 MDH restant devront être remonté à travers la société de crédit Taslif, qui garde le même niveau de dividende malgré l'escroquerie dont a fait l'objet sa filiale Salaf. 4 798 MDH Jean René Fourtou La grande cagnotte 4,7 milliards de dirhams. C'est le montant des dividendes que devra rapatrier le groupe Vivendi Universal cette année. Et en devises s'il vous plaît ! Ce montant faramineux représente 53% des bénéfices dégagés en 2009 par Maroc Telecom. Et colle parfaitement à la participation du groupe français dans l'opérateur marocain. Maroc Telecom étant l'une des rares sociétés cotées qui distribuent l'intégralité de leur profit. Une donne dont Vivendi n'est pas le seul bénéficiaire. Il faut dire que l'Etat a également sa part dans le gâteau. Présente dans le tour de table de l'opérateur historique à hauteur de 30%, l'Etat touchera 2,82 milliards de dirhams. Maroc Telecom reste donc le premier contributeur aux recettes de l'Etat, mais aussi à celles de sa maison mère Vivendi. Merci Ahizoune ! 2 MDH Mohamed Horani L'alchimiste Cette année, le spécialiste de la monétique HPS va distribuer 15,6 millions de dirhams de dividendes. Avec ses 9,65% dans le capital, le patron des patrons devra en encaisser près de 1,5 millions de dirhams. Ridicule, mais d'une symbolique chargée de sens. C'est qu'au milieu de toute cette kyrielle de grandes fortunes et autres icônes du capitalisme marocain, ce patron de PME a pu se tailler une place au soleil, en gagnant la présidence du plus grand lobby du pays : la CGEM. Mohamed Horani n'est ni de ceux qui ont hérité d'empires industriels, ni de ceux qui ont profité de leur position dans l'Etat pour bâtir leurs fortunes. Fils d'un quartier populaire de Casablanca, l'homme a monté les échelons petit à petit, se lançant dans l'aventure de l'entreprenariat comme aurait pu faire tout citoyen lambda. Une entreprise, dont il a fait en moins de 10 ans (avec sa bande de copains), un des leaders mondiaux dans son secteur. Bravo l'alchimiste ! 24 MDH Miloud Chaabi The self made man Régnant en maître sur un empire tentaculaire dont les ramifications s'étendent de l'Afrique à l'Europe, en passant par le Moyen-Orient, Miloud Chaabi est assurément l'un des hommes d'affaires les plus riches du pays. Une image que son patrimoine coté ne saurait point refléter. Sur plus de 30 filiales, évoluant dans divers secteurs d'activité, seul la Snep est inscrite à la cote. L'homme avait pourtant promis d'inscrire dans la corbeille six de ses joyaux dans l'industrie et dans l'immobilier. En attendant, on dira que 2009 n'est pas vraiment une année de chance pour l'haj. La Snep ayant été touchée de plein fouet par la crise, et par le dumping des produits venus d'Egypte et des Etats-Unis. Son bénéfice net fond ainsi comme neige au soleil passant de 142 MDH en 2008 à moins de 63 MDH un an après. Conséquence directe : le cash remonté à la maison mère se réduit de moitié pour se fixer à 24 MDH, contre un dividende de 46,8 MDH un an plutôt. Crise, quand tu nous tiens !