Avec le Maroc, l'Union Européenne semble ignorer le politique au profit de l'économique. Dans une salle de Casablanca, remplie de journalistes et d'observateurs et autres inclassables, Eneko Landaburu a l'air serein et sûr. Au fur et à mesure de son exposé, le nouvel ambassadeur et chef de la Délégation de l'Union Européenne au Maroc n'a pas manqué de cohérence, quoiqu'il n'ait traité qu'à moitié, voire pas du tout certains volets des relations avec le vieux continent, surtout ceux qui relèvent du politique et du sécuritaire. Sur quels critères se base donc ce statut avancé qui a été accordé au Maroc en octobre 2008 ? L'Europe n'a pas de réponse précise, c'est la première fois dans sa vie politique qu'elle se trouve confrontée à une situation pareille «il n'y avait pas, à ce jour, une définition claire de l'union européenne des critères qui devaient déterminer l'octroi ou pas à un pays déterminé du statut avancé» laisse entendre E.Landaburu. Faute de définition claire, celui-ci préfère qualifier le statut avancé d'un accord d'association «super vitaminé». En attendant Godot ! Après le 13 octobre 2008, date marquant le début de gestation du projet de statut avancé, tout le monde s'est déversé sur les critères de Copenhague, comme critères de référence. Sauf que ceux-ci synthétisent les conditions institutionnelles que devront remplir les futurs membres de l'Union Européenne. L'objectif étant de garantir la démocratie, les droits de l'homme dont ceux des minorités, ainsi qu'une économie sociale de marché calquée sur le modèle européen… Le tout devrait déboucher par la suite sur l'acquis communautaire, qui n'est que le reflet de ces principes dans la vie institutionnelle en mettant en place les structures juridiques et administratives. Un problème juridique se pose donc, un «flou artistique» comme l'a qualifié Eneko Landaburu lors de l'audition publique de la commission des affaires étrangères du parlement européen, tenue à Bruxelles le 1er décembre 2009, en présence de Youssef Amrani, Secrétaire général du ministère des affaires étrangères. Le défi reste donc, de part et d'autre, d'adapter ces critères à la situation actuelle. M. Landaburu avoue qu'au sein de l'Union, les thèses se multiplient entre ceux qui souhaitent faire prévaloir le rapprochement économique au détriment des conditions d'Etat de droit et de démocratie, et ceux favorables à une évolution à la même vitesse. L'interlocuteur européen considère que c'est un débat qui ne fait que démarrer, et restera présent tout au long du processus. Le statut avancé, c'est également de l'argent. L'Europe prévoit de financer six grands chantiers. Au titre de l'année 2009, plus de 631 millions d'euros ont été accordés pour renforcer ou réformer certains secteurs d'activités. Seuls 204 millions ont été débloqués dont le tiers a été réservé aux volets social et infrastructurel, prioritaires pour l'Europe, qui suggère d'y consacrer la moitié des financements. Selon un observateur, «cette maigre utilisation des fonds mis à la disposition du Maroc relève d'un défaut de structures, et il y a eu un précédant…» Faisant allusion aux 700 millions de dollars octroyés par les Américains du Millenium Challenge Account, et dont l'utilisation n'a pas encore atteint 1 million. Pour cause, le Maroc qui s'est engagé depuis le début du processus à produire un document, le Programme de Convergence Réglementaire, une sorte de plan d'aménagement du statut avancé, et qui instituerait par conséquent une unité de gestion de projets, n'a pas encore attaqué ce chantier. Autre élément non négligeable : outre l'effet d'annonce, le Maroc a trop peu communiqué sur l'état d'avancement du statut avancé. Il devient donc légitime de poser la question suivante : Qu'a donc préparé le Maroc pour la rencontre Maroc-U.E qui se tiendra les 7 et 8 mars prochains à Grenade ? Affaire à suivre, et de près… Omar Radi Le volet économique & social de la coopération : quelques axes L'accord de libre échange approfondi et global (ALEA) Cet accord qui sera définitif en 2012 prévoit différentes mesures. A terme, les marchés seront plus accessibles aux produits industriels et aux mouvements de capitaux. Les politiques de concurrence devront s'aligner avec un renforcement du dialogue sur l'Opérateur Economique Agréé (OEA) entre douanes marocaine et européenne. Les droits de la propriété intellectuelle et industrielle ainsi que les mécanismes de protection du consommateur seront, en principe, également renforcés. Sur ce dernier volet, le Maroc dispose d'une législation très légère et devra se mettre à niveau. Investissement L'organisation d'un Forum économique Maroc-U.E a été suggérée pour développer l'accès des entreprises européennes au Maroc et vice-versa. Ainsi, les entrepreneurs des deux parties formeront un groupe de travail publiant régulièrement des rapports faisant état des entraves au commerce et à l'investissement. La recherche et l'innovation en industrie ne sont pas en reste. Le rapprochement Maroc-U.E prévoit la mise en place, la promotion et le soutien des clusters et pôles d'innovation. Transport Un secteur qui bénéficie, pour son renforcement, de quelque 96 millions d'euros. En matière d'infrastructures, plusieurs chantiers ont été entamés, notamment la consolidation du réseau routier dans le monde rural ou l'appel d'offres pour les lignes à grande vitesse. Le Maroc participe également à la réflexion sur une future stratégie maritime méditerranéenne qui rentre dans le cadre du Processus de Barcelone (L'Union pour la Méditerranée). Société Civile Le groupe de travail autour du statut avancé prévoit un rapprochement des acteurs de la société civile afin de traiter les questions des droits humains, économiques et sociaux, d'encourager l'échange entre les peuples et au dialogue des cultures. Ainsi, des espaces culturels maroco-européens seront promus. Enseignement supérieur et Recherche Plusieurs mesures tendant à converger vers plus d'harmonie entre les deux systèmes sont à l'étude. Le Maroc est signataire depuis 2003 de l'Accord de coopération scientifique et technologique avec l'U.E. En 2009, une enveloppe de 93 millions d'euros a été réservée à l'enseignement. Le programme devrait renforcer les capacités de recherche des universités marocaines et centres de recherche technologique et industriels avec, à l'horizon, l'association du Maroc et de l'U.E au programme cadre de recherche de l'Union.