La léthargie qu'a connue le secteur de l'immobilier en 2009 va-t-elle prendre fin ? L'année qui commence s'annonce- t-elle sous de meilleurs auspices ? L'année 2009 a été celle de tous les dangers pour le secteur immobilier : baisse des prix dans le segment haut de gamme, attentisme chez le acheteurs, inadéquation de l'offre et de la demande… Autant d'éléments qui laissent sceptiques sur l'avenir du secteur en 2010. Pour tenter d'éclaircir la situation, le Club Entreprendre a réuni à Casablanca certains intervenants du secteur : Mounia Lahlou, directrice de la promotion immobilière au ministère de l'Habitat, Norredine Cherkani, président du directoire de Wafa Immobilier et Jawad Zyat, directeur général de Prestigia (label haut de gamme du groupe Addoha). Tous devaient répondre à une principale question : comment se comportera le marché de l'immobilier dans les mois à venir ? La première réponse émane de Norredine Cherkani, qui voit l'année 2010 comme celle du «retour à la normale». «La stabilité qu'à enregistré le marché durant le 2ème semestre 2009 se confirme en ce début d'année. Nous sommes passés d'une situation d'attentisme à celle de la confirmation de certaines réalités», indique-t-il. Fin de la surchauffe Ces «réalités» concernent précisément l'inadéquation manifeste existant entre l'offre et demande, d'où résulte une perte de la clientèle cible. «À Marrakech, le stock important de biens immobiliers haut de gamme a logiquement impacté les prix à la vente. À Saïdia, l'offre a également dépassé la demande, autant celle émanant des nationaux que des étrangers», poursuit-il. Jawad Zyat, DG de Prestigia, ne dit pas autre chose, parlant «d'un retour au calme après des années de surchauffe. La bulle spéculative s'est arrêtée net». Du côté du ministère de tutelle le ton est à l'optimisme : «Les indicateurs sont en progression comme en témoignent le niveau de consommation de ciment et celui des encours bancaires immobiliers», estime Mounia Lahlou, directrice de la promotion immobilière. Une nuance s'impose toutefois. Même si les encours bancaires immobiliers enregistrent une augmentation (19,8%), les prêts restent essentiellement destinés aux acquéreurs. Les banques, plus prudentes En revanche, les promoteurs immobiliers soulignent la réticence croissante des banques à financer leurs projets. Une tendance qui ne serait pas près de s'estomper. «Nous procédons désormais avec une approche différente. Aujourd'hui, certaines régions du pays connaissent un surplus en logements. Aussi, nous devons orienter les investissements vers des villes qui enregistrent une pénurie en la matière, oppose Norredine Cherkani. Les banques se préoccupent désormais davantage de la répartition du risque». En clair, histoire de sécuriser leurs engagements, les banques préfèrent financer des projets dont la viabilité commerciale est manifeste. Du coup, elles se penchent de plus en plus sur la cadence d'écoulement des logements dans leur prise de décision. «La situation de stress de liquidité pousse les banques à devenir plus regardantes sur les business plans, commente Jawad Zyat. Mais en ce qui concerne le groupe Addoha, quand le foncier est acquis, nous n'avons pas de difficultés à trouver du financement». En effet, c'est notamment grâce à sa réserve foncière que le groupe d'Anas Sefrioui continue à maintenir son activité dans le logement social. Un secteur dont l'inertie a été plus que manifeste durant l'exercice 2009. «La production du logement social a enregistré une diminution de 30%», précise à ce sujet Mounia Lahlou, qui dit croire dur comme fer que les «courageuses» dispositions de la Loi de Finances 2010 boosteront ce segment. «Les promoteurs, qui se plaignent continuellement de la versatilité des mesures fiscales, sont enfin comblés. Nous sommes désormais dans une stabilité réglementaire qui leur offre une visibilité sur une dizaine d'années», explique-t-elle. Parmi ces mesures, elle cite la révision à la hausse du prix de commercialisation des unités (désormais fixé à 250.000 DH HT, pour des superficies comprises entre 50 et 100 m2). De plus, la formule d'aide directe à l'acquéreur repose dorénavant sur la restitution de la TVA à ce dernier. Une mesure incitative, mais dont la mise en application reste délicate. À l'achat du bien, l'acquéreur verse au notaire l'intégralité de la somme pour l'achat du logement social en TTC, dont le montant s'élève à 300.000 DH. Ensuite, le percepteur remet un chèque de l'équivalent du montant de la TVA au notaire, qui doit le remettre à son tour à son client. Plutôt compliqué comme démarche… Le retour du logement social L'autre mesure reconduite par la Loi de Finances 2010 repose sur l'exonération fiscale dont profitent les promoteurs immobiliers. En revanche, ce qui sortira le secteur de sa léthargie, c'est la révision à la baisse de la taille critique des projets de logement social, qui donne la possibilité aux petits promoteurs de lancer des programmes de 500 logements. Selon toute logique, et par la force des choses, ces derniers finiront par se constituer en consortiums afin de produire davantage d'unités et profiter de réelles économies d'échelles. Reste à savoir, si de telles dispositions favoriseraient l'ensemble des opérateurs immobiliers, puisque aucune mesure n'a été prise en ce qui concerne le nerf de la guerre : le foncier. «Il est à craindre qu'un tel dispositif ne profite finalement qu'aux grands promoteurs. Car actuellement, rien ne garantit un accès équitable au foncier», ne manque pas de rappeler Norredine Cherkani. Un peu à court d'arguments, Mounia Lahlou nuancera : «Cela favorisera plutôt la convergence des petits promoteurs vers les villes de tailles moyennes». Et elle en profite pour renvoyer la balle du côté des communes urbaines : «Près de 50.000 hectares dans le périmètre urbain sont toujours en attente de viabilisation». Sur ce plan, le ministère de l'Habitat affiche une certaine satisfaction. En 2009, ce ne sont pas moins de 3.853 hectares qui ont été mis à la disposition d'Al Omrane. Avec des affectations précises : le premier tiers est destiné aux programmes des logements à 140.000 DH, les deux tiers restants comprendront des logements sociaux et de moyenne gamme. Mais, il est clair que l'ouverture de nouvelles zones de viabilisation arrangeraient les affaires de tous. Le chantier est ouvert. Imane Azmi