Rabat, L'accès du patient au traitement demeure incontestablement tributaire à son droit aux services de santé et aux médicaments qui ne doivent en aucun cas faire l'objet de considérations et de calculs à caractère concurrentiel ou libéral susceptibles d'être appliquées à ce marché à l'instar d'autres produits. Toutefois, le droit d'accès aux services sanitaires et aux médicaments, qui reste l'un des facteurs principaux du développement social, fait face à de nombreuses contraintes inhérentes essentiellement à la hausse des prix des médicaments, ce qui conduira à priver nombre de malades du système de soins, notamment les patients qui ne bénéficient guère d'une couverture médicale. Outre les répercussions négatives de la hausse des prix des médicaments sur le pouvoir d'achat, cette problématique entrave également l'élargissement du système de la couverture médicale qui demeure, sans conteste, un des importants acquis sociaux au cours des dernières années au Maroc. Dans le but de tenter d'élucider cette problématique, une mission d'information sur "Le prix des médicaments au Maroc" a été mise en place par la Commission des Finances et du développement économique à la Chambre des représentants. Dans son rapport présenté récemment à la Commission, la mission s'accorde à relever que les prix des médicaments au Maroc sont "très élevés" en comparaison avec d'autres pays voisins et qu'il était possible de les revoir à la baisse à travers l'adoption d'une batterie de mesures par les autorités concernées, en particulier ceux des médicaments les plus coûteux. La mission suggère également une mesure urgente relative notamment à l'utilisation du système des "licences obligatoires" pour les médicaments qui sont encore protégés par un brevet d'invention en tant que procédure légale, conforme aux recommandations de l'OMS et de l'OMC et qui cadre avec les accords de libre-échange signés par le Maroc. La mission recommande, de même, l'arrêt immédiat du remboursement par l'AMO (Assurance Maladie obligatoire) des médicaments coûteux, dont il existe des produits identiques moins chers sous des marques différentes, estimant qu'il s'agit là d'un outil efficace pour baisser aussi bien les prix que les coûts. Sur le plan institutionnel, le rapport plaide pour que la fixation des prix des médicaments ne soit plus du ressort unique du ministère de la Santé, mais d'une instance qui, en plus du ministère, intègre les organismes d'assurance maladie et les ordres professionnels, ainsi que le Conseil de la concurrence. Selon le rapport, cette instance doit mettre en place une nouvelle procédure de fixation des prix qui soit en totale rupture avec celle en vigueur, tout en procédant à la révision des prix actuels et des taux de remboursement par l'AMO de manière à encourager les médicaments les moins chers et non le contraire comme c'est le cas désormais actuellement. D'autre part, le rapport met l'accent sur la nécessité de mettre en place une politique nationale relative au médicament, estimant que la mise en oeuvre de ces recommandations peut se traduire par une baisse de 30 à 50 pc du coût global des médicaments ordinaires et de 50 à 80 pc pour les médicaments onéreux. Cette mesure favorisera un meilleur accès des malades aux médicaments et une augmentation de la consommation, outre le fait de permettre aux industriels et aux pharmaciens de palier l'impact d'une éventuelle baisse des prix. Si les recommandations de la mission d'information ont suscité un écho favorable chez différents acteurs et intervenants du secteur, il n'en demeure pas qu'elles ont été "rejetées" par les professionnels. Le chef de division de la communication à la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS), M. Aziz Kharfi a déclaré à la MAP que les dépenses relatives aux médicaments représentaient 47 pc du coût de l'assurance maladie obligatoire en 2008. La baisse des prix est susceptible de garantir les équilibres financiers de la Caisse et partant de permettre à la CNOPS de présenter de nouvelles prestations aux patients et d'améliorer la qualité de ses services, a-t-il estimé. Alors que certains acteurs affirment que la baisse des prix des médicaments est de nature à assurer l'équilibre financier de plusieurs Caisses opérant dans ce secteur, d'autres parties, dont l'Association marocaine de l''industrie pharmaceutique (AMIP), estiment que la concrétisation de cette "revendication" demeure difficile dans un contexte marqué par la hausse du coût de production. Pour le président de l'AMIP, M. Ali Sadrati, le coût d'investissement dans ce secteur et l'application des normes de qualité nécessitent des coûts énormes que l'investisseur ne peut supporter en cas de baisse des prix, appelant à la prise en compte de la conjoncture à laquelle sont confrontés actuellement les industriels. Réagissant aux résultats de la mission parlementaire, notamment la hausse des prix des médicaments au Maroc par rapport à la Tunisie à titre d'exemple, M. Sadrati, a expliqué que la société pharmaceutique dans ce pays est étatique et bénéficie des subventions de l'Etat, contrairement au Royaume où le secteur privé subit, à lui seul, les coûts d'investissement énormes et les impôts. Il a ajouté que parmi les facteurs qui ne facilitent point la baisse des prix figurent le marché "limité" et le coût élevé de production pour répondre aux normes rigoureuses de qualité, notant que la moyenne de consommation des médicaments par personne au Maroc ne dépasse pas 300 dirhams par an, contre 6.000 dirhams en France. M. Sadrati a, en outre, appelé les différents intervenants du secteur, notamment le ministère de tutelle, à fédérer leurs efforts en vue d'améliorer la qualité des services sanitaires et de les fournir aux patients au moindre coût, mettant en exergue les avancées réalisées par le Maroc en matière de couverture médicale.