Les Américains le confirment, les attentats terroristes sont en baisse. La crainte, elle, est toujours omniprésente. Même au Maroc. Cela se passe dans les locaux du consulat général de Belgique à Casablanca. Un colis suspect atterrit dans les bureaux de la représentation diplomatique, jeudi 30 avril en fin d'après midi. Panique générale et état d'alerte au maximum. La police, alertée aussitôt, mobilise les grands moyens. Un dispositif de sécurité est déployé sur place. En un temps record, les plus hautes autorités publiques du grand Casablanca arrivent sur les lieux. Il y a là le préfet de police, Mustapha Mouzouni, le gouverneur de l'arrondisement Casa-Anfa, le représentant de l'antenne DST Casa, les hauts gradés de la BNPJ, le caïd de l'arrondissement… Ils constatent de visu le collier suspect sans intervenir. On suppute toutes les hypothèses; on tourne et retourne l'objet suspecté, et on prévoit le pire. Alerté par la présence policière, la foule accourt. C'est que la nouvelle se répand comme une traînée de poudre. Le tout Casablanca en est rapidement informé par une “radio arabe” qui fonctionne à plein régime. Les souvenirs des actes odieux du 16 mai 2003 et ceux de Hay El Farah en avril 2007 sont encore vivaces et les images de corps déchiquetés toujours présentes. L'objet suspect est transporté, avec les soins d'usage, vers les locaux du laboratoire de la police scientifique, sis à la préfecture de police de Casablanca. Après ouverture et vérification minutieuse du colis, hilarité générale ! Une pierre, un morceau du “ghassoul” soutiennent nos sources, avait été emballé avec les documents de demande de visa pour totaliser le poids nécessaire à l'envoi du courrier par messagerie rapide. Opération des plus banales pour garantir l'arrivée en temps des documents expédiés. Une enquête a été ouverte et l'exécutrice identifiée. L'histoire s'arrête là. Eventuelle relaxation ? Cette histoire atteste de l'état de fébrilité qui domine toujours dans notre pays. Sommes-nous en effet épargnés contre le danger terroriste ? Oui et non. Oui parce qu'il n'y a pas eu de récidive depuis les attentats de Hay El Farah et ceux du Bd Moulay Youssef. Non, le terrorisme peut encore frapper, et à tout moment dans nos murs. Et ce n'est pas l'imposant dispositif sécuritaire mis en place et les avancées faites en matière de lutte contre le terrorisme qui dissipent totalement les craintes. La réalité est telle que le pays est toujours sous l'emprise d'une phobie que refait surface à tout moment. Surtout à l'approche de chaque triste anniversaire des attentats du 16 mai. Celui-ci commence, comme à l'accoutumée, par des grèves de la faim entamées par les islamistes et des sit-in de leurs familles pour les mêmes revendications : révision des procès et rapprochement des détenus de leurs familles. Justement pour la première revendication, beaucoup d'eau et d'encre a coulé sur des négociations secrètes tenues entre l'Etat et les représentants des détenus (les chiouks ) sur leur éventuelle relaxation. Les publications arabophones, plus précisément, en ont fait un sujet de prédilection. On a ainsi pu lire que des négociations étaient engagées avec “les Chioukhs”, en l'occurrence Mohamed Fizazi, Abdelwaheb Rafiki, dit Abou Hafs, Hassan Kettani, Abdelkrim Chadli et Hassan El Khatab) sur la possibilité de leur élargissement. Chaque jour que Dieu fait, ces prétendues négociations avançent, reculent, sont suspendues, puis reprennent ; sans que l'on sache qui négocie avec qui. On a même entendu parler d'une première mouture de plate forme de dialogue entre les salafistes et l'Etat, rédigée et qui devrait servir de point de départ des négociations entre les deux parties. Valeur d'aujourd'hui, il n'en est rien. Il n'y a pas eu l'ombre d'une négociation politique. Encadrement politique Il faut rappeler qu'au cours des discussions informelles menées depuis 2005 par les émissaires officieux des autorités et les Salafistes emprisonnés, les tractations débouchaient régulièrement sur une impasse, et ce pour une seule raison : la grande majorité des Salafistes refusaient de formuler clairement une demande de grâce. “De quoi sommes nous coupables pour qu'on nous impose de demander la grâce ?”, rappelle encore l'un d'eux, incarcéré à Oukacha. Ceci dit, la question reste toujours posée. Les Chioukhs resteront-ils en prison jusqu'à ce qu'ils purgent la totalité de leurs lourdes peines? Au jour d'aujourd'hui, présentent-ils un quelconque danger pour l'ordre public et la sérénité des marocains ? Autrement dit, sont-ils politiquement sortables? Leur maintien derrière les barreaux est-il productif en terme d'encadrement politique et, forcément, sécuritaire du phénomène islamiste? Et puis, leur condamnation a-t-elle été fondée sur des faits pénaux tangibles ou simplement sur un contexte particulier charrié par la psychose générale qui régnait suite aux attentats du 11 septembre et ceux de Casablanca en mai 2003 ? Entre temps, le danger terroriste se fait de plus en plus loin. Pas complètement écarté. Non loin des confins sud du pays, Al Qaïda au Maghreb, l'ex GSPC algérien, se réorganise. Elle se dote d'un bras politique et assoie les bases d'un commandement tournant. “Il n'est pas exclu, soutiennent les spécialistes, que si demain son chef Abdelkerin Droudke, alias Abou Mousâab Abdelwadoud disparaisse, un nouveau chef originaire du Maroc, d'Algérie, de Tunisie de la Libye, prennent les rênes de l'organisation. Ce qui suppose une plus forte implication des membres de l'organisation de tous les pays du Maghreb”. Youssef Chmirou et Tahar Abou El Farah