Pousser les jeunes vers les urnes et faire oublier le taux d'abstention des dernières législatives : c'est le casse-tête quasi-insoluble que posent les élections locales du 12 juin. Surmonter la déception du 7 septembre 2007. C'est de loin l'enjeu majeur des élections communales du 12 juin 2009. “Ce n'est plus seulement la crédibilité des partis politiques qui est en jeu, mais celle du processus électoral lui-même”, explique Mohamed Ouzzine, universitaire et directeur de la dernière campagne électorale du Mouvement populaire. Pour autant, ce sont bien les partis qui jouent gros dans ce scrutin, car il y va de leur devenir. À commencer par l'USFP qui devra faire oublier sa “défaite” aux dernières législatives. D'abord pour conserver sa place dans le “Top 5” des partis, mais aussi pour se réconcilier autant avec son électorat qu'avec ses bases. Idem pour le PJD, acculé à redorer son blason après la déception aux législatives. L'Istiqlal, de son côté, voudra absolument maintenir son leadership et confirmer sa légitimité en tant que parti au pouvoir. Quant au PAM, il passe, avec ces communales, son premier véritable test politique. L'Etat ne peut pas non plus se permettre un scrutin “raté”, avec un taux de participation toujours plus bas, confirmant ainsi la désaffection des Marocains pour la chose politique. Du coup, pour sauver le processus électoral, partis et administration parient sur une forte participation des jeunes, qui représentent aujourd'hui près de 40% du corps électoral. Mais il y a loin de la coupe aux lèvres : la campagne de communication initiée par le ministère de l'Intérieur, comme les initiatives éparses de membres de la société civile, restent d'une efficacité aléatoire. Comme l'association Daba 2007 en a fait l'amère expérience, il n'est pas aisé de pousser les jeunes vers les urnes, même en utilisant les grands moyens matériels et logistiques. Le Mouvement pour tous les démocrates, qui avait caressé le vœu de prendre la relève de Daba 2007, a depuis revu ses ambitions à la baisse. “Il ne s'agit pas d'une action de quelques mois, c'est un travail de longue haleine”, explique Bachir Znagui, porte-parole du MTD. Du coup, l'association préfère dorénavant agir en amont, en allant prêcher la bonne parole citoyenne… dans les lycées. “C'est un travail qui pourra porter ses fruits non pas à court terme, mais dans une dizaine d'années”, explique cet élu municipal casablancais. Objectif : les jeunes “Le taux d'abstention n'est pas révélateur du degré d'engagement politique des jeunes, soutient Mohamed Ouzzine. Cette désaffection reflèterait plutôt une insatisfaction envers l'offre politique qui s'ajoute à l'image ternie du politique, du moins aux yeux des jeunes, et à la désillusion des élites”. Et pour cause, les centres d'intérêts et les formes à travers lesquelles les jeunes s'impliquent dans la vie publique ont pris d'autres dimensions. “Des dimensions qu'on pourrait qualifier de non conventionnelles : associations locales ou nationales, forums de discussion électroniques, pétitions, manifestations publiques… Et ce qui explique l'intérêt grandissant des jeunes à de nouvelles formes de participation politique”, conclut cet expert en matière de développement local. Cela étant, les partis politiques continuent à y croire, multipliant les appels du pied en direction des jeunes : le PJD tient ainsi le congrès de sa jeunesse à six semaines des élections et le PPS s'est lancé dans un “Voyage du livre” à travers différentes régions du royaume, tournée durant laquelle des meetings sont programmés avec les jeunes. Le MP a fait sienne la notion de “démocratie participative”, en entamant depuis le mois d'avril une caravane où il s'agit de rencontrer et écouter exclusivement les jeunes. Les opinions et propositions collectées devraient êtres réunis dans un ouvrage publié ultérieurement. “Mais ces actions sont bien tardives, commente Bachir Znagui. À quelques semaines des élections, leur véritable intérêt relève du symbolique”. Un meilleur taux de participation ? Pour autant, le taux de participation aux prochaines communales pourrait être meilleur que celui, peu flatteur, des législatives. D'abord pour des raisons purement techniques : le taux de participation a été calculé en 2007 sur la base d'un corps électoral de 15 millions de personnes. Or, après la révision des listes électorales, ce chiffre s'est aujourd'hui amoindri de 10%. Autre élément en faveur d'un meilleur taux de participation, la nature de la carte électorale, dont le poids s'est déplacé vers le milieu rural. En effet, 85% des 1500 communes se trouvent en milieu rural. Et l'électorat non-urbain est réputé discipliné, ce qui augure d'une participation en sensible progression. Enfin, ce raisonnement optimiste tient à la nature même des sièges à pourvoir. Pour l'électeur, proximité oblige, il ne s'agit plus de voter pour un vague programme politique, mais pour une personne qu'il connaît et pour des propositions qui influenceront son quotidien. Quant aux candidats, ils seront amenés à redoubler d'efforts pour attirer les électeurs, l'enjeu étant bien plus important qu'un siège au Parlement : l'élu local participe directement à l'élaboration des politiques locales et la gestion de la chose publique avec tout ce que cela représente comme intérêts. Revers de la médaille : c'est souvent à l'occasion des élections locales que le phénomène de l'achat des voix atteint son paroxysme. Et à ce mal, les stratèges du département de Chakib Benmoussa n'ont toujours pas trouvé de remède. Tahar Abou El Farah