Quand le partenariat Nord-Sud connaît des hauts et des bas, c'est celui Sud-Sud qui tente de le suppléer. Du moins en partie. En ces temps de crise, il devient même une alternative. La concurrence s'exacerbant avec la globalisation galopante, dénicher de nouvelles destinations et diversifier ses partenaires s'imposent plus que jamais. Des initiatives naissent ici et là. Et le Maroc a choisi en ce mois de mai d'aller à la rencontre de trois pays du continent. C'est ainsi que la deuxième caravane de l'export, organisée par Maroc Export, a fait escale du 16 au 22 mai au Cameroun, en Guinée équatoriale et au Gabon. Une tournée qui aura coûté 10 millions de DH et qui s'est révélée être un succès selon les organisateurs et les opérateurs eux-mêmes. Le choix de ces trois contrées n'est pas le fruit du hasard. Selon le département de Abdellatif Maâzouz, ministre du Commerce extérieur, l'identification de ces destinations a nécessité d'importants efforts pour étudier d'abord le terrain et approfondir ensuite, la recherche. Que ressort-il de cette mission de prospection ? Que les attentes sont grandes aussi bien du côté marocain que celui des trois pays visités. Un constat est sans appel. Tout le monde s'accorde à dire que les opportunités d'affaires sont énormes, tant le potentiel de croissance dont recèlent ces pays reste inexploité. Concrètement, Maâzouz qui, s'est dit satisfait des premiers semis de cette opération, n'a pas manqué de préciser que des joint-ventures ont été réalisées dans des secteurs comme l'électricité, les technologies de l'information, la pharmacie, les bâtiments et travaux publics ou encore l'agroalimentaire. Globalement, c'est le pays de Ali Bongo, troisième et dernière escale du voyage, qui a raflé la mise, selon les organisateurs sur la voie de l'export, de nombreux obstacles se dressent devant les opérateurs marocains. Et si le gouvernement marocain ne tente pas de les aplanir, toutes ces initiatives risqueraient de tomber à l'eau. A commencer par ce maillon déterminant et facteur de compétitivité : le transport et la logistique. Certains de nos exportateurs qui ont accompagné la caravane n'ont pas caché leurs inquiétudes par rapport à cette question qu'ils qualifient de «problématique sérieuse». Tôt ou tard, «si aucune solution n'est envisagée, la Caravane de l'export se réduirait à un coup d'épée dans l'eau», prévient Ahmed Belkacem, export manager chez Atlantic Gulf Company, opérant dans la filière fruits frais. Une problématique dans la mesure où les coûts dégagés, jugés «très élevés» par rapport à nos concurrents, pèsent sur les charges de l'entreprise et pourtant réduisent ses marges de bénéfices, force motrice de tout acte d'investissement. A ces obstacles, il faut aussi ajouter ceux de l'infrastructure financière. La sécurisation des opérations financières entre les différents partenaires est la priorité des priorités. Pas de commerce sans confiance ! Sur ce chapitre, il est à le signaler qu'Attijariwafa bank ne lésine pas sur les moyens pour poursuivre son déploiement africain. Le leader du secteur bancaire marocain est présent dans ces pays, exception faite de la Guinée équatoriale. Mais ce n'est plus qu'une question de temps, comme nous l'indiquions dans une précédente édition (www.lesoir-echos.com). «Les dernières démarches pour l'installation d'une banque locale (100% marocaine) sont en cours de finalisation», assure Abdeslam Taâdi, responsable de la promotion du commerce extérieur du groupe. Cameroun : L'agroalimentaire d'abord Douala, la capitale économique et le nerf battant du pays de Roger Milla, ancien footballeur. C'est dans cette cité, ancienne colonie française où la statue du général Leclerc témoigne encore de l'époque coloniale, que la Caravane de l'export a décidé de faire sa première halte. La richesse du sous-sol camerounais donne le tournis. Du pétrole au bois en passant par le diamant et le gaz naturel, pour ne citer que ces ressources naturelles confèrent à ce pays une place de choix au niveau régional. Son PIB par habitant est de l'ordre de 42,7 milliards de dollars, ce qui équivaut à la moitié de celui de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC). Jusque-là, les investissements marocains au Cameroun sont en deçà des potentialités offertes et ont atteint, en 2009, les 1,5 million d'euros. Les 700 rencontres B to B qui ont eu lieu en une journée entre nos opérateurs et leurs homologues camerounais prouvent bien que des opportunités d'investissement, il y en a. Aux yeux de Mustapha Ben El Ghali, directeur commercial de la société Dalia Corp (semoulerie industrielle), l'étape camerounaise a été des plus fructueuses. Ce dernier compare en fait cette mission de prospection à la période des semis dans l'agriculture où il faut semer, attendre que ça germe et que ça pousse avant de moissonner. Les entrepreneurs camerounais ont manifesté un grand intérêt pour nos produits agroalimentaires comme ce fut le cas de Yerima Amadou Hamido, directeur général de la société Gamalin, spécialisée dans l'importation et la distribution de sardines et pâtes alimentaires. «C'est la première fois qu'on découvre les produits marocains. Le rapport qualité/prix que viennent de présenter nos frères est très intéressant», nous déclare-t-il. Autre opérateur et autre domaine d'activité. Pour Tarik Mhaimer, coordinateur export des laboratoires Pharma 5, le marché camerounais dans lequel nous sommes déjà établis, via une société de distribution, est prometteur. «Nous comptons dévoiler très prochainement deux nouveaux produits. Ce qui permet de drainer un chiffre d'affaires prévisionnel de l'ordre de 150.000 euros». Au niveau de ce marché, un seul souci pour Chantal Yeneteikto, une pharmacienne installée à Douala, c'est la notice des médicaments en provenance du Maroc. «Ces prospectus sont rédigés en langue arabe et en français. Alors qu'ils devraient l'être en français et en anglais, les deux langues officielles de notre pays», nous explique-t-elle. Cette question semble tranchée. A en croire Mhaimer, l'administration des Douanes camerounaise exigera très prochainement que les notices des médicaments soient écrites en français et en anglais avant l'accord de l'autorisation d'accès. A noter enfin que la présence marocaine sur le marché camerounais se renforce de jour en jour. A titre d'illustration, on peut citer l'Office national de l'eau potable (ONEP), via la Camerounaise des eaux, la CDE et Attijariwafa bank notamment. Guinée équatoriale : A grands pas ! Avec près de 650.000 habitants et un PIB aux alentours de 23 milliards de dollars, la Guinée équatoriale, dont le taux de pauvreté atteint les 75% de la population, s'apprêterait à connaître un tournant décisif dans son histoire économique. Surtout lorsqu'on sait que le taux de croissance enregistré cette dernière décennie s'établit à 70% en moyenne. Prendre part à cet envol économique et surtout en bénéficier, tel est l'objectif ultime des 83 entreprises marocaines qui ont fait le déplacement. Plus de 400 rencontres B to B ont eu lieu deux jours durant. Le premier à Malabo, capitale administrative et le second à Bata, la capitale économique. Fait marquant : une ceinture de sécurité très serrée ne laissant rien au hasard. De sorte que les médias accompagnant la caravane n'ont pas eu d'accréditation, à la différence des deux autres pays. La quête de la stabilité politique, variable impérative dans tout processus de développement économique, explique une telle attitude. Le mot sécurité en dit long pour des officiels, qui n'ont pas manqué de faire montre d'une certaine réticence vis-à-vis des questions des médias. En tout état de cause, ce pays, dont les revenus pétroliers pèsent plus de 93% dans le PIB, présente un énorme potentiel de croissance dont témoignent clairement et à l'unanimité nos opérateurs. Les travaux d'infrastructures en cours en attestent également. D'énormes chantiers accaparés essentiellement par les Espagnols, Français et Américains et sans oublier bien sûr les Chinois, attirent l'attention. Les lampadaires fraîchement installés sur l'avenue Hassan II, première artère que vous empruntez de l'aéroport vers le centre de Malabou, est un autre exemple. Le nom de feu Hassan II laisse entendre que la présence marocaine sur ce marché se fait sentir plus ou moins fortement. Des sociétés comme Somagec, Jet Sakane, Groupe Chaâbi… et prochainement Attijariwafa bank balisent en fait le chemin pour les futurs investisseurs. De l'avis de Narimane Es-Saâdi, export manager de Cosmoderm, société productrice de détergent, un intérêt clair a été exprimé par chacun des contacts rencontrés au Cameroun et en Guinée équatoriale. «Des commandes essais, ajoute-t-elle, ont été passées par la plupart sinon tous les importateurs rencontrés. Le produit marocain plaît et nous pensons avoir une réelle chance de nous placer sur ces deux marchés». Même son de cloche auprès de Hanane Zizi, directrice du développement de la société Lateq, spécialisée dans la fabrication de motocycles et tricycles. «En Guinée équatoriale et précisément à Malabo, l'absence du secteur privé a été compensée par la présence du secteur public, en l'occurrence le ministère de l'Industrie et la Chambre de commerce. Mais, c'est particulièrement à Bata que j'ai eu des entretiens avec le maire et deux entreprises privées dans le secteur des motocycles», explique-t-elle. A ses yeux, tout se joue au niveau de la relance des contacts pris durant la caravane. Gabon : Une étape pas comme les autres Libreville n'a rien à voir avec Douala, Bata ou encore Malabou, bien qu'elle occupe le 4e rang dans le classement des villes les plus chères au monde. Ce n'est qu'en accédant à la ville à destination vers l'hôtel, que la caravane a pu ressentir les signes d'une cité moderne empreinte de dynamisme. Le climat des affaires est des plus favorables avec la stabilité sociopolitique et l'égalité de traitement dans l'exercice de toute activité quelle que soit la nationalité de l'investisseur. Le pays de Ali Bongo Ondimba, membre de la CEMAC et la CEEAC, donnant accès à plus de 150 millions de consommateurs, recèle d'opportunités d'investissements importantes dans divers secteurs tels, l'agriculture, l'énergie, la pêche, l'industrie, les services, l'infrastructure, le BTP… Le système bancaire et financier affiche une bonne santé. Le secteur bancaire compte en effet, 7 banques commerciales, une postale, une d'habitat et une de développement. Quant au secteur des assurances, il comprend 8 compagnies agréées dont 5 en non vie et trois en vie. Ce secteur a pu drainer en 2009 un chiffre d'affaires de l'ordre de 64 milliards de Francs CFA au lieu de 56 en 2006, soit une bonification de 13,6%. Et c'est au Gabon, dont le pétrole représente 82% des recettes d'exportations, d'ailleurs première ressource, que la caravane de l'export a fait le plus d'affaires. Une meilleure organisation aidant, grâce notamment au partenariat d'Attijariwafa bank, cette étape a rencontré un franc succès, selon la responsable de la société Lateq. Rappelons que le Maroc est présent dans ce pays leader du secteur des télécoms dans les espaces sous régions (CEMAC et CEEAC), via Ittissalat Al Maghrib, un des 4 opérateurs locaux, Attijariwafa bank et bien d'autres. Le coordinateur export des laboratoires Pharma 5 nous révèle que 5 nouveaux produits seront lancés courant 2010. Le laboratoire, qui opère déjà sur le marché, table sur un chiffre d'affaires prévisionnel de près de 200.000 euros pour cette année. Le secteur du matériel électrique laisse lui aussi entrevoir de belles perspectives. Youness Arif, manager du département export de la société Sofa, spécialisée dans la distribution de matériel électrique, reconnaît que la société a réalisé un projet de contrat et qu'elle est en passe de monter un dossier approfondi portant sur l'homologation de ses produits, requise par les Gabonais. Le représentant de Sofa, qui a déjà investi ce marché, ne cache pas qu'il y a véritablement une volonté politique des deux gouvernements gabonais et équato-guinéen d'assurer à leurs citoyens une vie équitable au niveau sanitaire, éducation, travail… Et d'ajouter que le taux d'électrification connaît une progression notable. Selon une étude de la Banque africaine de développement, en 2007 ce taux s'est élevé à 47%. «C'est d'ailleurs ce qui nous intéresse en tant que société spécialisée dans la distribution de matériel électrique», souligne Arif. Les secteurs du BTP et de l'habitat font aussi l'objet d'une politique ambitieuse. L'Etat a mis en place une panoplie d'instruments de promotion et d'appui au logement, dont le déficit est estimé à 160.000 logements sociaux. Ainsi, pour les promoteurs qui s'investissent dans ce domaine, le terrain est mis gratuitement à leur disposition. Selon Mohamed Oubaha, PDG de la société Matisol, opérant dans le BTP, le Gabon a été l'étape la plus fructueuse. «On a eu beaucoup de contacts d'affaires, mais il faut donner suite à ces opérations. Ça sert à rien de ramasser des cartes de visite…», insiste-t-il. Oubaha compte en effet y retourner dans les 4 prochains mois. Car il faut entretenir ses contacts.