L'Inspecteur Général des FAR effectue une visite de travail en Ethiopie    Procédure pénale : L'accès des associations à la Justice oppose Ouahbi à deux instances consultatives ( Décryptage)    SIAM 2025 : Quand l'agriculture rapproche les continents    Rabat abrite le 3e Forum du dialogue parlementaire Sud-Sud    SIAM 2025 : les régions en vitrine, entre ambition agricole et fierté territoriale    Gabon/Présidentielle: la Cour constitutionnelle confirme l'élection de Brice Clotaire Oligui Nguema    Rome : Akhannouch représente SM le Roi aux funérailles du Pape François    Le baril continue de dévisser alimenté par les tensions commerciales et les incertitudes    France-Algérie : la tension continue de monter autour des expulsions et des visas    CAN(f) Futsal Maroc 25 / Ce vendredi, journée off : Le Maroc grand favori !    1/2 Finale. LDC : Les Pyramids font couler les Pirates d'Orlando !    Championnat africain de football scolaire de la CAF : L'Equipe nationale (f) U15 en demi-finale cet après-midi    PSG : Achraf Hakimi, troisième latéral le plus cher d'Europe    Al-Duhail : Djamel Belmadi, futur coach de Hakim Ziyech?    L'Humeur : Démission après chômage    Interview avec Loubna Ghaouti : « Les réalisations des Marocains du Canada manquent de visibilité au Maroc »    Algérie... La liberté d'expression à la merci des militaires    Le Hamas et les Frères musulmans jordaniens n'assisteront pas au congrès du PJD    Banque mondiale : 83 % des entreprises au Maroc opèrent dans le secteur informel    DeepTech Summit : Comment l'IA transforme l'innovation    Les patronats marocain et égyptien explorent les moyens de booster les échanges commerciaux    Crans Montana 2025 : Les travaux du Forum démarrent à Casablanca    Communiqué du ministre de l'Intérieur concernant le lancement de l'opération de recensement pour le service militaire au titre de l'année 2025    Indignations après les actes de vandalisme au Stade Mohammed V    La nouvelle LGV Kénitra-Marrakech, un projet à fort impact socioéconomique    Maroc Telecom compte près de 80 millions de clients    Alerte météo : Averses orageuses et rafales de vent dans plusieurs provinces    Visa y Maroc Telecom firman una alianza estratégica para los pagos móviles en África    Ex-Raja Casablanca president Mohamed Boudrika extradited to Morocco for bad checks    Settat : Détention du suspect principal dans l'horrible affaire de meurtre à Ben Ahmed    SIEL 2025 : Des illustrateurs marocains valorisent le patrimoine de Rabat    Comediablanca : Pour le meilleur et pour le rire    IA : Comment reconnaître une intelligence artificielle ?    L'ONMT crée trois pôles stratégiques    La FRMF choisit un partenaire stratégique pour la gestion de la billetterie    Températures prévues pour le samedi 26 avril 2025    ONU: Omar Hilale élu président du Comité de haut niveau sur la coopération Sud-Sud    Walid Regragui : Le Maroc offre aux joueurs binationaux un projet de cœur et de conviction    Quand le régime algérien fabrique ses propres crises : d'un simple hashtag à un règlement de comptes interne au nom de la souveraineté    Effondrement... Trois éléments du "Polisario" fuient et se rendent aux Forces Armées Royales    La Chine dément toute négociation commerciale avec Washington : pas de consultations ni d'accord en vue    Les prévisions du vendredi 25 avril    El Jadida : Une ode à la mémoire et à la création, Mahi Binebine célébré    « Le Figaro » charmé par El Jadida, joyau préservé entre océan et histoire    « Les Balades de Noor » font escale à Rabat : Le Patrimoine mondial de l'UNESCO expliqué aux enfants    L'anglais séduit de plus en plus de jeunes marocains    Un chef patissier marocain bat le record Guinness, en réalisant le plus long fraisier du monde    SIEL 2025 : Mustapha Fahmi présente son ouvrage « La beauté de Cléopâtre »    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Salim Jay : Quand Jamal Eddine Bencheikh écrivait «Rose noire sans parfum»
Publié dans Le Soir Echos le 26 - 05 - 2010

Né en 1930 à Casablanca, l'Algérien Jamal Eddine Bencheikh fut de ces grands professeurs qui ne craignent pas de se mesurer aux poètes et aux romanciers, comme en attestent ses recueils de poèmes et son roman «Rose noire sans parfum» (Stock, 1998). Il se révèle romancier plus convaincant que ne l'était le poète, assez pompeux.  Professeur de littérature arabe à la Sorbonne, Jamal Eddine Bencheikh fut ami de Jean Sénac et un essayiste fécond. «Rose noire sans parfum», récit accablant, se lit comme un poème oraculaire, une vertigineuse plongée dans l'histoire avec les armes du verbe le plus séducteur et de l'érudition la plus gourmande. 
Ce roman d'une sure originalité se donne comme «la chronique d'un vrai faux prophète». C'est un tapis de mots et d'idées tissé par une vie vouée à la connaissance des textes anciens. On y perçoit une réflexion discrètement désabusée sur les fourberies de la politique et les abus perpétrés au nom de la foi. 
Peignant les paysages de bataille qu'offre l'Histoire, Bencheikh raconte une sorte d'affolement universel par la pulsion de conquête. Son projet, le romancier l'explique clairement : «Dans les manuels apparaît donc un Arabe du nom de Ali, fils de Yahya, qui conduisit au neuvième siècle (de l'ère chrétienne) un soulèvement d'esclaves et coupa en deux l'immense empire de Bagdad. Chef d'une révolte, silencieux à jamais et qu'un Je va faire parler : première faille où je m'engouffre, pousse, m'acharne à passer, m'agrippant à ce corps sans vie».
L'acte de naissance de celui qui s'empare de la parole et du glaive ?  «Mère : Qurra, fille de Ali, fils de Muhammed, un Kharidjite de Koufa celui-là, qui se réfugia à Narzanîn. Père : Muhammed, fils de Abd ar-Rahim : Je me suis vu uriner en rêve, a-t-il dit, un jour avant que je naisse et mon urine a brûlé la moitié du monde».
Bencheikh ne veut jamais oublier qu'il est, lui, un homme du XXe siècle et il s'attache délibérément à manifester l'étrange rémanence entre ce qui se tramait jadis et ce qui se trame aujourd'hui : presque mêmes tourments, violences et turpitudes. Avec rigueur et vigueur, le romancier agit en poète, en historien, voire en pédagogue. Sa phrase est ample, à la fois enveloppante et nerveuse.
Rose noire sans parfum dresse le portrait d'un individu à la furie messianique. Cela vaut comme explicitation de la vanité totalitaire. La passion belliqueuse s'exerce sur fond de narcissisme vertigineux : «L'histoire se choisit et se prend, et puisque j'avais quelque chance d'être cru, je me crus d'abord moi-même. Dès lors que j'avais choisi d'être le sixième petit-fils du cousin et gendre du Prophète, je le fus».
L'anachronisme est une perspective qui n'intimide pas Bencheikh. Ainsi le Mahdi ose-t-il citer incidemment le romancier malien Yambo Ouologuem, l'auteur du «Devoir de violence» qui obtiendra, onze siècles plus tard, le prix Renaudot !
Le roman puise son charme dans le flux poétique qui s'y déverse à peine subrepticement tandis que la foi et l'épée, l'hystérie et la mégalomanie multiplient leurs cliquetis sous un ciel de menaces. Les tombes sitôt creusées, sitôt oubliées, envahissent les phrases. La terreur contemporaine et la terreur de jadis semblent adossées l'une à l'autre. «Rose noire sans parfum» affronte les séductions de la violence pour dénouer le fil du labyrinthe qui mène à l'auto-intoxication par le mal.  
Les califes, les rebelles, les mercenaires, les esclaves et les poètes passent dans Rose noire sans parfum et continuent longtemps de hanter le lecteur. Jamal Eddine Bencheikh installe dans son roman tous les flux de sa passion d'Arabie et d'Islam, laquelle passion connut son acmé dans la Bibliothèque de la Pléiade, où est publiée sa traduction des Mille et une nuits, co-signée avec André Miquel. Jamal Eddine Bencheikh n'avait jamais cessé de publier des essais savants. Ainsi, en 1998, «Les Mille et une nuits ou la parole prisonnière» (Gallimard), paru en même temps qu'il révélait, avec «Rose noire sans parfum», ses propres dons de conteur stimulant.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.