Au vu des limites du modèle économique couplées à la crise politique actuelle, quels scénarios d'avenir établissez-vous? Si on continue sur cet exercice politique, l'avenir du Maroc, du moins pour les deux ou trois années à venir, sera dur. Le pays est appelé à relever le défi du développement dans un contexte de crise et de récession, et pas seulement. Le monde aujourd'hui vit une mouvance de la cartographie géo-économique et géo-politique comme le prouve la vague du Printemps arabe. Le Maroc devrait, de fait, en tirer profit. Il n'est ni l'Egypte qui est en train de chercher son propre modèle, ni l'Algérie qui n'a pas encore fini avec son héritage conflictuel, ni encore moins la Tunisie qui reste un cas à part entière. Il est invité à consolider sa politique stratégique qui a porté ses fruits jusqu'à lors. Preuve en est, l'installation des majors de l'industrie sur le territoire marocain. Les jeunes élites de la diaspora, de leur côté, reviennent en force, armées de compétences. Il est question également d'élargir son écosystème vers l'Afrique Subsaharienne et surtout vers l'ouest. Le Maroc jouit par ailleurs, d'une stabilité politique. Il est de son intérêt de continuer à développer ses partenariats avec l'Europe dans le sens d'une diversification sectorielle à même d'exploiter les friches industrielles. Il existe donc des pistes d'amélioration à même de relancer la croissance tout en étant moins regardant sur les seuils de la dette, sans pour autant perdre de vue l'impact sur la cohésion sociale et la confiance entre institutionnels et individus. Il est utile comme vous le dites d'attirer les investissements étrangers. Toutefois, le transfert de la technologie demeure le chaînon manquant jusqu'à aujourd'hui…? Le Maroc doit montrer sa capacité à être un pays concepteur. Il ne doit pas se confiner uniquement dans une logique d'industrie d'assemblage. Certes on ne s'impose pas concepteur et motoriste du jour au lendemain. Cela demande du temps. Il est important de réfléchir à cette orientation en passant un deal avec les constructeurs et exiger d'être non seulement partenaire commercial mais également être l'industriel. Le pays doit comprendre le défi manufacturier à relever et celui des services en se positionnant sur les produits finis. Dans ce cadre, l'Afrique subsaharienne se présente comme un marché fort prometteur. Avec la récession que subit notre partenaire européen, faut-il craindre un éclatement de la bulle spéculative immobilière au Maroc? Le risque est là surtout pour une ville comme Marrakech. Le niveau des prix qui atteint des sommets ne correspond plus à la réalité. Je pense donc que l'effondrement est prévisible. Le sort immobilier de la ville Ocre dépend désormais d'éléments extérieurs faisant l'objet d'acquisition touristique et non de vie, autrement dit des acquisitions secondaires. Aujourd'hui, la demande immobilière enregistre un retournement de tendances au point que certains commencent déjà à regarder pour revendre. Mais là le pire se fait toujours attendre. Dans la foulée de ces menaces sérieuses, tout le problème provient des acteurs qui se sont investis dans des constructions à tout va avec énormément d'espérance. Sans évoquer l'infrastructure mise en place. Le problème de l'emploi au Maroc reste entier. Qu'en pensez-vous? C'est très problématique et cela est d'autant plus vrai que près de la moitié de la jeunesse se trouve au chômage. Avec l'état d'inactivité, les jeunes se retournent vers le commerce illicite. Une autre manière de gagner sa vie plus facilement mais qui n'arrange en rien les officiels dont la responsabilité ne pourrait être ignorée. Surtout que la désocialisation amène le décrochage. Dans ce cadre, la question sur les réponses qu'on donne à cette jeunesse et les palliatifs à cette politique de l'emploi se pose avec acuité. Il va falloir donc repenser cette politique. La dégradation de la cohésion sociale risque de s'accentuer. Le message le plus consistant c'est qu'il faut cesser de dire que la réponse se trouve dans les grandes villes. Il est capital de mettre en place une politique d'urbanisme cohérente en mesure d'accompagner même les emplois traditionnels. Une niche qu'on cherche à délaisser au profit d'autres métiers. À mon sens, on risque de commettre un impair car on ne revient pas sur son passé. Le Maroc gagnerait à savoir optimiser ses métiers de tradition tel l'artisanat et surtout veiller à développer leur potentiel à l'export.