La décision par l'Arabie saoudite de bloquer l'accès à l'application Viber qui permet de communiquer gratuitement et qui fait écho, à celle de bloquer l'accès au service YouTube par le Tadjikistan doit se lire à plusieurs niveaux, sans qu'il y ait de lien pour autant entre les deux événements. Le premier niveau est le signal lancé qui correspond à la peur de ne pas pouvoir maîtriser, c'est-à-dire contrôler, toutes les communications émises et reçues sur un territoire donné. En cela, il est plutôt négatif dans la mesure où il met les pays auteurs de ces actes en position de censeurs potentiels qui auraient des choses à dissimuler. Bien que cela soit une tendance mondiale, la volonté d'écouter tout le monde, au nom de la sécurité de tous, ne doit pas s'accompagner de réflexes primitifs autant que rétrogrades. Mais réduire cette opération à un simple refus de la technologie ne suffit pas. L'enjeu est également économique. Perçus comme des concurrents déloyaux, les services comme Skype ou Viber font l'objet d'un intense lobbying de la part des opérateurs traditionnels qui voient une partie de leur marché leur échapper sans contrepartie. Habitués à des marges confortables sur des marchés captifs, les opérateurs voient d'un mauvais œil l'émergence de technologies qui ne cadrent pas avec leur business modèle traditionnel. Le dernier niveau de lecture est celui de l'innovation et de l'évolution. Bloquer le développement technologique est une chimère comparable à l'érection de remparts en papier au lieu de s'inscrire dans la tension créatrice qui permet de tirer le meilleur profit des avancées technologiques. Une seule certitude. Les métiers les plus répandus dans vingt ans n'existent pas encore. Ce n'est pas en rejetant l'évidence de la convergence entre la téléphonie et internet, deux des principaux secteurs de l'économie mondiale, que l'on contribuera à réduire la fracture numérique. D'autant plus que les effets de cette dernière pourraient être beaucoup plus lourds que les écarts que nous vivons entre pays industrialisés et pays du tiers-monde nés de la colonisation.