Le soir même de l'annonce du retrait du Parti de l'Istiqlal du gouvernement, le chef de l'Exécutif, Abdelilah Benkirane, annonce, à travers un communiqué, qu'il est l'unique porte-parole de son parti et que « toute déclaration d'un(e) responsable ou membre du parti concernant la position du Conseil national du Parti de l'Istiqlal vis-à-vis du gouvernement est considérée comme opinion personnelle ne représentant aucunement la position officielle du parti». La décision de Benkirane de monopoliser la parole au sein de son parti est sage mais risquée. Oumama Ech-Cherif El Kettani, experte en communication stratégique explique : « Dans certains cas, la non-communication est communication, mais elle risque d'être dangereuse car elle est forcément mal interprétée. La société est plurielle, et il y a autant d'interprétations que de citoyens. De plus, la non-communication conduit à l'installation de la rumeur, rumeur qui peut être souvent déclencheur de crise». Car, au-delà de la crise interne à la coalition gouvernementale reflétée par les derniers événements, c'est une crise plus structurelle qui ressurgit, celle de la communication politique au Maroc. En situation de crise, qu'elle soit naturelle ou politique, la réactivité et la transparence sont cruciales. « En cas de crise, ce sont les premières heures qui sont les plus importantes», explique Oumama Ech-Cherif El Kettani. « L'idéal, c'est d'être déjà à pied d'œuvre : prêt à contacter les médias, les responsables gouvernementaux et d'autres et à leur fournir la version officielle des événements», ajoute-t-elle. Dans un contexte où l'information issue des médias alternatifs et sociaux précède l'information officielle, l'absence ou simplement le retard de cette dernière risque de multiplier les rumeurs et les polémiques, aggravant ainsi la situation. Oumama Ech-Cherif El Kettani prône une communication proactive et préventive car la communication de crise ne s'improvise pas. « Le plus important, dans une stratégie de communication de crise, c'est qu'il ne faut pas se mettre à la formuler après que la crise à commencé. N'allez pas croire qu'il est possible d'improviser au fur et à mesure ! », insiste El Kettani. « En cas de crise institutionnelle, l'erreur la plus courante est d'espérer que ça se résoudra tout seul. Ce ne sera pas le cas et les médias verront dans le silence la preuve qu'il y a un problème. Autre erreur fréquente, celle de traiter les médias en ennemis ou de leur parler de façon incompréhensible», ajoute-t-elle. Pour Oumama Ech-cherif El Kettani, la question qui se pose dans le contexte marocain est : « Peut-on parler de communication de crise alors que nous vivons une profonde crise structurelle de la communication ?». Selon elle, « le pays se trouve dans une situation « sensible » que j'impute, entre autres, à l'absence d'une réelle politique de communication, conçue comme politique publique, qui ne relève plus exclusivement d'une institution déterminée, mais qui est à considérer de plus en plus comme une affaire publique, impliquant tous les acteurs de l'espace public, aux niveaux national et international». Cela est d'autant plus valide pour le domaine politique, selon Oumama Ech-Cherif El Kettani, où « il est nécessaire de penser la crise comme un objet de communication et non, comme un fait subi». Mais dans le contexte national, il s'agirait avant tout d'un problème de perception : la rétention de l'information étant souvent synonyme de détention de pouvoir. Une vision aujourd'hui dépassée et incompatible avec le contexte médiatique actuel.