Comment concilier diplomatie et cultures pour réussir l'intégration africaine ? C'est la question à laquelle veut répondre le CAFRAD (Centre Africain fr Formation et de Recherche Administratives pour le Développement) à travers l'organisation du forum panafricain de haut niveau qui a débuté hier à Rabat. Cette rencontre de haut niveau qui s'achèvera demain dans la capitale a réuni diplomates et fonctionnaires de différents pays du continent africain sous le thème: « Cultures, diplomatie et intégration régionale, quels dialogues et quelles stratégies initier dans un contexte de grande diversité pour une meilleure intégration interafricaine ?». Les travaux du forum ont été lancés lors de la séance d'ouverture par le président du CAFRAD, Simon M. Lelo, la représentante de la Fondation Hanns-Seidel(Maroc), Juliette Borsenberger et le représentant personnel du ministre chargé de la Fonction publique et de la modernisation de l'administration, Abdelaâdim El Guerrouj. Le représentant du ministre a planté le décor en invitant les diplomates et fonctionnaires présents à « dépasser les barrières culturelles » pour donner une chance à l'intégration africaine. Il a rappelé que le Maroc fonde un grand espoir à l'intégration africaine. Cette importance, selon lui, se traduit par la récente tournée africaine du roi Mohamed VI, qui a visité trois pays du continent et surtout signé d'importants accords bilatéraux. « Cette tournée est un choix stratégique du Maroc pour partenariat Sud-Sud prospère », a-t-il dit. Il a appelé à mettre « la diplomatie culturelle au cœur de l'intégration ». Le Maroc pour un partenariat Sud-Sud prospère « L'Afrique doit pouvoir s'exprimer sa propre vision du monde. Il faut replacer la culture au cœur de la diplomatie de sorte à mobiliser sa propre culture pour s'exprimer universellement », a insisté le représentant du ministre de la Fonction Publique. Après lui, le directeur du CAFRAD a donc pris la parole pour clore la cérémonie en annonçant les différents débats et analyses qui ponctuer ces trois jours de réflexion sur la diplomatie africaine au service de l'intégration. Le premier atelier a donc commencé sous le thème: « Compréhension et actualité du concept d'intégration africaine ». C'est le professeur et ancien ministre de la Côte d'Ivoire, Pierre Aimé R. Kikpre, qui a animé cette section sous la présidence de Ba Bocar Abdoulaye, attaché au cabinet du président mauritanien. Lors de son exposé, Pierre Kikpre est revenu sur les fondements mêmes de l'intégration africaine. Il a fait remarquer à l'assistance que la construction des Etats africains est chaotique depuis l'indépendance, insistant sur les disparités à l'intérieur et à l'extérieur des Etats africains. Selon lui, on a assisté à une remise en cause du rôle des Etats en Afrique dans les années 90 à travers les Programmes d'Ajustement Structurel imposés. Cela a abouti à ce qu'il a appelé « la continentalisation des marchés et de l'espace politique ». « Le concept d'intégration africaine est en crise », a lancé Pierre Kikpre à son auditoire. D'après ses propres explications, l'Africain se sent peu concerné par cette intégration car la participation du citoyen africain n'est pas mise au cœur du concept. « L'intégration africaine doit connaître un renouveau salutaire », a estimé l'ancien ministre ivoirien. Il est aussi revenu sur les rapports entre l'Afrique et les autres continents en faisant remarquer par exemple qu'entre 1994 et 2000, les échanges commerciaux avec l'Europe ou les Etats-Unis avaient largement dépasser les 20 % alors qu'ils étaient de 6,8 % entre pays africains. Selon lui, la tendance n'a pas non plus changé de 2000 à 2010 et ceci dans tous les domaines. Les échanges culturels entre pays africains sont très peu significatifs alors qu'ils nettement augmenté avec les autres continents », a expliqué Pierre Kikpre. Impliquer la jeunesse africaine dans le processus d'intégration Il est allé plus loin dans son analyse en faisant remarquer que de nos jours, l'Africain s'identifie plus à un groupe, à une communauté(confessionnelle, ethnique etc.) qu'à un Etat. Nous avons assisté depuis l'indépendance à ce que j'ai appelé les familles multinationales. Cela a donné naissance à une solidarité horizontale à travers les frontières, c'est-à-dire que vous avez des familles par exemple au Sénégal, qui ont ramifications dans d'autres pays de la sous-région », a-t-il expliqué. Il a appelé les Etats à tirer avantage de cette solidarité horizontale. Concernant les voies et moyens pour réussir l'intégration africaine, l'ancien ministre ivoirien a notamment dit qu'il n'y a pas de recettes toutes faites. « Il faut se garder des schémas touts faits car chaque continent a sa spécificité », a-t-il affirmé. Il a surtout invité les gouvernements africains à mettre la jeunesse au cœur de leurs plans d'action. Pierre Kikpre a fini sa présentation en appelant tous les Etats africains l'intégration régionale pour faire face efficacement à la mondialisation. « Nous avons une évidente culture d'intégration en Afrique », a-t-il conclu. Après cet exposé, les participants ont été invités à poser des questions pour mieux défricher toutes les zones d'ombre autour du concept de l'intégration africaine. Ainsi le premier intervenant, le représentant du Niger a fait remarquer que c'est la colonisation qui empêche les Africains de réussir leur intégration, car , à son avis, l'intégration existait déjà entre les peuples africains dans l'ancien temps. Pour le deuxième intervenant, représentant de la Commission Economique de l'ONU pour l'Afrique du Nord, il y a d'abord un manque d'intégration nationale au sein de nos Etats car l'individu a de moins en moins confiance en l'Etat. « C'est un déficit de nos gouvernements. Il faut une gouvernance plus élaborée en Afrique », a-t-il affirmé. Cet premier atelier qui a marqué le début du forum a été suivi par un deuxième dans l'après-midi sous le thème: «La possible complémentarité entre Culture et Diplomatie au profit de l'intégration africaine ». Aujourd'hui également deux travaux sont prévus pour la journée. L'objectif de ce forum qui s'achèvera à l'hôtel Rabat demain est, selon les organisateurs, de permettre aux agents des ministères des Affaires étrangères de mieux cerner les nouvelles stratégies en vue de construire une diplomatie africaine ouverte sur elle-même et aussi de proposer des mécanismes d'une meilleure intégration politique, économique et culturelle des pays africains.