Peter Lord est à l'image de ses personnages, drôle, inattendu, irrésistible. Ce pur orfèvre de l'animation dite en volume, plus précisément, l'animation en pâte à modeler, est sa marque de fabrique. Une spécialisation qu'il a créée en 1976, aux côtés de son associé, David Sproxton à la naissance de leur studio, « Aardman Animations », basée à Bristol, au Royaume-Uni, véritable référence du genre depuis plusieurs décennies. Ce monument du film d'animation, débarque avec nonchalance, affichant un large sourire, lundi 25 mars, sur la terrasse de la cafétéria de l'Institut français à Meknès, où des centaines d'âmes, attendent dans un silence religieux, une nouvelle rencontre avec leur idole. Excuse-me, I'm a tourist !, lâche-t-il d'un ton espiègle à l'assistance. Le réalisateur de Pirates ! Bon à rien, mauvais en tout (2012), nominé aux Oscars 2013, n'a rien perdu de sa gouaille chaleureuse, depuis la veille, jour de la présentation au Théâtre de L'Institut français, de son fabuleux film. Un spectacle époustouflant, d'une durée d'une heure trente, où chaque séquence offre un merveilleux spectacle : en mer apaisée ou tumultueuse, dans les venelles sombres de Londres, sur le pont des navires fendant les eaux. Une vraie richesse des décors et des dialogues, parachèvent avec brio, les attachants personnages, dont Capitaine Pirate, le héros principal. 25 personnages doublés de 250 formes de bouches Peter Lord, l'habile manipulateur de ces incroyables marionnettes, dont il révélait déjà les secrets de fabrication, lors d'une leçon de cinéma, samedi 23 mars : « Ce film est le fruit d'un travail de cinq ans. La mise en mouvement du capitaine nous a valu 25 personnages, doublée de 250 formes de bouches », continue de jouer les magiciens deux jours plus tard. Il extrait une autre marionnette ayant toujours plus d'un personnage dans son sac. Il l'a en effet, créée, il y a plus de quarante ans, au rythme des matchs de cricket, suivis à la radio anglaise. « Je retiens un merveilleux souvenir de cette période et de ces moments de travail en solitaire. J'ai créé la lumière, les décors », confie-t-il, poursuivant, « mon moteur est indéniablement l'aspect artisanal, que j'aime le plus dans ce métier. De son côté Pirates ! Bon à rien, mauvais en tout, a été fabriqué dans des studios américains, mon équipe et moi-même étions hors de notre environnement habituel, et ce travail abouti, a bénéficié de moyens techniques et numériques, qui ont finalisé à merveille notre projet ». Des films et des clips Si sa maison de production, « Aarman Animations » est actuellement l'une des plus importantes dans le paysage du film d'animation au Royaume-Uni, c'est bien l'aspect expérimental, propre à la patte artistique de Peter Lord, qui a largement contribué à asseoir son rayonnement. « Nous devons habilement conjuguer l'impératif de l'argent, indispensable à faire vivre cette société, et développer en parallèle de nouveaux aspects liés aux techniques du cinéma d'animation», souligne-t-il. Un duo de marionnettes, né de son art, Walas et Gromite, ancrées dans l'inconscient britannique, continue d'être d'actualité aujourd'hui, «le chef de l'opposition, (férocement opposé à David Cameron, Premier ministre britannique), est souvent caricaturé, sous le trait du personnage de Walas», s'amuse le réalisateur. Tour à tour, pionnier, électron libre, Peter Lord, a également signé un clip de Peter Gabriel, au plus fort des années 80. « L'univers du clip, incarnait par essence, la cool attitude dans les métiers du vidéo clip. Si je ne suivais pas vraiment la musique de Peter Gabriel, lui était au fait de tout ce qui se faisait d'innovant en matière de film d'animation. Il a suivi avec beaucoup d'attention les six jours de tournage intensifs de son clip, il était entièrement disponible pour être manipulé à l'image», explique le réalisateur. Suit un autre clip, celui de « My baby just cares for me », de Nina Simone. « J'ai choisi un titre classique, intemporel. Le rythme de cette chanson est si particulier, que durant plus d'un mois, il ne m'a plus quitté, jusque dans ma façon de marcher dans la rue », précise Peter Lord. Le prochain film du réalisateur évoquera peut-être la vie des Beattles, des Rollings Stones, de Nass El Ghiwane...