« Les membres du gouvernement sont pénalement responsables devant les juridictions du Royaume pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions. La loi détermine la procédure relative à cette responsabilité ». C'est ce que stipule l'article 94 de la nouvelle Constitution et qui nourrit l'inspiration de l'opposition au sein de la Chambre des représentants. Le groupe parlementaire du PAM est passé à l'action par la voie d'une proposition de loi fixant la procédure relative à la responsabilité pénale des membres du gouvernement : chef du gouvernement, ministres et secrétaires d'Etat. Un constat : le vide juridique « 18 mois après l'adoption de la nouvelle Constitution, le gouvernement ne se presse pas pour sa mise en œuvre surtout en ce qui concerne cet article», fait remarquer Ahmed Touhami, député du PAM ayant participé de très près à l'élaboration de cette proposition de loi. Le vide juridique auquel s'ajoute l'abolition de toute justice d'exception a motivé l'initiative du PAM. « Le concept même de la justice politique ne peut plus servir de refuge aux responsables, si nous sommes dans la perspective de construire un Etat de droit. La justice y est indépendante et les citoyens égaux. Les ministres seront des justiciables comme les autres », explique ce député. L'importance de cette responsabilité pénale des membres du gouvernement trouve son origine dans une logique dans laquelle la reddition des comptes et la bonne gouvernance fournissent l'élément clé. Pour le PAM, relever un défi de cette taille ferait du Maroc « une des monarchies parlementaires les plus ancestrales, à l'image de la Grande Bretagne et du Danemark, et très proche du modèle espagnol ». Un principe : l'égalité La proposition de loi se construit sur deux principes. « Le premier concerne l'égalité face à la loi et à la justice pénale, alors que le second vise l'abolition de l'immunité contenue dans le code pénal au profit des responsables gouvernementaux », indique Ahmed Touhami. Le PAM estime ainsi nécessaire que le code pénal soit modifié pour s'adapter à la Constitution en supprimant le privilège de l'immunité accordée à ces hauts responsables en matière d'infractions commises en dehors de l'exercice de la fonction. « Abolir cette immunité, même si elle ne concerne que de simples contraventions, s'impose par la force constitutionnelle et de principe dans le souci du respect de l'égalité des citoyens face au code pénal et à l'article 6 de la Constitution », note la proposition de loi qui cite ce dernier : « La loi est l'expression suprême de la volonté de la nation. Tous, personnes physiques ou morales, y compris les pouvoirs publics, sont égaux devant elle et tenus de s'y soumettre (...) ». Il faudra donc mettre en œuvre l'égalité mais prévoir « quelques aménagements » prenant pour compte la spécificité de la fonction qu'exerce le membre du gouvernement. Il est question, entre autre, d'assurer « des délais raisonnables et de respecter la présomption d'innocence ». « Une enquête préliminaire rigoureuse », c'est ce que recommande le PAM en décrivant la procédure que devrait suivre tout juge d'instruction saisi d'une affaire impliquant un membre du gouvernement. À l'issue de l'investigation, si ce dernier est poursuivi, il aura droit à un procès public dans un tribunal de première instance ou à la Chambre criminelle près la Cour d'appel, selon le type de délit. Mais le caractère public des audiences n'est pas obligatoire « si des cas spécifiques imposent la tenue d'audience à huis-clos», prévient le PAM. Et c'est au bulletin officiel que les jugements définitifs prononcés par les diverses catégories de juridictions devraient être publiés. Le groupe PAM a, par ailleurs, suggéré la mise en place d'une procédure de jugement en référé pour les pourvois en cassation à condition qu'elle ne dépasse pas un mois. S'articulant autour de trois chapitres, la proposition de loi a de quoi alimenter le débat au sein de la commission de législation, de justice et des droits de l'Homme. Mais le PAM compte dépasser les frontières du Parlement pour faire de la responsabilité pénale des membres du gouvernement un débat public.