Le début de l'année 2013 est marqué par une remarquable et intéressante activité politico-militaire de la France en Afrique : la semaine dernière, la France a mené une opération spéciale visant à libérer un agent de la DGSE retenu en Somalie depuis trois ans et commencé une intervention militaire au Mali pour freiner l'expansion des djihadistes, susceptibles de s'emparer d'ici peu de l'ensemble du territoire. Dans le cas somalien, l'opération est un cuisant échec pour la France avec, semble-t-il, l'exécution de l'otage par ses ravisseurs et la perte de deux hommes des forces spéciales dans un affrontement très dur. Cet échec, bien qu'à déplorer, ne doit pas être un frein à la poursuite de la politique de fermeté que la France suit depuis des années avec les terroristes. C'est d'autant plus vrai que dans le cas présent, les terroristes sont des jusqu'au-boutistes, fanatiques, moins attirés par une rançon que par un pouvoir de nuisance exercé à l'encontre d'une démocratie. On ne peut que souhaiter que les libérations futures des autres otages français retenus en Afrique du Nord connaîtront une fin heureuse. La situation est radicalement différente dans le cas malien, puisque l'armée intervient dans son ensemble, répondant à une demande des autorités maliennes qui sont dans l'incapacité totale de rétablir leur autorité sur l'ensemble du pays, avec une armée en pleine décomposition. Par conséquent, accuser la France de faire preuve d'ingérence et de se comporter en impérialiste est difficilement acceptable intellectuellement. L'opération n'en est qu'à ses débuts, mais il y a déjà des pertes françaises, dues à une résistance plus forte que prévue par les services français et par un armement puissant des djihadistes, rendant plus vulnérables les forces françaises. La crainte d'un nouvel Afghanistan, avec son lot de morts et son bilan catastrophique, n'a pas vraiment de sens dans ce conflit, dans la mesure où la France entend laisser dans les meilleurs délais la place à une force africaine, composée de troupes mis à disposition par les Etats voisins du Mali. L'intervention française était en tout cas indispensable, tant la perte totale de contrôle du pays se profilait à un horizon proche. Toutefois, plusieurs regrets peuvent être notifiés : l'intervention aurait pu avoir lieu plus tôt afin d'empêcher les forces djihadistes d'avoir le temps de se constituer de solides défenses. Deuxièmement, une réponse européenne, ou au moins formulée par les « grands » européens, aurait eu une valeur symbolique forte et aurait évité les critiques quant à un éventuel néo-colonialisme français. Troisièmement, pourquoi ne pas avoir privilégié dès le début l'utilisation des forces spéciales, couplée à des renseignements de qualité ? L'expérience a montré que les assassinats ciblés des personnages clés de ces groupes terroristes (chefs, responsables logistiques, messagers...) liés au narcotrafic aboutissaient à de bons résultats, comme en témoigne la lutte acharnée des Américains contre Al-Qaïda. La mise hors d'état de nuire systématique des chefs et responsables stratégiques de l'organisation a créé des difficultés majeures à l'organisation pour perpétrer ses actes. En agissant ainsi au Mali, la France désorganisait les groupes terroristes, les fragilisait et évitait une intervention militaire de grande envergure avec les risques humains, politiques et stratégiques qu'elle impliquerait nécessairement. Il convient de souligner la position courageuse du Président Hollande qui y joue sa crédibilité de chef d'Etat et de remarquer, à l'inverse, l'absence coupable des Etats-Unis dans cette aventure. Très critiques quant aux propositions françaises jusqu'à présent, se refusant à être force d'impulsion, ils se sont désintéressés de cette région, pourtant stratégique, se bornant à assurer une veille de renseignement certes utile mais insuffisante si l'on regarde de près les enjeux. Leur appui actuel, qualifié de minime par eux-mêmes d'ailleurs, n'est que le témoignage d'un soutien de forme et de circonstance. Cette guerre n'en est qu'à ses débuts, elle peut évoluer dans de trop nombreuses directions pour risquer à des pronostics hasardeux quant au devenir de la zone. Tout juste pouvons-nous regretter l'utilisation du terme « guerre contre le terrorisme » utilisé par les responsables français, qui renvoie aux années Bush et qui manifeste une erreur conceptuelle stratégique certaine. La France est en guerre contre des organisations terroristes et non contre le terrorisme : de telles approximations ont abouti dans le passé à des résultats désastreux.