Il se dit indépendant, aussi bien du parti dont il est ou était membre , « Al Ahd ». « Je resterai toujours un électron libre, ma seule allégeance, je la fais et la réitère au roi et à la monarchie, à mon pays... Je suis un fervent défenseur de l'intégrité territoriale du Maroc. L'Espagne qui reste à mes yeux l'un des derniers pays colonisateurs dans un XXIème siècle » affirme-t-il. D'un abord plutôt simple, courtois, à l'épaisseur impressionnante, visage jovial et discours vif, Yahya Yahya est celui qui a décidé d'élever le défi , ou plutôt la provocation au rang de la confrontation politique. Il est aujourd'hui , comme il dit , sur la « black list » des autorités espagnoles...A Mellilia, sa ville natale, de près de 1 million d'habitants, il est quasiment interdit de séjour et de passage...Pourtant, il est « espagnol » à cent pour cent... Forcer la rétrocession des territoires occupés par l'Espagne Parce qu'il réclame à cors et à cris le retour au Maroc de Mellilia, Sebta, les Îles Jâafarine, l'îlot de Laila , Nekkor et autres rochers, il ne cesse d'avoir maille à partir avec l'Espagne. A la question de savoir pourquoi il en fait un combat aussi offensif et continu, il répond : « Je suis le fils natif d'une ville colonisée depuis des siècles, géographiquement située dans le territoire du Maroc depuis toujours, mais rattachée arbitrairement à une puissance coloniale. Celle-ci n'a pas , n'a jamais eu l'intention de la restituer, comme Sebta et les autres parties, au Maroc... ». Il ajoute, péremptoire : « Je fais mon devoir de patriote et accomplis ce que le gouvernement marocain ne veut, ni ne sait accomplir...Je doute fort, en plus, que le gouvernement actuel, à dominante PJD pourtant, sache mieux faire que les autres pour forcer la rétrocession de ces territoires par l'Espagne... ». Et de rappeler avec force : « La souveraineté espagnole sur Sebta et Melilla n'est reconnue ni par l'UA (Union africaine), ni par l'OCI ( Organisation de la conférence islamique) , ni par la Ligue arabe, ni par l'organisation de l'Union du Maghreb Arabe (UMA) » Elle est même dénoncée, soutient-il . « Les pays membres de ces quatre organisations estiment que l'Espagne doit décoloniser ces territoires et les restituer au Maroc ». Selon lui, le combat doit être porté à l'échelle internationale, et notamment au niveau de l'Union européenne qui n'a pas encore compris que ces territoires sont marocains, comme l'Algérie aussi qui joue double jeu et s'abstient de voter en faveur du Maroc... Le Comité de libération de Sebta et Mellilia. Debout à droite, Yahya Yahya. Monsieur « le sénateur » de Nador Yahia Yahia, élu Conseiller à la deuxième chambre est aussi président du Conseil municipal de Beni Ansar depuis 2009, interface si l'on veut de Mellilia, confronté donc à quelques encablures aux autorités espagnoles. Il a dénoncé vigoureusement, à sa manière et avec son style, ce qu'il appelle « la violation du territoire marocain par les policiers espagnols » qui, dit-il, « se sont permis une incursion en venant kidnapper un citoyen marocain pour l'emmener à Mellilia... » ! A ses yeux, l'incursion et la méthode étaient d'autant plus inadmissibles et condamnables qu'elles n'ont suscité aucune réaction du gouvernement marocain. Non content de reprendre à son compte un tel argument – disons un élément encourageant -, le « sénateur » de Nador a pris sur lui-même d'aller au poste frontière pour y stationner sa voiture et bloquer délibérément le passage. Une manière, sa manière de protester, de se révolter contre ce qu'il appelle « les forces coloniales d'en face ». Son véhicule est demeuré plusieurs jours à même le « check-point», entravant ainsi les entrées et les sorties...Il a été arrêté en 2008, mais se refuse toujours de se présenter devant le juge espagnol , estimant que celui-ci n'a aucune autorité puisqu'il exerce sur un territoire... marocain ! Quand on lui demande si, dans ces conditions, ce genre d'actions ne relève pas davantage du spectaculaire que du combat politique efficace, il rétorque : « Aujourd'hui, la politique intègre les paramètres de l'action et de la communication. L'action, ce sont aussi les symboles...Je ne recours pas à la violence, mais j'interpelle l'opinion pour dénoncer un acte de provocation des autorités espagnoles qui se sont permises de violer le territoire de mon pays, de s'y livrer à un chantage et à un enlèvement en bonne et due forme... ». Avec la même vigueur, il condamne les visites que des responsables espagnols de haut niveau, qu'il s'agisse du président du gouvernement voire du Roi Juan Carlos, effectuent dans les villes occupées. Là aussi, il y dénonce « la provocation érigée en politique d'Etat » et donc, le « non respect de l'accord tacite » des conventions adoptées officiellement par le Maroc et l'Espagne...Animé par une « passion patriotique », et un attachement à la monarchie et au Roi, Yahya Yahya, n'en démord pas ! Il a créée un Comité de libération de Sebta et Mellilia et s'est lancé il y a quelques mois à l'assaut de la presqu'île Badis ( Penôn de Velez de la Gomera) , pas loin d'Al Hoceima, lui en personne en tête du commando de sept membres, qualifiés « d'activistes » ! Ils y ont planté, à la barbe des militaires espagnols en faction trois drapeaux marocains, provoquant ainsi l'ire des autorités espagnoles et sensibilisant l'opinion... « J'ai accompli cet acte symbolique pour rappeler qu'au XXIème siècle, il existe encore un problème colonial d'une portée anachronique , à quelques kilomètres seulement de l'Europe, cette même Europe qui s'engage en Afrique pour défendre l'intégrité territoriale du Mali, dans les Balkans et ailleurs et qui feint d'ignorer gravement qu'il y a un problème de décolonisation en Afrique du nord... », affirme-t-il. Une certaine presse, dont un certain « Demain », relayant la presse espagnole hostile au Maroc, a cru voir dans cette expédition patriotique une « manipulation des services » marocains, voire du Makhzen...Yahya Yahya, lui, rétorque de manière péremptoire : « Je continuerai la lutte anti-coloniale, au service de mon pays, du peuple marocain et pour l'intégrité et la souveraineté nationale...Je n'ai aucune autre raison que celle de donner l'exemple aux futures générations. Le gouvernement actuel , dont pouvait attendre plus de résolution sur ce dossier, semble plus timoré et incapable que tous ceux qui l'ont précédé...Et même si une cohabitation politique avec l'Espagne voisine devrait être maintenue, nos intérêts et notre histoire territoriale devraient être défendus et préservés ». * Tweet * * *