Naima Zitan dirige depuis quatre ans le Théâtre Aquarium. Militante féministe, elle a choisi les planches pour défendre la cause des femmes. Dially ou l'intimité et le respect de la femme. Le théâtre Aquarium s'est fait connaître du grand public grâce à la pièce Dially, une représentation qui a fait couler beaucoup d'encre. Ce théâtre existe pourtant depuis plusieurs années. Derrière ce projet, Naima Zitan, qui porte la double casquette de « femme metteur en scène » et de militante féministe. Elle crée en 2008 le Théâtre Aquarium afin de « militer à [sa] façon » pour la cause féminine et féministe. La mission du théâtre est on ne peut plus explicite : la mise en œuvre de l'égalité entre les sexes et la diffusion de l'approche genre à travers l'Art. L'art au service du militantisme Naima Zitan, metteur en scène et militante Née à Chefchaouen, Naima Zitan grandit dans une famille de huit enfants. À 13 ans, elle rejoint le conservatoire de musique et intègre le théâtre scolaire. Passionnée de théâtre, elle intègre ensuite l'Institut Supérieur d'Art Dramatique et d'Animation Culturel (ISADAC) à Rabat où elle obtient son diplôme en 1994. En près de vingt ans de carrière, Naima Zitan a mis en scène une quinzaine de pièces. C'est son activisme au sein des associations féminines qui l'a poussée à créer « Théâtre Aquarium ». Un concept taillé sur mesure pour lui permettre « de militer à [sa] façon ». Enfin! « J'ai aménagé le salon de ma maison au centre de Rabat pour en faire le bureau de l'association. Mais mon rêve de toujours était de créer un théâtre de quartier pour les populations défavorisées », raconte-t-elle. Ce n'est qu'en 2008 que ce rêve se réalise. L'espace « Théâtre Aquarium » voit alors le jour au sein d'une maison traditionnelle du quartier populaire de l'akkari. Dially, ce tabou « Etant donné les nombreux cas de viols, de mariages de mineurs et d'incestes au Maroc, il était essentiel pour nous de tirer la sonnette d'alarme et de crier fort : Stop aux violences contre la femme, cessez d'insulter son intimité, cessez de la voir comme un organe, de la juger, c'est un être à part entière, son corps lui appartient et c'est à elle de décider de son usage » s'indigne la fondatrice de “Théâtre Aquarium". C'est de là qu'est né le projet de la pièce « Dially ». Fin 2011, un appel est lancé aux femmes pour participer à une série d'ateliers de prise de parole « !!! Expression féminine ». Les ateliers s'étalent sur sept mois, de décembre 2011 à juin 2012. L'objectif était de recueillir des témoignages pour la création d'une pièce théâtrale. La difficulté principale était d'inciter les participantes à aborder un sujet aussi intime que tabou : le sexe féminin. « Lors de la première table ronde, nous avons été accompagnées par des sociologues et des psychologues pour nous guider. La confiance s'est vite installée et les femmes venaient vers nous en toute liberté. C'est alors devenu un moment d'échanges intenses dans l'intimité et le respect de l'autre », explique-t-elle. Naima Zitan va jusqu'à parler de psychothérapie de groupe pour décrire les ateliers. Selon elle, les ateliers n'ont fait que confirmer ce qu'elle savait déjà de la situation des femmes dans le pays. « Etant militante de la cause féminine et membre du Conseil National du Droit de L'Homme, j'étais confrontée en permanence aux injustices et aux violences à l'égard des femmes. » Certains témoignages l'ont pourtant marquée, notamment ceux des viols conjugaux durant la nuit de noces. Après la première représentation, une polémique est née autour de la pièce. Et comme pour toutes les œuvres traitant de la sexualité, la critique s'est empressée de «s'indigner» sans chercher à en comprendre le contenu ou la visée. À cela, Naima Zitan répond : «C'est vrai, Dially a perturbé les mœurs, a brisé le tabou, a causé une polémique qui a construit deux camps ennemis d'islamistes et de libéraux. Mais cette polémique autour de la pièce prouve une fois de plus l'absence d'éducation sexuelle, l'injustice à l'égard des femmes et la relation qu'elles entretiennent avec leurs corps . Nous avions donc raison de scander notre colère contre la «circoncision culturelle», dont la marocaine fait l'objet. Pour ceux qui se sentent offensés et qui, pour la plus part, n'ont pas vu le spectacle, je réponds : le théâtre ne s'impose à personne, on a le choix de venir voir un spectacle ou pas et cette polémique démontre la tension persistante entre le dogme religieux et l'audace artistique.» Pour ce qui est de ses projets futurs, Naima Zitan préfère ne pas en parler, mais déclare vouloir aller de l'avant et continuer son chemin « fidèle à [ses] convictions ». Une tâche qui ne s'avère pas des plus faciles. « L'une des principales difficultés auxquelles j'ai été confrontée, est celle de me créer un nom dans le milieu artistique tout en restant fidèle à ma cause, mais il y a aussi la difficulté d'acquérir une notoriété sur le terrain. artistique ‘masculin ». * Tweet * *