Ancien journaliste d'investigation le plus célèbre du Sénégal, ancien directeur d'une école de journalisme et ex-patron de presse, Abdou Latif Coulibaly enfile aujourd'hui le costume de ministre chargé de la promotion de la Bonne gouvernance et porte-parole du gouvernement sénégalais. Il évoque pour nous sa nouvelle mission et aborde les dossiers politiques qui sont d'une actualité brûlante. Brahim Fassi Fihri (D), Président de l'Institut Amadeus, remet à Abdou Latif Coulibaly, porte parole du gouvernement sénégalais, le Grand Prix Medays 2012 décerné à son pays. L'Institut Amadeus a décerné le Grand Prix Medays 2012 au Sénégal pour le caractère démocratique de la deuxième alternance du pays. Vous êtes envoyé spécial du président Macky Sall pour recevoir ce trophée. Quels sont vos sentiments par rapport à cette distinction ? Je suis extrêmement fier de venir prendre ce prix qui récompense les efforts fait au Sénégal pour inscrire notre pays dans le paysage des pays démocratiques, ce qui n'est pas très évident en Afrique. Je considère pour ma part que nous y avons réussi plus ou moins. Nous avons des élections qui se tiennent à intervalles réguliers et nous avons connu deux alternances politiques qui sont extrêmement importants dans un continent où la dévolution du pouvoir ne se passe pas toujours dans des conditions souhaitables. C'est une marque déposée en maintenant chez les Sénégalais que de faire valoir leur capacité à organiser une élection et àfaire accepter les résultats par tous. Qui dit Abdou Latif Coulibaly pense évidemment au célèbre journaliste d'investigation aux révélations fracassantes notamment à travers plusieurs ouvrages qui pointent du doigt la gouvernance du régime libéral. Aujourd'hui, vous endossez un autre costume, celui de ministre de la Bonne gouvernance et porte-parole du gouvernement. Une transition aisée ? Ecoutez, j'ai fait la part entre deux vies d'Abdou Latif Coulibaly. J'ai une vie où j'étais journaliste pendant 34 ans, professeur de journalisme et chercheur, romancier, essayiste. Je ne fais plus dans le journalisme actif. Je suis au sein d'un gouvernement. Mes prises de position se feront au sein de cette équipe gouvernementale, auprès du président de la république qui m'a fait confiance. Le plus important pour moi, c'est de savoir si le travail que j'ai effectué a été utile. Pour ma part, je considère que oui ! Et si je suis là aujourd'hui, c'est peut être le résultat de ce travail. Donc je n'ai pas de regrets par rapport à cela. Le Sénégal occupe la 16e place sur une quarantaine de pays dans le rapport 2012 sur la bonne gouvernance dans le monde, publié par la Fondation Mo Ibrahim. Selon vous, quels devront être les axes prioritaires pour améliorer ce rang ? D'abord, la gouvernance et ensuite la consolidation de la démocratie. Les questions liées à l'emploi et à la croissance sont complexes et nous ne disposons pas toujours de tous les éléments permettant de mesurer leur impact. Nous sommes dans une interdépendance mondiale fruit de la mondialisation, comme l'a souligné le président Ernesto Samper (durant les Medays 2012, ndlr), les canaux de la mondialisation font passer trop de choses que nous ne pouvons pas maîtriser. Il faut bien administrer le pays. Le président de la république ne disait pas plus tard que la semaine dernière qu'il est le manager en chef du pays. Autrement dit, il a géré une entreprise, donc des biens. Dès son arrivée au pouvoir, le président Macky Sall a remis au goût du jour la Cour de répression et d'enrichissement illicite qui existait sous la législature du président Abdou Diouf. Qu'est-ce qui a motivé une telle décision ? Cela ne doit pas étonner. Macky Sall a planifié dans son programme qu'il mettrait en place un gouvernement ayant pour credo une gestion sérieuse, efficace et efficiente. Il s'était engagé à s'élever contre la prévarication, à remettre l'éthique au cœur de l'action politique et publique. Donc, s'il a mis en place la Cour de répression et d'enrichissement illicite qui a pour vocation de punir les personnes qui se sont enrichies indument, il est en conformité avec les engagements qu'il avait pris avec le peuple. La convocation d'anciens responsables de l'ex-régime, dont l'ancien ministre Karim Wade dans le cadre de leur gestion antérieure, entre-t-elle dans ce cadre ? La Cour est en train de mener des investigations sur la gestion de ces anciens responsables du régime libéral. Cela n'est aucunement une chasse aux sorcières. Karim Wade doit rendre compte des 432 milliards qu'il a gérés dans l'Agence nationale pour l'Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI) qui s'est tenue à Dakar en 2005, Samuel Sarr doit s'expliquer sur l'immense budget qui était alloué à l'électricité. L'ancien président Abdoulaye a annoncé une plainte contre Macky Sall pour « enrichissement illicite ». Comment appréciez-vous cette décision de Wade ? Macky Sall est un président en activité qui ne peut être poursuivi durant l'exercice de ses fonctions. Une fois au pouvoir, Il a fait une déclaration de patrimoine. En plus, on ne connaît pas concrètement ce qu'on lui reproche. Ses détracteurs doivent dévoiler au public les preuves de leurs accusations. Des personnes de l'ancien régime ont occupé des postes de responsabilités importantes, ils ont utilisé plusieurs ressources financières. Il faut qu'ils rendent des comptes. * Tweet * *