Moustapha Niasse, ancien premier ministre, arrivé en troisième position à l'issue du premier tour de la présidentielle sénégalaise, revient, pour le Soir échos, sur son avenir politique et sur les attentes du peuple sénégalais. Moustapha Niasse : « Le plus important pour les Sénégalais à l'heure actuelle est que le gouvernement applique les programmes d'action annoncés lors de la campagne électorale » Vous avez activement participé à la nouvelle ère qui commence dans votre pays. Quelles sont les attentes du peuple sénégalais ? Le plus important pour les Sénégalais à l'heure actuelle est que le gouvernement applique les programmes d'action annoncés lors de la campagne électorale. D'abord, nous avons la lutte contre la pauvreté. Et dans ce sens, le nouveau gouvernement a déjà annoncé la baisse de la fiscalité sur les produits de première nécessité, notamment le riz qui est très consommé par les Sénégalais. Le peuple souhaite également une lutte acharnée contre la corruption qui a marqué le pays pendant ces douze dernières années. Il y a eu beaucoup de cas d'enrichissements illicites. Le gouvernement a commencé des audits qui permettront de clarifier la situation. Mais toutefois, je ne peux pas vous dire les mesures qui seront appliquées aux personnes épinglées à l'issue de ces audits puisque je ne fais pas partie du gouvernement. Cela relève du ressort du nouveau président et de son équipe. Le Sénégal a, une fois encore, prouvé sa maturité en matière de démocratie à l'issue de la présidentielle. Quels sentiments vous aminent aujourd'hui ? C'est une profonde fierté. Vous savez, le président Léopold Sédar Senghor a posé les jalons de la démocratie sénégalaise en renforçant les libertés et notamment la liberté de parole. Abdou Diouf qui l'a suivi, a consolidé ces valeurs démocratiques qui sont très chères au peuple sénégalais. Mais Abdoulaye Wade, pendant ses deux mandats, a détruit le tissu démocratique sénégalais. Corruption et mauvaise gouvernance ont caractérisé son régime. Et de plus, il a choisi une option anti-démocratique en voulant se faire réélire pour une troisième fois à la tête du pays. Le nouveau président Macky Sall est venu pour remettre les pendules à l'heure. Cependant, il y a aussi un sentiment d'humilité qui doit prévaloir. Certes, nous avons réussi cette échéance électorale mais la démocratie sénégalaise reste fragile. Les Sénégalais ne doivent donc pas se dire qu'ils n'ont plus de leçons à recevoir de quiconque. C'est plutôt le moment d'observer ce qui se passe un peu partout dans le monde pour corriger nos imperfections. Car, aucun Etat ne peut vivre en autarcie. Vous avez soutenu Macky Sall lors du second tour de la présidentielle. Quel est votre rôle aujourd'hui dans cette nouvelle ère ? Vous savez, j'ai été pendant de longues années au service de l'ONU et de mon pays. Plusieurs fois ministre, chef de cabinet du président Senghor, premier ministre, je crois que le temps est venu de laisser la place à la jeune génération compétente qui émerge. Le général De Gaulle a dit qu'il faut savoir laisser les choses avant qu'elles ne vous laissent. Je saurais toujours me rendre disponible pour la communauté internationale et mon pays, mais je crois que maintenant, j'ai un rôle de doyen à jouer. Je continuerais à accompagner la nouvelle équipe, à aider et à conseiller s'il le faut. Même au sein de ma coalition, j'ai refusé de me présenter aux prochaines législatives. Je préfère plutôt investir les jeunes candidats pour qu'ils portent les couleurs de la coalition très haut. À votre avis, quelle sera l'orientation diplomatique du président Macky Sall? Une fois encore, je le répète, je ne suis pas membre du gouvernement. Mais, à mon avis, le chef de l'Etat va renforcer ses relations avec ses voisins et bien sûr élargir sa politique vers l'Afrique de l'Est également. Il a nommé un diplomate remarquable au poste de ministre des Affaires étrangères et je lui fais confiance. Je sais qu'il sera capable de relever les défis qui s'imposent. Concernant le Maroc, le peuple sénégalais est très attaché à ce pays. Nous partageons des valeurs d'amitié, de solidarité et de paix. Le Maroc est, aujourd'hui, un modèle sur le continent. Le président sénégalais, Macky Sall, va effectuer incessamment une visite au Maroc où il s'entretiendra avec le roi Mohammed VI dans l'objectif de consolider les relations entre les deux pays. Que pensez-vous de la situation malienne en tant que grand diplomate africain ? C'est une situation dramatique au Mali. À l'heure actuelle, les pays africains n'ont pas besoin d'être découpés, nous devons plutôt penser l'intégration sociale, culturelle et sur tous les plans. Je pense que ce problème sera résolu par le biais d'un vrai dialogue entre les populations du Nord et celles du Sud du Mali et à travers la négociation, une solution adéquate va être trouvée.