Les 16, 17 et 18 novembre ont constitué des dates symboles pour le peuple marocain parce qu'elles coïncident depuis 1955 à la Libération du Maroc et, notamment au retour du roi Mohammed V, exilé jusque là par les autorités du protectorat. Elles couronnent aussi plusieurs années de lutte nationaliste, dont quelque deux ans et trois mois d'isolement du roi en Corse et à Madagascar. Feu Mohammed V le 16 novembre 1955 à l'Aéroport Rabat-Salé, le jour de son retour d'exil. C'est au mois d'octobre 1955 que Mohammed V fut ramené de Tananarive à Paris et que commencèrent entre lui et Antoine Pinay, président du Conseil français d'âpres négociations pour l'indépendance du Maroc. Elles durèrent plusieurs semaines et n'aboutirent qu'à la mi-novembre. Une fois arraché de haute lutte encore l'accord de libération, Mohammed V avait hâte de retrouver sa terre natale et un peuple enfiévré et euphorique. Son arrivée à Rabat le 15 octobre, accompagné des membres de sa famille, fut triomphale, tant la liesse populaire était grande. Les journées des 16 et 17 novembre étaient vécues comme une interminable fête populaire, les rues et avenues bariolées, décorées de banderoles et de drapeaux, des rassemblements immenses étaient organisés, spontanément souvent, et le peuple impatient de voir de plus près son Roi,enfin libéré. A défaut de le voir à la télévision, on se contentait d'écouter sa voix à la radio, qui était si rare, notamment lorsqu'il proclama officiellement le 18 novembre que « le Maroc est indépendant et libre », lorsqu'il affirma solennellement sa volonté de construire une démocratie basée sur le principe du pluralisme. Une démocratie, enracinée dans les valeurs ancestrales de l'Islam et dans le libéralisme politique et économique. Ce fut plus qu'une proclamation solennelle, mais une profession de foi et le socle sur lequel reposeront les institutions du royaume. Le « 18 novembre » sera désormais férié, en fait le « 18 novembre », jour de libération et parachèvement d'un long combat pour l'indépendance, avait commencé bien longtemps, des décennies avant. La libération ! Ce mot fétiche que l'autorité coloniale bannira et combattra, avait été proclamé le 11 janvier 1944, lorsqu'un groupe de 44 personnalités nationalistes publia le fameux Manifeste de l'Indépendance. Le père de la Nation à Madagascar en septembre 1955. Les autorités coloniales y voyaient une complicité, une collusion objective entre le roi et les nationalistes signataires qui sont arrêtés les uns après les autres. Ils réprimèrent sévèrement les jeunes nationalistes , non sans susciter un émoi général, aussi bien au Maroc que dans certains cercles libéraux de France. Commence alors un cycle de répressions, mais s'affirme en même temps en face une revendication incarnée par le Roi Celui-ci, non content de voir le mouvement nationaliste se fédérer autour de lui, assuré aussi de la fidélité de son peuple, prendra en charge le mouvement. En avril 1947, il accomplira un voyage historique à Tanger, accompagné des Princes Moulay El Hassan, Moulay Abdallah, des Princesses Lalla Aïcha, Lalla Malika et Lalla Nezha, tous engagés dans le combat pour l'indépendance. A Tanger, il prononcera le célèbre discours qui est aussi une interpellation officielle adressée à la France pour accorder l'indépendance au Maroc. A cette époque, cela faisait déjà deux ans que Mohammed V avait posé directement et crûment le problème au général de Gaulle, Libérateur de la France. Celui-ci rapporte dans son livre III des Mémoires, « Le Salut »- les propos trèsfermes que lui avait tenus le roi : « Le régime du protectorat a été accepté par mon oncle Moulay Hafid, puis par mon père Moulay Youssef, et l'est aujourd'hui par moi-même comme une transition entre le Maroc d'autrefois et un Etat libre et moderne. Après les événements d'hier et avant ceux de demain, je crois le moment venu d'accomplir une étape vers ce but. C'est ce que mon peuple attend... ». Le propos ne souffre aucune ambiguïté, il émane d'un roi clairvoyant qui choisit la méthode diplomatique et calme. Dans l'esprit du souverain, l'indépendance ne constitue point la fin en soi, mais le moyen de reconstruire un Etat libre et émancipé. Cette attitude de force tranquille, faite de fermeté et de souplesse, Mohammed V ne la quittera jamais... Les années passent et sa conviction fermente encore : l'indépendance est inéluctable. Il faut y travailler et la Le défunt souverain avec des enseignants à l'Aéroport le jour de son retour. mission est confiée au prince El Moulay Hassan, agitateur d'idées, guide et lien direct avec les militants nationalistes toutes tendances confondues. Moulay El Hassan, à l'ombre de son père, est un militant actif et impatient, au point que la propagande des ultras français, relayés par la Résidence, le traite de « d'agitateur communiste » et le font suivre...C'est en 1953 que commence ce qu'on appelle le complot contre le Roi qui aboutira à son exil le 20 août. Le Glaoui en signe le premier épisode en mars 1953, en réunissant chez lui à Marrakech une vingtaine de caïds qui signent une prétendue « pétition » reprochant à Mohammed V de violer les règles religieuses et de soutenir des « partis extrémistes illégaux ». Autrement dit, l'Istiqlal, le PDI, le Parti communiste et tous ceux qui luttent pour l'indépendance. Cette obscure coalition de la Résidence , de l'extrême droite française et des féodaux marocains réclamèrent la déposition de Mohammed. Comme l'écrira Charles-André Julien, « le masque était jeté. Ce n'était plus le changement de politique qui était réclamé mais le changement du souverain ». L'ignorance dans laquelle était tenu le gouvernement français, coupé des réalités marocaines, était telle que les appels et alertes de personnalités aussi prestigieuses que Louis Massignon, François Mauriac, Alain Savary, ne furent jamais entendus. Le Roi résiste , il ne se soumet pas et fait la grève du sceau, il ne signe rien, Le général Guillaume ne trouve pas mieux que de recourir, pensant l'intimider, à l'encerclement armé du Palais Royal et à l'arrestation du Prince Moulay El Hassan… Or, soucieux de préserver la vie de ses citoyens, il choisit l'exil forcé. Tout en précisant que « s'incliner n'est pas renoncer ». Il est donc contraint à l'exil qui durera 28 mois, d'abord en Corse, ensuite à Antsirabé, La France ravisera et le Roi reviendra en vainqueur le 18 novembre 1955 pour rendre au Maroc son indépendance ; et proclamer que le Maroc est une nation libre et indépendante. * Tweet * *