La Constitution donne aux citoyens le droit d'accès à l'information détenue par les administrations et institutions publiques. Le CNDH a organisé un colloque pour traiter de la mise en place de ce droit. De gauche à droite : Ahmed Laamoumri, directeur de la modernisation de l'administration, Driss El Yazami, président du CNDH, Ahmed Akhchichen, membre du CNDH et Mustapha El Khalfi, ministre de la Communication. Le Conseil National des Droits de l'Homme (CNDH) a organisé les 21 et 22 septembre un colloque international sur le droit d'accès à l'information. Le colloque a traité, entre autres, des normes internationales du droit d'accès à l'information, des mécanismes de contrôle, des liens entre l'accès à l'information et la démocratie, et des futurs défis pour le Maroc. Un nouveau contexte constitutionnel L'article 27 de la Constitution accorde aux citoyens « le droit d'accéder à l'information détenue par l'administration publique, les institutions élues et les organismes investis d'une mission de service public «. Une commission interministérielle travaille à l'élaboration d'un projet de loi. Elle est présidée par le ministère de la Fonction publique et de la modernisation de l'administration, et inclut les ministères de la justice, de la communication, de l'industrie et du commerce, des finances, de l'intérieur, en plus de l'Instance centrale de prévention de la corruption (ICPC). Le projet de loi devrait être finalisé d'ici la fin de l'année, et selon Mustapha El Khalfi, ministre de la communication, le cadre législatif mettant en application le droit d'accès à l'information devrait être prêt en 2013. De nombreuses recommandations ont été faites lors du colloque. Parmi celles qui ont été le plus mentionnées, la précision dans la mise en application de la loi. À ce sujet, Toby Mendel, directeur du Center for Law and Democracy au Canada, a indiqué que les détails de la mise en application du droit d'accès à l'information sont des éléments clés dans l'efficacité de cette loi. Ces détails incluent les procédures, les frais, et les délais à respecter par les administrations et institutions. Mendel donne l'exemple de son pays, le Canada, où le droit d'accès à l'information est garanti mais où la limite de temps n'est pas précisée par la loi, ce qui fait que les institutions prennent tout leur temps pour répondre aux demandes des citoyens. Ce sont des lacunes de ce genre qui peuvent annuler l'efficacité d'une telle loi. Autre possible lacune, l'existence d'exceptions dans l'application de la loi. Accès à l'information et démocratie De nombreux intervenants ont averti que la multitude d'exceptions annulent l'effet de la loi. Younès Moujahid, secrétaire général du Syndicat National de la Presse Marocaine (SNPM), a appelé à ce que les exceptions soient justifiées. La loi devrait délimiter les cas dans lesquels l'information ne doit pas être accessible au public. Dans ce cas, il s'agit souvent d'une information qui ne servirait pas l'intérêt général. Mais les intervenants ont également appelé à ce que ce terme soit défini avec précision afin qu'il n'y ait pas d'abus. Les intervenants ont également demandé à ce que les autres lois soient revues afin d'être conforme avec le droit d'accès à l'information et que l'instance en charge de l'application de cette loi soit indépendante. Abdeslam Aboudrar, président de l'Instance Centrale de Prévention de la Corruption (ICPC) considère que « le droit d'accès à l'information est la clé de la transparence et de la bonne gouvernance ». Au nom de l'Instance, il a fait de nombreuses recommandations dont la mise en place d'une loi spécifique à l'accès à l'information, avec le minimum d'exceptions possibles et la ratification du droit à un système éducatif qui garantit une formation équivalente à toutes les tranches de la société. Dans le cas présent, l'alphabétisation ne signifie pas seulement la capacité de lire et écrire, mais il s'agit également de l'alphabétisation numérique, qui elle signifie la capacité du citoyen à utiliser les outils technologiques afin d'accéder à l'information mise à sa disposition. À ce sujet, Abdellah Deguig, membre du Conseil économique et social (CES), a mentionné le cas du Kenya où un service vocal a été mis en place afin de permettre l'accès à l'information aux personnes qui n'ont pas accès aux nouvelles technologies. Il a également mentionné l'initiative Open Data qui permet l'accès à des donnés de l'administration publique sur le site data.gov.ma. Une initiative assez méconnue du public. Un traitement spécifique pour les médias ? Younès Moujahid, secrétaire général du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) rappelle que « le débat n'est pas nouveau. La reconnaissance du droit d'accès à l'information existe dans le code de la presse depuis les années 1990, mais il n'y a toujours pas de loi. » La question qui se pose lors du débat est de définir si les journalistes auront un même accès à l'information que les autres citoyens. Moujahid a mentionné l'urgence d'accès à l'information qui caractérise les médias. « Les journalistes sont les premiers à faire face à ce problème. Il y a un manque de matière première. Si on se limite aux communiqués de presse des institutions, on devient un outil de propagande. » En plus de réclamer une loi avec le minimum possible d'exceptions, Moujahid demande à ce que la loi inclue « toute personne qui travaille dans l'intérêt général, même le secteur privé. Au-delà des secrets professionnels, certaines données devraient être accessibles, non pas parce que l'argent des citoyens est impliqué, mais parce qu'ils sont les premiers concernés et que leur intérêt est en jeu ». Toutefois, si l'objectif ultime du droit d'accès à l'information est d'atteindre une approche participative dans la prise de décisions politiques, est-il possible dans le contexte actuel d'envisager que les décideurs et élus puissent inclure l'apport des citoyens dans leur prise de décision ? * Tweet * *