À l'instar des pays du monde musulman, le Maroc et les Marocains se sont exprimés, à leur manière, face au film anti-Islam The Innocence of muslims. Toutefois, derrière cette réaction subsistent à la fois certains phénomènes sociaux et plusieurs interrogations. Pour en savoir plus, nous avons posé la question à Fouad Benmir, sociologue et professeur en sociologie. Depuis deux semaines, plusieurs actes sanglants ont été commis dans le monde, tous revendiqués par des groupuscules qui se disent indignés par The Innocence of muslims. Toutefois, les réactions du monde musulman n'étaient pas les mêmes. Certains fustigent, appellent au meurtre, d'autres tempèrent, appellent parfois à l'indifférence. Fouad Benmir, sociologue et professeur en sociologie, nous apportent des éclaircissements sur la symbolique de ces réactions. D'un point de vue sociologique, comment peut-on décrypter les réactions après la médiatisation de The Innocence of muslims sur la Toile ? Le Maroc est un pays musulman et comme tous les pays musulmans, il a réagi contre ce qu'il a considéré comme une « atteinte» au prophète des musulmans et symbole de leur religion. Sauf que les manifestations diffèrent d'un pays à l'autre. Il est nécessaire de rappeler que le Maroc, pays majoritairement musulman, puise sa modération dans son histoire riche. Il faut également soulever que la marge de la liberté d'expression au Maroc a finalement abouti à une manière civilisée de protestation qui n'a pas dégénéré en violences comme ce fut le cas dans d'autres pays. Souvent, le mécanisme de manifestation puis d'amplification de ces mouvements d'indignation est pratiquement similaire : des groupes de jeunes qui répètent des slogans pas forcement politisés, jusqu'à ce qu'ils soient récupérés par des franges politiques ou religieuses. Que faut il comprendre de cela ? Il existera toujours des groupuscules qui tendraient à profiter de ces évènements pour valider leur présence sur la scène politique. Ils essayeront d'orienter le cours de ces mouvements jusqu'à les retourner à leur cause. Laissez-moi insister sur une chose qui, selon mes profondes convictions, est fondamentale et propre à notre Histoire : nous avons une culture propre, celle de la modération, de la cohabitation et de la tolérance. Et pour le comprendre, il suffit juste de réviser l'Histoire, à l'époque où les trois religions monothéistes cohabitaient en harmonie en Andalousie. À votre avis, comment pourrait-on rendre cette culture de la modération « accessible « à tous ? La culture de la modération est la seule capable de couper le chemin devant ceux qui cherchent et qui utilisent tous les moyens, notamment les nouvelles technologies de la communication ou le cinéma afin de semer le trouble et nourrir le choc des religions et des cultures. Le respect mutuel est fondamental pour un monde paisible. Le leitmotiv récurrent de la « liberté d'expression » ne doit pas être brandi chaque fois que la liberté de l'autre est entamée. Les acteurs du film réagissent Les acteurs du film « Innocence of muslims » ont publié fin de la semaine dernière un communiqué de presse sur les pages du journal américain Los Angeles Times, relayé par la presse mondiale. Se disant choqués par ce qu'ils qualifient de manipulation, certains d'entre eux voudraient porter l'affaire devant la justice . «Nous sommes à 100 % contre ce film et avons été grossièrement trompés sur ses intentions et objectifs…Nous sommes choqués par les réécritures radicales du scénario et les mensonges proférés à toutes les personnes impliquées», indique le communiqué . Pour sa part, Cindy Lee Garcia, une des actrices du film, avait affirmé qu'elle ignorait que ce dernier est une propagande anti-Islam : « Les dialogues avaient été doublés après le tournage », a-t-elle indiqué.