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Le Morisque par Hassan Aourid | Le Soir-echos
Publié dans Le Soir Echos le 29 - 08 - 2012

Hassan Aourid, plus connu comme personnage public que comme auteur, nous livre une version romancée de l'histoire des Morisques, musulmans d'Espagne forcés à la conversion du temps de l'Inquisition. Chihab-Eddine, le personnage dont l'histoire est raconté a réellement existé, mais l'auteur l'a rendu plus humain en imaginant, tout en restant très fidèle à l'Histoire, les aspects qui font la différence entre un repère historique et le parcours d'une vie avec tous ces petits détails d'émotions, de rêves et de questionnements qui font l'homme. Le Soir Echos vous propose de découvrir ce roman tout au long de l'été en épisodes quotidiens, pour (re)découvrir cette période de la grandeur de l'Islam et vous évader en compagnie de personnages au verbe haut et à la pensée profonde.Bien que l'histoire se passe au XVIe siècle, les ressorts philosophiques qui l'animent, transposés dans un contexte contemporain restent d'une actualité vivace. Un livre qui grâce à l'érudition de Hassan Aourid, écrit dans un style agréable ne manquera pas de captiver l'attention des lecteurs.Episode 21
Vue des ruines de Sijilmassa.
Marrakech 1613
A chaque prière d'al fajr, dans la mosquée du Saint Sid Al Ghazouani, un des sept Saints de Marrakech, je psalmodiais à répétition les versets du « Pacte» (al ilaf) de la sourate « Koraïch » avec les adeptes de la zaouïa, pour conjurer le spectre de la faim et de la peur. Les voies n'étaient plus sécurisées, les brigands coupaient les routes. Les gens mourraient de faim, les prix des denrées alimentaires avaient grimpé. Le Maroc était aux prises de convulsions des deux frères qui se disputaient le pouvoir du pays en le déchirant. Moulay Zidane a eu maille à étendre son emprise sur la partie septentrionale du Maroc avec Fès comme capitale. Il finit par en chasser son frère Mamoun. Ce dernier sollicita l'aide des Espagnols et leur promit en échange la ville côtière de Larache. Avec leur aide, il récupéra son pouvoir sur Fès. Il devait honorer ce qu'il avait promis et envoya un de ses caïds évacuer la population de Larache qui refusa de quitter les lieux. Le caïd tua bon nombre de gens, et la ville fut livrée aux Espagnols au grand dam des ouléma, des dignitaires et de ses habitants. Quel sacrilège ! Le Prince Mamoun qui se prit pour sultan à Fès prétexta que ses enfants étaient pris en otage par les Espagnols qui exigeaient, pour leur libération, qu'il leur remit Larache. Les oulémas étaient sollicités pour émettre une fetwa sur le bien-fondé de la décision du Prince Mamoun. Bon nombre de ceux qui craignent Allah refusèrent d'entériner la décision du Prince et battirent en campagne pour éviter les foudres d'un Prince irascible et rancunier. Le grand ‘alim' de Telemçan, auteur d'un grand corpus sur l'histoire de l'Andalousie, Al Maqqari, fut de ceux qui refusèrent d'entériner la décision du Prince. Les ouléma de cour avancèrent que la libération des musulmans des mains des mécréants avait la préséance sur le territoire, de surcroît quand il s'agit de princes, et qui plus est, des descendants du Prophète. La religion est invoquée ici et là pour justifier des intérêts sordides. Qu'Allah nous vienne en pitié. Un prédicateur saharien, Abou Mahali, qui sillonnait les confins sahariens, profita du forfait de Mamoun pour appeler les musulmans au soulèvement. De grande vivacité, disait-on, il se faisait passer pour le Mahdi, l'homme providentiel. Il avait voyagé et s'était frotté à différentes influences. Epris de prédication dès son jeune âge, il s'est essayé au mysticisme dans son contact avec les gens des plaines. Certains le présentaient comme un homme de foi, agissant pour le rétablissement de la justice, après tant d'iniquités. D'autres plus nombreux, le présentaient comme un faux dévot, faisant feu de tout bois pour de bas desseins politiques, usant à la fois de sa bile et de sa plume. Il était prolixe et rédigeait pamphlet sur pamphlet usant de termes haineux contre ses adversaires qui étaient ses alliés auparavant. Il n'était pas stable dans ses alliances ni dans ses méthodes. Mais l'homme a commencé à avoir des adeptes ici et là. Sa fougue, tout comme son savoir et son maniement de la plume ralliaient les gens autour de lui. La décrépitude où se trouvait le Maroc a fait que les gens cherchassent un menu espoir d'où il émergerait. La cession de Larache aux Espagnols a été le prétexte pour Abou Mahali de quitter les confins sahariens où il œuvrait entre Saoura, Beni Abbès et le Sud de Telemçan. Il quitta les contrées arides sahariennes pour les plaines riches où il faisait des adeptes parmi les gens crédules. Il faisait sensation là où il passait. Des partisans d'Abou Mahali tuèrent le Prince Mamoun du côté de Tétouan. Abou Mahali se dirigea,
Représentation de la ville d'Oran.
par le sud vers Sijilmassa avec une poignée d'hommes et mit en déroute le gouverneur de Moulay Zidane, supérieur en nombre et en armement. La légende circula que les balles ne pouvaient atteindre Abou Mahali et ses hommes. Il avait la baraka. Il entra dans la région de Draâ sans coup férir et s'apprêtait à conquérir Marrakech. Moulay Zidane battit en retraite vers Safi, cherchant du renfort du côté du Souss. Pauvre Moulay Zidane, il n'eut de moment de répit depuis son intronisation. Etait-ce le destin ? Etait-ce en fin de compte, une conception du pouvoir assimilé à une propriété dont on use et abuse. Une propriété qu'on se partage comme on se partage un héritage ou un butin. Abou Mahali s'insurgeait contre cette façon de concevoir le pouvoir, ce qui lui a valu le ralliement de ceux qui étaient consumés par l'injustice, irrités par la poussée des Croisades dans les ports des musulmans, horrifiés par la démission des ouléma. Il disait dans un de ses pamphlets :
« Le trouble dépasse toute limite dans tous les domaines. La nation ne s'accorde pas sur un seul. Quiconque accapare la moindre région, eh bien lui font allégeance les imbéciles ou les dupes par peur de persécution. La détérioration s'élargit. La nation tombe en déliquescence. Les ténèbres se répandent. L'impiété s'approfondit. La victoire s'engloutit. Les rivages sont occupés, et sans secours possibles pour leurs habitants. L'appel des muezzins s'y est tu. La cloche sonne dans les mosquées. Les croix s'y dressent. Des idoles sont adorées dans les mihrabs de Dieu à l'exclusion d'Allah. Tout savant suit sa prétention. Tout saint son illusion. Tout prince son ambition. » 1
Je suivais la scène politique mais m'interdisais de m'y mêler. Abou Mahali avait raison dans la description de la situation qui prévalait. Serait-il, comme il le prétendait, le Mahdi, l'homme par qui le changement arriverait, ou un prétendant utilisant la religion pour les mêmes desseins que les autres ? Je n'avais pas de réponse, et mon statut d'exilé me commandait de ne pas prendre parti. Je n'avais qu'à m'en remettre au temps ou au jugement de l'Histoire. A chaque fois que je me rendais aux prières incantatoires de la zaouïa du Saint Al Jazouli, je recueillais, ici et là, les informations sur les péripéties de ce prédicateur fougueux. J'écoutais passivement. Mais je n'étais pas qu'observateur. Je suis, après tout un être humain, lié par moult relations humaines et sociales, ayant des responsabilités à l'égard des miens. J'étais sous la coupe du Sultan Moulay Zidane, vis-à-vis de qui j'étais lié par un lien moral. J'ai des enfants pour qui je suis responsable. Je partageais l'émoi des miens sur les rives de Sala, qui devaient vivoter tant bien que mal. Mon voyage dans le pays des Francs et en Hollande avec mes compatriotes andalous a ravivé le sentiment d'appartenance, voire de responsabilité. Les Morisques étaient livrés à eux mêmes, et l'état de déliquescence du pouvoir au Maroc y contribua. Les gens de Sala le vieux les regardaient avec suspicion et se gaussaient de leurs manières, les traitant par ce qui est devenu un sobriquet « les chrétiens de Castille » ou par un euphémisme « les musulmans de Rabat ». On ne se donnait pas la peine de se pencher sur leur calvaire. Je connaissais leurs blessures parce que j'ai vu le sang dégouliner dans leur désespoir et leur impuissance. Chassés de chez eux, pillés, traqués, ils devaient compter sur eux-mêmes et commençaient à s'organiser pour la circonstance. Rodriguès, sur le chemin de retour de Hollande, me fit cette confidence :
Chihab Eddine, n'est-il pas permis à ceux qui ont été expulsés de chez eux de se défendre ?
En effet, frère Rodriguès, Allah a permis à ceux qui ont été chassés de chez eux de se défendre. Allah n'aime pas ceux qui sont injustes.
Y a-t-il plus grande injustice que celle de chasser des femmes, des hommes, des enfants de leurs demeures, de leurs terres ?
C'est injuste, Rodriguès.
Sur qui pouvons-nous compter ? Les Maures s'entredéchirent, les Turcs n'arrivent pas à sécuriser leurs côtes, les Espagnols occupent Oran.
« Ainsi sont les jours, Nous les alternons entre les gens », comme dit le Saint Coran, ai-je répliqué. (3,140).
Chihab Eddine, je suis musulman par ce qu'on ne m'avait pas donné d'autre choix. Pourtant je n'avais jamais prié ni fait le Ramadan. J'ai toujours mené ma vie à l'image des Castillans. J'aimais le vin et le lard. Et subitement on me déclare musulman pour me chasser de chez moi. La réaction et l'injustice ont fait que je devinsse musulman. Non pas tellement pour faire les cinq prières ou le Ramadan, mais pour combattre au nom de l'islam. L'islam est pour moi une bannière de combat.
Le véritable combat c'est celui qu'on mène contre ses propres passions.
Il ne changera pas le monde celui-là. Il procurera une bonne conscience au grand bénéfice des chrétiens. En quoi un musulman qui fait ses prières les gênerait-il ? En menant le combat contre soi, ou le grand jihad, penses-tu qu'on pourra récupérer notre terre ?
Je pensais comme toi Rodriguès, mais j'ai fini par comprendre que la guerre n'est pas la solution. D'abord par ce qu'on n'est pas les plus forts, et puis, il y a parmi les chrétiens des gens avec qui nous pourrons nous entendre.
Il sourit, puis enchaîna :
Nous ne mènerons pas de bataille pour gagner la guerre, mais pour nuire. Il y a parmi les chrétiens des gens sur lesquels nous pourrons compter.
Rodriguès, en Hollande, a eu des contacts avec des gens de différents bords, des négociants, des aventuriers. Il voulait capitaliser sur le sentiment de haine que les Hollandais vouaient aux Espagnols.
Il y a une chose que tu ne sais pas Chihab Eddine c'est que les chrétiens ne sont pas si chrétiens que tu le penses. Ils aiment l'argent et sont prêts à tout pour l'avoir. Ils ne s'embarrassent ni de considérations religieuses ni d'autre appartenance que pour l'argent. C'est là où réside notre chance.
L'argent et les passions sont source de faiblesse.
Mais c'est notre force.
Rodriguès n'en dit pas plus, mais la suite m'apprit sur ses desseins qui feront trembler la chrétienté.
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