Depuis 30 ans, le groupe Tinariwen représente son peuple en musique. Entre chants de lutte et d'espoir et ballades nostalgiques, guitares électriques, riffs et percussions. Ces héros de la rébellion touaregue serinent une musique qui parle au corps, au cœur et à l'âme, Rencontre avec Alhousseini ag Abdoulahi, chanteur-guitariste et l'un des fondateurs de la grande famille d'artistes Touaregs... Alhousseini ag Abdoulahi : « Nous sommes une communauté nomade, donc on chante sur notre vie quotidienne, on parle de l'exil, la nature, l'amour , notre identité… » Vous faites partie de ces jeunes qui ont rejoint les camps militaires libyens au milieu des années 80, qu'est-ce qui vous a amené à cette résistance Touaregue ? Je suis parti rejoindre le reste du groupe dans un camp militaire en Libye, c'était en 1987, parce qu'il y avait des problèmes depuis l'époque coloniale. Quand les Français sont arrivés sur notre territoire, nos parents n'admettaient pas le fait d'être commandés par les Français. Ils ont colonisé toute l'Afrique de l'Ouest et du Nord aussi, jusqu'au jour où ils décident de donner ces territoires à de nouveaux Etats. Nous n'étions jamais d'accord avec ceux qui sont arrivés après eux aussi, c'est la raison pour la quelle ma génération continue la résistance même après l'indépendance. Les Touaregs du MNLA sont en train d'être chassés au Nord du Mali par les islamistes du MUJAO, que pensez-vous de cela ? Je n'ai aucune connaissance sur ce MUJAO, mais je sais qu'il y a quelques gens de l'AQMI qui se cachent derrière. C'est un nouveau combat terrible et catastrophique : en effet, je ne vois pas qu'est-ce que ces islamistes souhaitent faire, en chassant les Touaregs au Nord du Mali, qu'est-ce qu'ils comptent installer là-bas ? Je ne sais pas... Les Touaregs sont une minorité nomade mal aimée. Pourquoi sont-ils dispersés dans le désert entre plusieurs pays ? Il faut comprendre que les Touaregs n'ont aucun problème avec leurs voisins, sauf les régimes qui se trouvent toujours au Mali, en Algérie et au Niger. Ces régimes ne s'intéressent pas à la culture et aux coutumes des Touaregs, parce qu'on est une communauté nomade vivant dans le Sahara. Par contre, Les Mauritaniens et les Burkinabés recevaient toujours les réfugiés pendant les moments pénibles. Ils étaient très bien accueillis par ces deux pays. Il faut savoir que les Touaregs sont une grande communauté qui a un grand territoire, donc ils sont dispersés dans leurs territoires, et il est impossible de les unir, c'est leur situation après dans l'histoire qui peut les mettre ensemble. Dans votre dernier album « Tassili » vous faites référence aux plateaux gréseux du Sahara, pourquoi ce nom et quels sont les thèmes abordés ? C'est un massif montagneux situé au sud-est de l'Algérie, Tassili n'ajjer, c'est un très bel endroit dans lequel nous avons enregistré l'album et nous rendons hommage à l'endroit. Quels sont les thèmes abordés ? Ce ne sont pas des thèmes particuliers, c'est comme ceux de nos anciens albums, nous sommes une communauté nomade, donc on chante sur notre vie quotidienne, on parle de l'exil, la nature, l'amour, notre identité… On parle aussi de la politique, plus précisément les différentes rebellions touarègues. Une fois qu'on se déclare avoir un pays avec un territoire, on ne peut pas écarter la politique. Votre blues à vous vient du désert, une synthèse entre le blues, le rock et la musique traditionnelle touarègue, peut-on l'appeler Désert blues ? Le style aujourd'hui, on l'appelle Assouf, qui signifie en tamasheq (la langue targuie) la nostalgie. On ne l'a jamais appelé Blues. Elle a été inspirée de la musique Touarégue. C'est une musique qu'on a vécue dans notre enfance, mais après, on a voyagé en Algérie et en Libye, ce qui nous a permis de rencontrer et écouter de nouveaux musiciens, chacun écoutait son propre registre musical, donc il importe des sonorités, des notes et des techniques à droite à gauche. Nous considérons que notre musique a beaucoup d'influence Maghreb et Rock. Considérez-vous comme militants ou artistes, ou les deux ? Depuis la création de notre collectif musical, notre identité est de transporter des messages à un grand public, donc on porte les messages de la communauté touaregue vers le monde extérieur. Donc, un art engagé ? Oui, je crois qu'on est bien sur ce registre, parce qu'on fait une musique qui parle des problèmes d'une communauté et en même temps on l'utilise comme l'art aussi, particulièrement avec de la poésie, la takamba et la musique. Vous chantez en tamashaq, l'une des langues de la préhistoire, comment préserver cet héritage millénaire ? Le tamashaq est très protégé, parce qu'on est une grande communauté dispersée dans six pays, et on ne parle qu'avec cette langue et puis on l'écrit. Nous vivons dans le désert, nous ne sommes pas un danger pour les autres langues, pareillement nous n'étions jamais en proie à des influences des autres langues. * Tweet * * *