Invité par les organisateurs de la 9ème édition du festival international des nomades à Mhamid El Ghizlane, le musicien et chanteur touareg ne cesse de souligner la qualité des relations ancestrales qui liaient les peuples Nord-africains. L'accueil chaleureux auquel il a eu droit à Mhamid l'a poussé à donner le meilleur de lui-même sur scène. Dans cet entretien, il évoque la culture amazighe, la chanson touareg et les voies pour un lendemain meilleur. Al Bayane : Cela veut dire quoi actuellement d'être chanteur touareg ? Moussa Bilalan : Un musicien, un chanteur ou un artiste touareg est d'abord porteur de messages. Il est porte-parole d'une communauté qui a tant souffert. Il faut dire qu'à travers la musique, on a communiqué sur ce peuple, ses ambitions, ses aspirations et son martyr. A l'instar de notre vénérable maître et guide spirituel Abdellah Ag Oumbadougou qui nous a enseigné les valeurs, le patrimoine, l'authenticité et l'originalité de cette culture, nous continuons ce chemin, tout en reposant sur la création et tous les modes d'expression artistique. Ce qui est certain, c'est que la musique reste un moyen d'expression de beaucoup de facettes de notre vie. Notre seul devoir est de mettre notre art au service de cette cause. Où peut-on situer la musique touareg, entre inspiration et industrie musicale ? Comme chanteur touareg, l'inspiration n'est pas ce qui manque. Elle ne tarit pas, dans la mesure où chaque jour que Dieu fait, la souffrance de ma communauté ne fait que perdurer. Mais cela n'empêche pas que ce peuple aime la joie et la gaité. Que ce soit au Niger ou en France, je reste toujours sensible aux problèmes que vivent mes compatriotes. L'industrie musicale nous sert certes de moyen nous portant à une universalité prometteuse. Nous voulons faire connaitre notre cause, notre culture et notre patrimoine, et du coup nous avons grandement besoin d'une inspiration, d'une énergie créative, mais aussi d'une industrie encourageante. Avez-vous peur de la disparition de la culture amazighe ? Aucunement. La femme amazighe continue, fort heureusement, de jouer son rôle dans la transmission des valeurs, des coutumes, des mœurs et d'autres segments culturels amazighs. Pilier de la tente, la femme reste donc une cible et un point de départ. Elle parle à ses enfants, leur apprends les premiers chants, tisse des beaux caps, burnous et tapis, façonne les objets d'art, mettent du henné… Grâce à la femme, nous n'avons donc pas peur de la disparition de la langue et la culture amazighe. Où elle est la chanson touareg ? Elle est allée très loin. Vous n'êtes pas sans savoir que le célèbre groupe musical Tinariwen, du Mail, s'est vu décerner lors de le 54ème édition des Grammy Awards 2012, le prix du meilleur album de musique du monde pour son album « Tassili ». Les groupes de musique ne cessent de fleurir un peu partout que ce soit au Niger ou au Mali. Les jeunes grattent partout des guitares, un moyen qui leur permet d'exprimer, chanter et dénoncer un quotidien toujours injuste et inéquitable. Comment évaluez-vous la situation politique au Niger ? Après trois ans de rébellion touareg, aujourd'hui les gens vont aller plutôt au combat politique, à travers les organismes partisans ou civils, dans l'objectif de réhabiliter les populations dans leurs droits. L'avenir des enfants touaregs réside dans l'enseignement et l'éducation, c'est-à-dire : l'école. Le combat actuel est celui de la scolarisation des enfants et la lutte politique et pacifique pour les droits. Il faut emprunter la voie des urnes. Les Touaregs doivent renouer avec la joie de vivre.