Dans l'ancienne médina de Casablanca, une trentaine de maisons menaçant ruine risque de s'effondrer à tout moment. Les autorités locales proposent de reloger ses habitants dans des écoles publiques mais ces derniers rejettent cette solution provisoire. Malgré l'avancée des travaux de rénovation, l'ancienne médina risque de connaître une catastro phe sans précédent. Ci-dessus, l'effondrement d'une maison a fait cinq morts, le 17 mai dernier. Alerte à l'ancienne médina de Casablanca. «Une trentaine de maisons menaçant ruine risque de s'effondrer à n'importe quel moment. C'est la conclusion d'un bureau d'étude commanditée par l'Agence urbaine qui a expertisé ces bâtiments situés à l'intérieur de la muraille. Ceci représente un danger aussi bien pour les habitants que pour les passants». Les propos sont de Kamal Dissaoui, membre du Conseil de la ville de Casablanca et président de l'arrondissement Sidi Belyout, qui insiste sur l'urgence de la situation. Les autorités locales se mobilisent pour éviter un nouveau drame. On craint le pire : une catastrophe d'une ampleur sans précédent. «Les habitants doivent évacuer les lieux. Ils sont avisés. Concernant les personnes qui n'ont pas où aller, le ministère de l'Education nationale et de l'Enseignement supérieur a mis à leur disposition les écoles d'Al Hansali et Ziraoui. Ces établissements seront réaménagés un peu pour les accueillir», poursuit Kamal Dissaoui. Mercredi dernier, les travaux de peinture étaient en cours de réalisation à l'école Ziraoui. Ce qui n'empêchait pas certains habitants des maisons menacées d'effondrement de déménager et de déposer leurs effets dans les écoles, où ils seront relogés provisoirement, le temps de mettre en place un programme d'urgence de relogement. « Le Gouvernement a alloué un budget de 30 millions DH. La ville de Casablanca accordera une enveloppe financière de 10 millions DH. Ajouter à cela 50 millions DH accordés dans le cadre du Programme de relogement. L'argent est là. De même que le stock des appartements économiques », indique ce conseiller USFP de Casablanca, qui tient à préciser que « ce budget ne permettra pas de solutionner la problématique des 66 000 ménages qui résident dans des bâtiments menaçants ruine à Casablanca. Selon lui, ce problème exige des milliards de DH. A noter que 142 décisions d'évacuation des lieux ont été signées jusqu'à ce jour par le maire de la ville et le Wali de la région du Grand Casablanca, selon Kamal Dissaoui. Les associations crient haro A l'ancienne médina, c'est la panique. « Les habitants ne veulent pas quitter les lieux par peur de subir le même sort que celui des habitants de Derb Sultan en 1996. Suite aux inondations, les habitants de ce quartier populaire avaient alors été relogés, ou si l'on peut dire « parqués » dans des écoles. On leur avait promis des appartements… mais il s'est avéré que ce sont des paroles dans l'air », confie Moussa Sirajeddine, président de l'association Awlad L'Mdina, également secrétaire général de la Fédération des associations de l'ancienne médina (FAAM). Et de poursuivre : « Quelques familles ont cédé à la pression des autorités locales. Elles ont commencé à déménager vers les écoles Ziraoui et El Hansali ainsi qu'au stade Larbi Ben Mbark, appelé également stade Philips». Selon la FAAM, «les habitants de l'ancienne médina vivent dans une psychose quasi quotidienne par peur de s'endormir chaque soir sans être sûrs de se réveiller le lendemain matin et de se retrouver en situation de SDF, surtout à l'approche du mois de Ramadan ». SONADAC, pointé du doigt La problématique des maisons menaçant ruine ne date pas aujourd'hui. Le problème se posait avec acuité depuis des décennies. La Société nationale d'aménagement communal (SONADAC) a été même créée pour parer à cette problématique. Cependant, selon Kamal Dissaoui, cette société a failli à sa mission. « La SONADAC a été fondée pour assurer une mission de rénovation et de réhabilitation urbaine dans les quartiers d'habitats menaçant ruine. Or, la société a concentré ses activités dans le domaine de la promotion immobilière. Elle a vendu ses bijoux, qui lui ont été octroyés pour accomplir sa mission », s'indigne-t-il. SONADAC a été même épinglée par la Cour des Comptes sur de nombreux « dysfonctionnements » et « insuffisances ». L'un des griefs retenus contre elle a trait à la gestion des ressources financières. Espoir et illusions La SONADAC est également accusé de « mauvaise gestion » des chantiers dont elle a la charge notamment la réalisation de l'Avenue royale. On lui reproche le retard pris dans la réalisation de ce chantier et de sa composante de relogement des habitants de l'ancienne médina dont les maisons sont situées sur le tracé de l'Avenue Royale. Le bénéficiaire s'acquitte du tiers du prix d'un appartement fixé à 200 000 DH. Le reliquat est pris en charge par la SONADAC. La Fédération des associations de l'ancienne médina assure que la réalité est tout autre chose. « Deux propositions sont suggérées par la SONADAC . La première exige des habitants un apport personnel de 110 000 DH dont 10 000 pour les frais de dossier. La seconde est de contracter un crédit immobilier (formule Fogarim) d'un montant de 200.000 Dh, afin de bénéficier d'un logement auprès de la SONADAC », affirme Moussa Sirajeddine, SG de la FAAM. Contacté par Le Soir échos pour connaître sa version des faits, le directeur général de SONADAC n'a pas donné suite à notre requête. Lancé en 2010 par le Souverain, le projet de réhabilitation de l'ancienne médina de Casablanca a nourri beaucoup d'espoir. L'on croyait que le projet solutionnera la problématique des maisons menaçant ruine. C'était une illusion. « Le programme ne prévoit que le relogement des ménages bidonvillois. Il n'est nullement question de relogement des ménages résidant dans des constructions menaçant ruine », martèle l'Agence urbaine de Casablanca (voir entretien avec le Gouverneur directeur de l'AUC). Kamal Dissaoui, également membre du comité de pilotage du projet de réhabilitation de l'ancienne médina ne voit pas les choses de cet oeil. « Ceci ne correspond que le point de vue de l'agence. Mais le projet prévoit un axe intitulé « traitement des maisons menaçant ruine, recensement ou diagnostic ». « Ceci veut dire que le projet devra traiter la problématique des bâtiments menaçants ruine. Si l'agence dit ne régler que le problème des bidonvillois et bien qu'elle considère ces gens des maisons menaçant ruine comme des bidonvillois et qu'on finisse avec ce problème », renchérit ce conseiller. Et de poursuivre : « L'Etat a accordé la priorité aux bidonvilles mais pas à la problématique des bâtiments menaçant ruine. Il s'est trompé lourdement puisque ce problème est une question de vie humaine ». « Il n'y a pas de programme national de relogement des habitants des maisons menaçant ruine », justifie l'Agence. * Tweet * * *