Omar Mahfoudi, artiste tangérois aux œuvres semées de violence gestuelle et d'abstraction exacerbée, expose le 24 mai à Paris, à la galerie Kandicha à l'Institut du monde arabe. Portrait. L'artiste tangérois Omar Mahfoudi (ci-dessous) est adepte des portraits en dripping, reflétant sa gestuelle affranchie et la tension de son travail. Artiste pluridisciplinaire, Omar Mahfoudi est un aficionado des couleurs brutes, qui rappellent les fauvistes, et des gestuelles erratiques, où s'incruste souvent le dripping. Dans une irruption affranchie de lignes et de tracés, de formes et de tâches, Omar Mahfoudi s'approprie l'espace par la liberté de son geste. Sa peinture est empreinte de figuration abstraite, inquiétante, psychique, et parfois démoniaque. Certaines de ses œuvres s'interrogent sur l'identité marocaine ou les conflits identitaires dans les pays arabes,comme celle qu'il prépare actuellement, qui sera exposée à Paris. D'autres sont d'inspiration préhistorique, où les traces des hommes des cavernes se mélangent à la mythologie personnelle de l'artiste. « Je pense qu'on est dans un monde chaotique, on ne peut pas faire de l'esthétique pour l'esthétique », affirme-t-il. Empreintes de tension, certaines se posent des questions sur l'anatomie, l'identité physique, la genèse du corps, ou la condition féminine, comme dans les corps de femmes, à la fois sensuels et macabres. Révolte et colère semblent habiter ces toiles, et étouffer les espaces, atteignant parfois des niveaux claustrophobiques. Les portraits-autoportraits ou portraits de ses amis ou connaissances – imprègnent la majorité de ses toiles. Des portraits-masques entêtants, dépourvus de traits, difformes, tordus, peuplés de figures principalement masculines, happés dans une gestualité nerveuse jusqu'au psychédélisme. Des fois, sa peinture distille un aspect cinétique, au vu de ses multiples triptyques, conçus dans l'indignation et le chaos. Parce que Omar est à l'image de ses toiles. Il s'engouffre dans la vie, sans préméditation, se mêle les pinceaux, agit, ressent et s'exprime. Chez Omar, entre frustration et exaltation, il n'y a qu'un pas, et il le franchit à coup de tâches et de traits incontrôlés. La peinture cinétique Nous l'avons rencontré dans son appartement qui fait office d'atelier, où des objets kitchs trainent, chinés par-ci et par-là, au gré de ses voyages. Incongrus, colorés, ils ressemblent aux pots de peinture empilés sur la table, sous la fenêtre. Dans un élan de partage artistique, il pose certaines de ses toiles devant nous, et les contemple, dubitatif. « J'ai réalisé celle-ci dans un moment de colère et de frustration, je ne sais pas quoi en penser ». Des piles de dvds, innombrables, sont entassés sur le sol, et des posters de films tapissent les murs, témoignant d'un goût prononcé pour le cinéma. Car Omar est fasciné par les films, et surtout la vidéo expérimentale. Il réalise, depuis 2005 des arts vidéo expérimentaux, forme de continuité de son univers pictural. « Quand j'ai commencé à découvrir le cinéma en tant qu'expression artistique, j'ai été attiré par le documentaire de création, et j'ai une passion pour l'animation, d'où mes peintures qui s'enchaînent en triptyques », explique-t-il. À son actif, sept films tournés avec sa caméra 16mm. « Sans arrêter de peindre, j'ai appris sur le tas, en assistant des réalisateurs et en suivant des formations », nous révèle-t-il. « La cage » par exemple, projeté lors du Festival Cinéma jeunes talents de la Cinémathèque de Tanger, fait figure de chronique d'un drogué et sonde un monde underground. « Prophétie » est un hommage à un Marocain au discours prophétique qui, une fois rentré au bercail, se voit subir un choc culturel. « Los Navigantes » est une chronique personnelle de son café fétiche, un endroit minuscule et marginal face au port de Tanger, où se croisent des personnages curieux, disparates, reflets d'un microcosme antagoniste. Pour lui, « la vidéo est l'antidote de la peinture. C'est une rencontre qui permet de rentrer en contact avec la réalité, de filmer la vie, les personnages et leurs histoires ». A mi-chemin entre la peinture et les nouvelles tendances, Omar Mahfoudi est en quête de l'intime et l'exalté, constamment mû par la colère. Pour qui prise l'art irascible, ses toiles seront à la galerie Kandicha à Paris, le 24 mai. * Tweet * * *