Après une rupture prolongée au Maroc et une édition marocaine tardive et problématique, Shamablanca de Sonia Terrab est aujourd'hui de nouveau dans les bacs. Nous avons rencontré la jeune auteure au Salon du livre et des arts de Tanger ce week-end. Sonia Terrab a donné une lecture au Salon du livre et des arts de Tanger, après la co-édition de son livre Shamablanca, qui est de nouveau disponible au Maroc. Avec Shamablanca sorti en 2011, Sonia Terrab a signé un premier roman colérique et touffu, une plainte aiguë où phrases hachées et ton saccadé dépeignent un Casablanca immonde et un mal-être profond. Sonia, alias Shama, ou vice-versa, raconte le quotidien d'une jeune Marocaine aux abois et se déchaîne contre une ville d'une noirceur sans nom. Le livre a connu, pendant un temps, la même trajectoire que son héroïne, avant de sortir définitivement de l'œuf et bénéficier d'une coédition au Maroc. La jeune Sonia Terrab nous a fait partagé son parcours de combattante. Vous avez publié votre livre en 2011 avec la maison d'édition française Séguier. Pourquoi le retard de l'édition marocaine? Au début, j'ai choisi Séguier parce que la maison d'édition éditait à l'époque une collection de livres sur le Maroc et avait proposé une double édition avec la maison d'édition marocaine « La Croisée des chemins», mais le comité de lecture de cette dernière a opposé un refus net, à cause du passage que j'ai écrit sur Dieu « Dieu est le seul monarque qui ne peut être renversé ». Après la présentation de « Shamablanca » au Salon du livre de Casablanca, les exemplaires ont été vendus comme des petits pains. Au début, la promotion était assez importante et le livre a vite été en rupture de stock au Maroc, en l'espace d'un mois et demi. Mais plus tard, mon éditeur français s'est heurté à des problèmes de distribution et le livre a disparu pendant neuf mois, et durant tout ce temps-là j'étais dans l'impossibilité de participer aux salons littéraires. En 2012, l'éditeur marocain m'a recontactée pour éditer le livre. Aujourd'hui, il est de nouveau disponible. Pourquoi ce revirement ? Parce que le livre était en demande. Tout au long de la période de rupture, je recevais beaucoup de messages de lecteurs souhaitant le trouver. Au vu de cette demande, et un an après sa publication, je reçois un appel téléphonique de la maison d'édition marocaine qui me fait part de sa volonté de le coéditer. L'éditeur a raisonné avec l'ancienne mentalité vu que la publication initiale coïncidait avec la naissance du mouvement du 20 février. La liberté de l'espace public n'était pas rentrée dans les esprits. Aujourd'hui, beaucoup de choses sont remises en question. Pourquoi le livre était-il en rupture après sa distribution initiale? Vu que le livre se vendait à un prix moins cher que celui de France, 90 dirhams versus 15 euros, cet état de fait n'arrangeait pas mon éditeur français. Il ne pouvait se permettre de payer les frais de transport et de le vendre à un prix moins bénéfique au Maroc. Entretemps, il a fait face à des problèmes financiers et est actuellement en redressement judiciaire. Il faut dire que l'éditeur marocain a participé à la distribution initiale, même après son refus d'éditer. Que pensez-vous des critiques qui ont entouré votre livre ? On m'a reprochée le style haché et la simplicité de l'écriture mais c'est un parti pris. Je n'ai pas conçu mon livre comme un roman littéraire, et cette volonté a justement participé au buzz. On peut reprocher à Shama de se victimiser sans cesse et de se plaindre mais c'est intentionnel. C'est une anti-héroïne qui ne se révolte jamais frontalement. Elle se réfugie dans la drogue, la trahison et le monde de la nuit. Elle est malheureuse mais ne l'admet jamais. Elle s'autodétruit et écrit en silence. Il y a une dénonciation sociale mais il y a certes du vécu dans ce roman. Un ami m'a dit un jour que j'ai encore beaucoup de colère en moi et que je me calmerai avec les années. Vous êtes toujours à Paris. Quels sont vos projets ? Un autre livre ? Je participe actuellement au lancement d'une nouvelle revue sur le monde arabe, Rukh, qui signifie le phénix ou l'oiseau mythologique, symbole de la connaissance, qui renaît de ses cendres. C'est un magazine alternatif qui montre le monde arabe à travers ses visages et ses portraits, et qui sera distribué en juin dans tous les pays arabes, notamment les pays francophones dont la Belgique, la France et le Canada. Nous formons une petite équipe de jeunes et pour moi c'est une grande aventure.