La réforme du code de la presse se fait attendre. Une commission nationale devra bientôt engager un dialogue avec l'ensemble des professionnels pour aboutir à une loi adaptée à la nouvelle Constitution. La rencontre a insisté sur la promotion de la liberté de la presse par la voie d'un code mieux adapté aux prérogatives de la nouvelle Constitution. « Cela fait quinze ans que nous débattons du même sujet. Je peux vous assurer que ce n'est pas une affaire de textes de lois, mais de politique », déclare le président du Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), Younes Moujahid, à l'inauguration de la journée d'étude, tenue jeudi à Rabat, sur « La réforme du code de la presse et la relation entre la justice et la presse ». Initiée par le ministère de la Communication et celui de la Justice et des libertés, la rencontre a formulé le désir du nouveau gouvernement de promouvoir la liberté de la presse par la voie d'un code mieux adapté aux prérogatives de la nouvelle Constitution. Liberté sans frontières Organisée en célébration de la Journée mondiale de la liberté de la presse, décrétée le 03 mai, cette rencontre a implanté les bases d'un échange fructueux entre deux univers connus souvent pour leur adversité. « Le gros problème qui se pose, c'est de discerner entre liberté et responsabilité, et entre loi et déontologie », affirme le ministre de la Justice et des libertés, Mustapha Ramid précisant qu'il constate presque tous les jours des « dérives » sous-jacentes au « non-respect des frontières ». « Ils veulent des libertés sans plafond (…) Pourtant une information mensongère peut coûter très cher à la victime », tient-il à rappeler soulignant sa préoccupation pour les victimes d'atteintes diverses, par la voie de la presse, pour lesquelles un meilleur régime d'indemnisation serait le bienvenu. Commission nationale La liberté de la presse, oui, mais à condition qu'elle ne le soit pas au détriment du cadre légal. « Il est certainement possible d'aboutir à un code de la presse sans aucune peine privative de liberté mais peut-il être le moyen d'éviter les dérives ? », se demande le ministre annonçant que son département ouvre la réflexion pour aboutir à une vision commune. « Après plusieurs entraves rencontrées en cours de route, le nouveau code de la presse est en train de prendre forme dans un cadre de dialogue et d'échange », se réjouit-il. Et pour que ce dialogue puisse s'organiser, Mustapha El Khalfi annonce la constitution d'une commission nationale présidée par Larbi Messari. « Notre pays est en chute libre sur le classement de la liberté de la presse au plan international. Nous avons de nouveau reculé, cette année, selon Freedomhouse », reconnaît le ministre de la Communication précisant que l'une des raisons essentielles à cette situation demeure liée au cadre légal de la profession. « La commission nationale, constituée d'académiciens, de professionnels et de chercheurs servira d'espace de collecte de mémorandums et de propositions tout au long de deux ou trois mois afin d'aboutir à un résultat vers le mois d'octobre prochain », souhaite-t-il. Pour El Khalfi, le nouveau cadre politique marqué par la mise en œuvre de la Constitution servira de vecteur au changement du code de la presse de manière à l'adapter aux normes reconnues mondialement. « Nous devons arriver à établir une relation saine entre la justice et la presse (…) Dans le contexte politique actuel, nous pouvons évoluer vers un code de la presse sans aucune peine privative de liberté », estime-t-il, rappelant que ces peines ont été réduites de 24 à 4 grâce à la réforme enregistrée en 2007. L'amélioration du cadre légal de la presse relèvera également de la mission qui sera confiée au Conseil national de la presse écrite qui, selon Mustapha El Khalfi, est, à présent, un projet finalisé. En attendant la réalité Le président du SNPM, pour sa part, exprime une impatience commune, celle des professionnels dont l'attente a pris de longues années sans aboutir à un résultat probant. « Nous avons un long passé derrière nous, durant lequel la politique a été utilisée contre la presse. La réforme de 2002 a été un échec parce que le dialogue que nous espérions dans le cadre d'une commission s'est transformé, à l'époque, en discussion secrète comme si nous étions face à un cas d'exception », regrette Younes Moujahid précisant que, pour lui, la question qui se pose n'est pas celle d'éliminer les peines privatives de liberté du code de la presse, mais de savoir si celles-ci sont vraiment utiles. « Pour régler les problèmes, il faudra d'abord les diagnostiquer, les évaluer dans le cadre de la nouvelle commission nationale », soutient-il avant de souligner que le corps professionnel a tenté, à plusieurs reprises, de mettre en place une autogestion qui n'a pas abouti pour cause « du manque de soutien ». Une loi claire et précise Pour Noureddine Miftah, le président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux (FMEJ), le moment est venu de se débarrasser du sentiment de la « hogra » dont souffre la presse. « Il n'est plus question de se référer au code pénal pour juger un journaliste, le code de la presse doit être l'unique référence des juges », revendique-t-il, se félicitant de constater que deux Chambres spécialisées dans le crime lié à l'information ont ouvert leur porte à Rabat et à Casablanca. Une expérience qu'il souhaite voir se généraliser à l'ensemble des tribunaux. Et afin que le succès soit assuré, il est tout aussi nécessaire que le Maroc soit doté d'une loi claire et précise. C'est en tout cas ce dont est convaincu Larbi Messari, président du Comité national pour la réforme du code de la presse. « Il faut éviter d'apporter trop d'interprétation à chaque article de la loi. Le code de presse doit être clair et précis dans ses articles afin d'éviter au juge des problèmes », affirme-t-il. Et d'inviter partis politiques, syndicats et société civile à mettre la main dans la main pour atteindre cet objectif : « Arrêtons de tourner en rond dans le cercle vicieux ! ». Un comité national pour les réformes Le ministre de la Communication, porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi a annoncé la mise sur pied d'un Comité national pour la réforme des codes de la presse et de l'édition, conformément aux finalités de la Constitution, notamment ses articles 27 et 28. Il s'agit d'initier un processus de dialogue national institutionnel sur la réforme des codes de la presse et de l'édition, à travers l'élaboration d'un code moderne de la presse à même de garantir la liberté d'exercice de la profession et d'instaurer les règles de la responsabilité, a précisé le ministre. Selon El Khalfi, cette instance, qui sera présidée par l'ancien ministre de la Communication, le journaliste Mohamed Larbi Messari, et dont la composition sera annoncée ultérieurement, sera chargée de recueillir les propositions de réforme et d'en assurer l'examen.