Un an après l'attentat d'Argana, la mairesse de Marrakech, Fatima-Zahra Mansouri, revient pour Le Soir échos sur les répercussions de l'attentat et sur sa gestion de l'après Argana. Un an après, quels sont les stigmates de l'attentat d'Argana ? Un an après, ce qui est resté, c'est d'abord et avant tout un drame humain, ce sont de nombreuses familles déchirées. C'est beaucoup de douleur et un traumatisme certain, et c'est surtout « Plus jamais ça », ni à Marrakech ni au Maroc. Ce ne sont pas nos valeurs, ce n'est pas notre manière de vivre, d'accueillir et de coexister. Ce qui est resté, c'est cette douleur là, que nous n'oublierons jamais, que nous portons en nous, et que nous avons partagé avec les victimes lors de la commémoration. En tant que mairesse de Marrakech, comment avez-vous géré l'après Argana ? Dans cette douleur, dans ce drame, il y a eu une mobilisation extraordinaire de la part de l'ensemble des Marrakchis, des Marocains et des amis de Marrakech à l'international. Un élan de solidarité s'est installé. On a vu plusieurs délégations locales, nationales et internationales venir se recueillir sur ce lieu. On a vu les opérateurs économiques, inquiets de l'impact sur l'activité principale de la ville, le tourisme, se mobiliser, montrer la vraie image de Marrakech et rassurer sur la destination, en disant qu'il s'agissait d'un acte isolé. Marrakech est une ville sécurisée, pérenne et avec ses valeurs. Aujourd'hui, quel bilan faites-vous de cette gestion ? Il est difficilement évaluable parce que l'année 2011 a été une année particulière avec le Printemps arabe, la crise de l'euro, la crise économique et puis, bien sûr, Argana. Estimer l'impact d'Argana en termes de chiffres, c'est difficile. Par contre, il n'y a nul doute que cela a eu un effet négatif sur l'activité de la ville. Mais un an après, et après encore un trimestre négatif, voilà que depuis un mois il y a une reprise extraordinaire et on espère que justement, un an après, c'est le redémarrage de Marrakech. Pouvez-vous nous chiffrer plus exactement la baisse du tourisme ? En termes de nuitées sur l'année 2011, on a eu une chute de 9 %. Sur le premier trimestre 2012, on était à -16 %, ce qui a suscité beaucoup d'angoisse chez les différents intervenants de la ville de Marrakech. Depuis un mois, il y a une reprise extraordinaire avec un taux de fréquentation des hôtels très rassurant. Maintenant on espère que cette mobilisation qui s'est faite pour maintenir Marrakech fera réagir tout ce qui est aérien. Il ne faut pas oublier que Marrakech a vu le nombre d'avions qui atterrissent en son sol diminuer. On espère que les compagnies aériennes vont pouvoir jouer le jeu de la reprise avec nous. El Othamni, dernier recours Lors de la cérémonie organisée à la mémoire des victimes de l'attentat d'Argana, samedi dernier à Marrakech. Présumé être le cerveau de l'attentat d'Argana, Adil El Othmani, condamné à mort, en première instance puis en appel, saisit à présent la cour de cassation. Selon son avocat, Me Mohamed Mouhib, la demande déposée en mars dernier vise à réviser le procès, de manière à détecter toute défaillance qui aurait pu entacher la procédure. « Il y en a plusieurs. Je citerai le refus d'auditionner des témoins et d'effectuer des expertises afin de réunir des preuves tangibles contre le prévenu », déclare Me Mouhib. Et de souligner que des « dysfonctionnements » ont été remarqués au cours du procès où « des formalités n'ont pas été respectées en ce qui concerne la défense de la partie civile ». En attendant que la cour de cassation tranche, Adil El Othmani mène une grève de la faim ainsi que les 8 autres prévenus inculpés dans cet attentat, depuis le 4 avril. Les proches des victimes n'oublient pas Il sont 17 à avoir trouvé la mort dans l'attentat d'Argana, il y a un an. Huit touristes français, deux Marocains, deux Canadiens, un Russe, un Néerlandais, un Portugais, un Britannique et un Suisse tués par l'explosion de la bombe sur la place Jamâa El-Fna, le 28 avril 2011. Lors de la commémoration ce samedi, leurs proches étaient présents pour leur rendre hommage. « La commémoration 1 an après est une des étapes de reconstruction. Cela ne peut que permettre à la vie de reprendre », souligne Guillaume Denoix de Saint Marc, président de l'Association française des victimes du terrorisme. Un deuil lent Mais la vie ne reprend que difficilement. « Le deuil se fait lentement pour les familles », témoigne Souad El Khammal, présidente de l'Association marocaine des victimes du terrorisme qui a perdu son époux et son fils dans les attentats de 2003 à Casablanca. Contactée par Le Soir échos, la veuve de Yacine Bouzidi, le serveur marocain de l'Argana, a la voix pleine de douleur. « Je n'oublierai jamais », nous confie-t-elle. Leila Bouzidi s'inquiète pour l'avenir de ses enfants, dont l'un est né après le décès de son époux. « Nous n'avons pas touché d'assurance, nous avons reçu 200 000 dirhams du Palais. Et puis les associations ne nous appellent plus autant que pendant les 3 premiers mois », regrette-t-elle. Unies dans leur deuil, les familles ont exprimé d'une seule voix, lors de la cérémonie de samedi, leur souhait que les victimes ne soient pas oubliées et que de tels attentats ne se reproduisent plus. Un message de paix, renforcé par les associations de victimes qui ont rappelé la nécessité de lutter au quotidien contre la radicalisation des pensées.