Le Maroc exporte principalement du phosphate à l'Arabie Saoudite et importe essentiellement du pétrole de ce pays du Golfe. Toutefois, des potentialités énormes existent des deux côtés. Pourquoi cela bloque-t-il toujours ? Saâd Benabdellah, DG de Maroc Export et Abdelali Jai, Consul général du Maroc à Jeddah, en compagnie des responsables de la Chambre de commerce et d'industrie de Jeddah. Le samedi 28 avril, alors que la température frôlait les 32° à l'ombre, à la Chambre de commerce et de d'industrie de Jeddah, un accueil chaleureux a été réservé à la délégation marocaine de Maroc Export par leurs homologues saoudiens. Derrière les poignées de main fraternelles, les sourires clinquants et l'ambiance bon enfant des Marocains présents à cette mission de prospection, qui durera du 26 avril au 3 mai 2012 respectivement au royaume d'Arabie Saoudite, sultanat d'Oman et royaume de Bahreïn, se dissimulait un constat alarmant. Les exportations marocaines vers l'Arabie Saoudite représentent environ 40 millions de dollars, alors que nous exportons plus de 3 milliards de dollars. Edifiant ! C'est le moins que l'on puisse dire. Ce grand écart dans les échanges commerciaux et le faible volume de ces échanges ont été les principaux thèmes discutés entre des responsables des deux pays lors de cette première rencontre. « Nos faibles relations économiques ne reflètent pas véritablement nos excellentes relations politiques et diplomatiques. Cette initiative de Maroc Export est plus que salutaire. Il faut l'étendre dans le temps et nous comptons vous rendre visite très prochainement », lance d'emblée Adnan Houssein Mandoura, secrétaire général de la Chambre de commerce et d'industrie de Jeddah. L'Arabie Saoudite se reconstruit Mandoura regrette, en effet, le manque d'implication des responsables des deux pays pour réhabiliter leurs échanges commerciaux. « La France nous a invité 2 fois en 2011 pour parler affaires. Ceci sans parler des Américains qui sont présents en force chez nous. D'ailleurs, les plus grands projets lancés dans le pays sont remportés par des entreprises européennes et américaines. Pourquoi ne pas en faire bénéficier des entreprises arabes et qui partagent avec nous des points communs », regrettent les responsables de la Chambre de commerce de Jeddah. Ainsi, pour démontrer l'énorme potentiel qu'offre ce pays pétrolier, Fouad Amine Boukri, président du Conseil d'affaires maroco-saoudien, affilié à la Chambre de commerce de Jeddah, a révélé que l'Etat saoudien, suite aux excédents réalisés grâce à la flambée des cours du pétrole, a décidé de lancer plusieurs projets structurants. Des routes, ponts, logements, grandes tours et cinq villes industrielles sont en cours de réalisation partout dans le pays. Une manne dont les entreprises marocaines n'ont pas su profiter, puisqu'elles sont absentes de tous ces projets. Le dumping chinois bloque les Marocains Ceci-dit, si du côté saoudien on avance des freins d'ordre logistique comme l'absence d'une ligne maritime directe et l'insuffisance des visites, certains hommes d'affaires marocains sondés regrettent un marché saoudien très fermé. « Au-delà de l'énorme problème du transport, nous rencontrons d'autres freins très complexes. Nous sommes très concurrencés par les chinois qui imitent nos produits sans vergogne et les écoulent sur le marché saoudien à des prix imbattables. C'est du pur dumping. Et cela se passe en toute impunité », nous confie Tijani Al-Mahjour Abou Saad, un marocain établi dans le pays depuis plus de 27 ans, spécialisé dans les produits de cosmétique. Selon lui, les Marocains trouvent beaucoup de problèmes à faire leur place sur ce marché prisé par les anglo-saxons et les chinois, à cause notamment des « stéréotypes » qu'ont les Saoudiens sur la communauté marocaine. Même constat auprès d'Ahmed Bassidi, un exportateur de produits d'artisanat dans le fameux marché Arwak Al Madina. Sa dernière opération a concerné 1 700 kg de produits marocains, pour lesquels il a payé seulement 1 500 dirhams de douane mais 27 000 dirhams pour le transport par avion. Selon lui, « si ce problème de transport est résolu, sa situation déficitaire ne sera qu'allégée. Mais le dumping chinois ne fera qu'accentuer une compétitivité illégale ». Cette particularité du marché saoudien cache bien d'autres spécificités propres aux hommes d'affaires saoudiens. A titre d'exemple, la première rencontre devait attirer un bon nombre d'hommes d'affaires saoudiens, représentant environ 90 personnes invitées par Maroc Export en plus des membres de la Chambre de commerce de Jeddah. Bémol, il n'y a pas eu l'affluence espérée et seulement quelques dizaines de Saoudiens ont répondu présent. C'est dire l'énorme travail qui attend Maroc Export sur ce chantier. Témoignage Saâd Benabdellah, DG de Maroc Export. « Je suis venu pour savoir où ça bloque » Je ne suis pas venu ici pour vendre les produits marocains, mais pour comprendre et chercher pourquoi nos relations économiques et commerciales sont si faibles et pourquoi ça bloque. Notre objectif est non seulement commercial, mais nous cherchons à nouer des partenariats stratégiques avec l'Arabie Saoudite dans plusieurs secteurs. Alors que l'UE et les USA sombrent dans une crise inquiétante, deux régions ont su se démarquer. D'un côté, les pays du Golfe enregistrent des taux de croissance de plus de 5 % et attirent de plus en plus d'IDE. De l'autre, nous avons un continent africain qui a résisté à la crise et qui enregistrera des taux de croissance entre 5 et 7 % avec un objectif de PIB de 2 600 milliards de dollars en 2020. Dans ce schéma, le Maroc peut apporter énormément d'avantages aux hommes d'affaires saoudiens. Nous sommes bien ancrés en Afrique et nous avons démontré une expertise dans plusieurs secteurs, comme les TIC, l'agro-industrie, le textile-habillement ou encore l'industrie pharmaceutique. Les opportunités sont énormes de part et d'autre et il faut redynamiser nos partenariats et nos relations en trouvant des solutions concrètes prochainement.