Avec son « La route vers Kaboul,» le cinéaste Brahim Chkiri brosse, en milliers de séquences, ce qui fait notre identité et nous transporte, sans ambages, dans «les absurdités de la société marocaine contemporaine». Tourné dans le sud marocain, « La route vers Kaboul » est un joyeux « road movie » réalisé par Brahim Chkiri. Brahim Chkiri, en véritable sociologue, (il est docteur en Sociologie diplômé de l'Université libre de Bruxelles) épingle les absurdités de la société marocaine contemporaine dans une fresque de drôlerie et de bonne humeur. Ne lui échappe ni le charlatanisme ni la corruption, ni l'inculture et le désœuvrement d'une grande partie de la jeunesse… Cinéaste confirmé, avec neuf longs métrages à son actif dans le cadre du projet «film industry» lancé par Nabil Ayouch, il nous livre dans « La route vers Kaboul », un film qui marque une vraie rupture avec ce qu'on a l'habitude de voir. Un film où Mohamed Ben Brahim, malgré la maladie, vient passer le flambeau et marque le départ d'une nouvelle vague du cinéma marocain. L'histoire commence à Casablanca où des jeunes chômeurs paumés, harcelés par un flic véreux, ne rêvent que de départ vers des terres qu'ils ne sauront même pas identifier sur une carte mais où l'herbe est sans aucun doute plus verte. La rencontre avec un Harag professionnel, qui leur promet, moyennant une rondelette somme d'argent, la Hollande où le fric coule à flot. Les jeunes désignent Hmida pour l'envoyer en éclaireur, mais celui-ci se retrouve en Afghanistan. Ils décident alors d'aller à sa recherche, accompagnés du Harag et de Fatouma, la mère de Hmida. Commence alors une série d'histoires loufoques, qui virent parfois à l'absurde. Comme dans cette scène qui rappelle la destruction des colossales statues des Bouddhas de Bâmiyân, datant du 3e siècle, par les talibans. Quand les protagonistes sont kidnappés par Benkeddour le plus gros narcotrafiquant d'Afghanistan, on ne peut pas s'empêcher de penser à « La rose pourpre du Caire » de Woody Allen où celui-ci fait quitter l'écran à son personnage principal pour l'entrainer dans la salle du cinéma, dans une aventure amoureuse avec une spectatrice. Cette mince frontière entre le réel et l'imaginaire, est presque brisée, quand le narcotrafiquant Benkeddour, joué par Said Bey, déclare : « Il fait chaud ici comme si on était à Tata (le film est tourné à Tata). Ma peau me démange sous cette barbe pastiche. Nous sommes tous en train de jouer des rôles dans un scénario écrit par les américains ». On a envie de penser avec Jean Baudrillard, l'auteur de « La guerre du golf n'a pas eu lieu » que la réalité n'existe plus et que tout cela n'est que simulacre et simulation. Bref, un joyeux «road movie» en compagnie d'une bande de paumés dont Amine Naji, dans le rôle du Geek de derb Ghallef, excellent comme à son habitude. Un très bon film.