Peu d'économistes avaient prévu la crise financière de l'automne 2008. Peu d'entre eux avaient soupçonné l'ampleur de ses conséquences désastreuse sur l'économie réelle. Aujourd'hui, aucun économiste ne peut, de science certaine, augurer du calendrier de la reprise économique. Bien entendu nous savons tous, mais de façon approximative, les causes de la dernière crise financière : bulle immobilière, produits toxiques, creusement des déficits budgétaires, dérapage de la dette publique, surabondance du «global savings» et de la base monétaire, erreurs des agences de notation, complaisance dans l'appréciation du risque de contrepartie… Autant de causes invoquées en vrac par les uns et par les autres, tel un leitmotiv, sans qu'aucun économiste n'ait pu renseigner sur son déclic détonateur, ni comment contenir sa boucle à réactions interminables, aux effets induits «radioactifs». Aux anciennes causes s'adjoignent, de nos jours, de nouvelles, mais c'est toujours le même constat d'échec, le même constat d'imprévision des crises, hier comme aujourd'hui. Nonobstant les percées conceptuelles dans les théories économiques contemporaines, le monde d'aujourd'hui n'est pas plus avancé qu'il y a quatre vingts ans, dans la compréhension des causes des crises finéconomiques. Nonobstant les percées conceptuelles dans les théories économiques contemporaines, le monde d'aujourd'hui n'est pas plus avancé qu'il y a quatre vingts ans, dans la compréhension des causes des crises finéconomiques. Ainsi et de la même façon qu'à l'automne 2008, les économistes étaient incapables de déceler les signes avant-coureurs de la Grande récession qui couvait pour tonner au grand jour en 1929. Certes, en 1920 d'aucuns avaient mis en garde contre la surestimation des valeurs boursières, mais ils n'avaient pas songé un instant que la crise allait durer toute une décennie et affecter toute l'économie mondiale. En 1929 aussi, le dévolu avait été jeté pèle-mêle sur les gouvernements, pour interférence impertinentes dans les marchés, sur le réarmement de l'Europe et la hantise de la menace de guerre, sur le crédit facile, sur les gros revenus et l'évasion fiscale. Aujourd'hui, ce qui est désigné à la vindicte, ce sont les «hedging funds» tel LTCM (Long Term Capital Management) ; c'est la spéculation dans les CDO's (Collaterized Debt Obligations), dans les ABS (Asset-Backed-Securities) et dans les MBS (Mortgage-Backed-Securities) ou encore ce sont les déficits budgétaires et le gonflement de la dette des Etats qui sont incriminés. Tout le monde aura, d'une façon ou d'une autre, raison au moins en partie lorsqu'il évoque les raisons de la crise économique, dès lors que celle-ci est une conjugaison, une confluence de facteurs enchevêtrés qui ont poussé le système financier au delà du seuil du tolérable. Corollaire, la confiance dans le système est minée et la boucle de réactions négatives enclenchées. Les crises finéconomiques devenant de plus en plus récurrentes et à intervalle de plus en plus rapproché, le monde pourrait-il en modéliser les causes pour les décliner en «patterns», dont il se servira comme diagnostic «base case» aux fins de remèdes ? Rien n'est moins sûr, car les causes des folies financières ne sont pas immuables ni limitatives. De plus et c'est le plus grave et le plus pernicieux c'est que les remèdes de circonstance portent en eux-mêmes les germes des prochaines crises. D'ailleurs et à l'issue de chaque crise, pas avant ni pendant, les experts et les gouvernements carillonnent que «cette fois, c'est différent, que la situation est sous contrôle». Il s'avèrera que c'est faux dès lors qu'à peine l'incendie de la crise est jugulée en Asie du Sud Est, elle reprendra de plus belle aux USA avec éclaboussure des économies européennes qui s'enlisent dans la spirale des crises Espagne, Portugal et Grèce interposés. D'ailleurs, aujourd'hui le pays de Socrate constitue la pomme de discorde de l'UE entre France d'un côté et l'Allemagne de l'autre, quant à la thérapie financière à adopter pour tirer les Grecs de leurs ennuis. Deux éminents économistes Carmen Reinhart et Kenneth Rogoff, dans leur important ouvrage «This time is different », brossent une vue panoramique sur huit siècles d'histoire des crises financières et leurs origines. Il s'agit d'une compilation empirique, statistiques à l'appui, loin des élaborations théoriques sur les différentes crises qui avaient secoué le monde. Reinhart & Rogoff parviennent à la conclusion que l'humanité à la mémoire courte et ne tire pas d'enseignements des crises passées, ce qui rend leur reproduction chose aisée. De même qu'il est périlleux de construire des prévisions en usant de modèles du passé sur base de crises dissemblables quant aux causes et à la physionomie, quand bien même elles restent similaires quant à leurs effets dévastateurs. Moralité. Nous ignorons si la reprise relèverait du durable ou du cyclique, le monde nourrissant des espoirs chimériques pour passer de crise-en-thème en crise-en-thème, avec des accalmies éphémères.