Le débat reprend de plus belle autour des conditions d'octroi de la reconnaissance de l'utilité publique. De plus en plus de voix s'élèvent pour critiquer et dénoncer les critères requis pour l'attribution de ce label aux associations. « Ce sont des critères vagues et pas clairs », note d'emblée Hamid Benchrifa, président de l'association marocaine de solidarité et de développement (AMSED). Selon cet acteur associatif, ce titre est attribué aux associations sur la base d'une demande déposée auprès des autorités publiques, en l'occurrence au Secrétariat général du gouvernement (SGG). Ladite demande doit être accompagnée du statut et du règlement intérieur, des rapports moral et financier de l'ONG ainsi que la liste des membres dirigeants. Le SGG adresse un courrier au département ministériel concerné par le domaine d'action de l'association pour avis. Cette institution publique dispose alors d'un délai de six mois pour statuer sur le dossier. Cependant, des associations attendent depuis des années en vain la réponse du SGG. Alors que d'autres ONGs, récemment créées, obtiennent facilement ce label. Ce qui suscite la colère des acteurs associatifs, qui crient à la « discrimination ». Un label aux avantages multiples Selon l'enquête nationale menée par le Haut Commissariat au Plan sur les institutions sans but lucratif, dont les résultats ont été diffusés fin décembre 2011, sur les 44 771 associations actives au Maroc, 157 ONGs uniquement ont le statut d'utilité publique. Quels sont les avantages de ce statut ? « Le titre d'utilité publique accorde à ses détenteurs plusieurs privilèges. L'association reconnue d'utilité publique peut acquérir des biens, se porter partie civile devant le tribunal dans une affaire judiciaire », explique Saïda Kouzzi, juriste à Global Rights à Rabat. « Les détenteurs de ce label profitent également de l'avantage fiscal. Ils sont exonérés de certains impôts », renchérit Hamid Benchrifa. « Le statut d'utilité publique permet aussi à l'association de faire appel à la générosité publique et donc de faire de la collecte des fonds », poursuit Saïda Kouzzi. La loi permet à l'association de le faire une fois par an, et sans autorisation préalable. Toutefois, elle est tenue d'aviser le Secrétaire général du gouvernement dans les quinze jours au moins qui précèdent la date de la manifestation. Cette déclaration doit indiquer les recettes prévisionnelles et leur affectation. Révision législative urgente Ceci ne veut pas dire que les associations qui n'ont pas ce titre ne peuvent pas bénéficier des subventions de l'Etat ou des donations de certaines organisations. L'article 6 de la loi qui régit les associations stipule que toute association régulièrement déclarée peut posséder et administrer les subventions publiques, les droits d'adhésion de ses membres, les cotisations annuelles de ses membres, l'aide du secteur privé, les aides que les associations peuvent recevoir d'une partie étrangère ou d'organisations internationales… Cependant, aux yeux des associations, cela demeure insuffisant. « Tout cela est beau mais il ne permet pas à l'association de mener à bien son action sur le terrain », réplique Amal Zniber, présidente de l'association « Amis des écoles », une jeune ONG consacrée à l'appui des besoins des écoles rurales. « Le statut d'utilité publique facilite le travail pour l'association. Si j'avais ce titre, je n'aurais pas à payer les droits de douane. J'ai beaucoup d'amis et partenaires à l'étranger qui sont prêts à m'aider en m'envoyant des containers remplis de livres, d'équipements pour écoles… Mais je n'ai pas les moyens de payer les droits de douane. Par ailleurs, des entreprises ayant confiance en notre action transparente sont prêtes à nous donner des dons conséquents. Cependant, elles refusent quand elles apprennent que nous n'avons pas le statut d'utilité publique car les dons ne sont pas déductibles d'impôts », déplore-t-elle. L'association « Amis des écoles » prépare actuellement son dossier pour l'obtention de la reconnaissance d'utilité publique. Pour sa présidente, cette procédure relève du parcours du combattant. Les ONG appellent ainsi à une révision législative urgente pour palier à cette situation. Cette revendication ne date pas d'aujourd'hui. Les associations des droits de l'Homme, de la jeunesse, du développement… ont depuis des années exigé une réforme de la réglementation en vigueur. Certes des modifications ont été introduites en 2002, toutefois, elles restent insuffisantes aux yeux des concernés. L'AMSED fait actuellement de cette revendication son cheval de bataille. Le statut de fondation n'existe pas Les acteurs associatifs exigent également d'introduire une définition claire de la fondation dans la réglementation. Malgré leur nombre restreint, les fondations font partie de notre paysage associatif. Fondation Mohammed V pour la solidarité, Fondation ONA, Fondation M'jid, Fondation Addoha, Fondation Zakoura pour l'éducation… toutes nourries par la fibre mécène. Mais quelle est la différence entre la fondation et l'association ? « Le droit marocain est inspiré du droit français. Cependant, contrairement à ce dernier, il ne mentionne pas la notion de « Fondation », souligne Hamid Benchrifa, président de l'AMSED. En d'autres termes, le statut de fondation n'existe pas dans la loi marocaine. Les fondations ont un statut d'associations. « Dans son article 1, la loi stipule que l'association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d'une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices. Le mot fondation n'existe pas dans la loi et ne revêt aucune signification juridique particulière», renchérit Saïda Kouzzi, juriste. Si pour certains, le mot fondation est une simple appellation, pour d'autres, il représente un titre de noblesse. « Le mot Fondation est une simple appellation pour moi. Je n'attache pas beaucoup d'importance au mot. Ce qui importe pour moi c'est l'action sur le terrain », affirme Mohamed M'jid, président de la Fondation marocaine pour la jeunesse, l'initiative et le développement (Fondation M.J.I.D). Nourreddine Ayouch, fondateur et président d'honneur de la Fondation Zakoura pour l'éducation, voit les choses autrement: « J'ai opté pour le mot fondation pour donner à mon institution un caractère de noblesse et une dimension internationale et pérenne ».