Regard lumineux, sourire en bannière, écharpe colorée nouée autour du cou, Faouzi Bensaïdi, vous accueille dans les bureaux d'Agora Productions, logés dans la métropole casablancaise. Les murs sont fleuris par les affiches des films produits par Souad Lamriki et Bénédicte Bellocq : L'ennemi intime, La source des femmes , Djinns, Le tango des Rashevski , l'œuvre d'une vie de films. Confortablement installé dans un fauteuil rouge, le cinéaste a l'air enjoué et sincère d'un enfant. Et pour cause, Mort à vendre, son nouveau long-métrage présenté en compétition dans la section Panorama à la Berlinale, a été couronné par le prix cinéma art et essai. Un précieux sésame, inespéré et miraculeux qui va offrir à ce polar, situé dans le Nord marocain, d'être présenté dans 3 000 salles de cinéma aux quatre coins du monde ! Un vrai miracle pour un film du Sud, quand dans le même temps, les cinémas, véritables bijoux d'architecture, ne cessent d'être réduits en peau de chagrin dans la région. La formidable nouvelle est tombée de plus, vendredi 17 février, lors de l'avant-première de Mort à vendre à Casablanca. Le vendeur français du film, Urban distribution, lui, a confié : « C'est le prix que je préfère !» Expérimenter le hors-champ Rompu à la sélection des plus prestigieux festivals, Faouzi Bensaïdi, est l'un des rares cinéastes marocains dont les films, ont tour à tour été présentés au Festival de Cannes, Mille mois, à la Mostra de Venise,What a wunderful world. Mort à vendre, présenté le 11 février à la capitale culturelle allemande, a bien atteint son mont Everest. Le réalisateur n'en perd pas pour autant son habituelle humilité, voilà un auteur que l'on pourrait écouter parler de son art pendant des heures. « Il y une grammaire du cinéma, qu'il faut maîtriser pour pouvoir écrire ses films. Comme on maîtrise la langue avec laquelle on s'exprime, on doit, aussi, savoir s'exprimer avec la grammaire cinématographique. La réalisation est un vrai langage artistique avec sa propre syntaxe et son propre vocabulaire. C'est évidemment plus difficile au cinéma, car certains cinéastes oublient, parfois, qu'il s'agit d'un art qu'il faut exploiter à travers ses multiples aspects », précise Faouzi Bensaïdi. Pense-t-il notamment à l'utilisation du hors-champ, au cours d'un film ? « Absolument. J'aime particulièrement les hors-champs. Je n'aime pas le fait que le cinéma puise tout montrer. La force du cinéma tient justement à la suggestion, sinon, on verse rapidement dans la télévision. Si je recours au hors-champ, j'ai le sentiment de laisser plus de liberté au spectateur, à sa sensibilité, à son intelligence, à son imaginaire : il construit ainsi, le film. Il faut respecter le spectateur, lui ouvrir des horizons ». Les métaphores et l'abstrait étant légion dans le septième art, lorsqu'il est question de hors-champ, Faouzi Bensaïdi, exprime-t-il cet aspect avec la voix des personnages ? « Oui. Le champ des possibles est important et on oublie que le son est aussi important que l'image, le son c'est du cinéma, et il offre des perspectives inimaginables », assène -t-il. Explorer comme de la sculpture Si de nombreux cinéastes tentent d'atteindre un équilibre bien senti entre l'image et le son, Faouzi Bensaïdi cultive également le déséquilibre car « il peut apporter un réel enrichissement, à condition d'être sûr de ce que l'on veut exprimer. Cela dépend des séquences. La rencontre entre équilibre et déséquilibre est finalement, intéressante ». Fidèle à ses directeurs de la photographie, comme Marc-André Batigne (Mort à vendre ), Gordon Spooner (What a wonderful world) et Antoine Eberle (Mille mois), le cinéaste travaille souvent avec la même famille de comédiens. On pense d'emblée à son épouse, la talentueuse Nezha Rahil, à la beauté et à la mélancolie méditerranéenne, qui ponctue chacun de ses films. « Nous sommes très proches. La frontière entre le travail et la vie fait partie intégrante de nous et de notre histoire. Nous évoluons ensemble, elle est la première personne à lire les scénarios, elle s'occupe toujours du casting et elle a signé les costumes dans Mort à vendre. C'est une actrice que j'aime énormément. J'aime sa justesse, son intelligence et sa sensibilité. Elle épaissit son personnage, qui prend corps et chair après mon écriture. Nezha a su insuffler fragilité et véracité au personnage qu'elle incarne dans Mort à vendre, si bien que des spectateurs m'ont dit, que ce personnage pourrait faire l'objet d'un film », conclut-il.