Une stratégie de longue haleine pour préparer la transaction. BMCE Bank et CGI étaient devenues depuis quelque temps les valeurs les plus chères du marché à tel point que personne n'était en mesure de les acheter. En l'absence d'un acheteur tiers, les deux valeurs se sont rachetées mutuellement», ironise un trader de la place. La hausse des cours des deux valeurs ne serait pas fortuite. Selon des sources proches du marché, les deux groupes auraient fait en sorte de ramener la valeur de leurs actions en Bourse à des valeurs cibles qui convenaient à la réalisation de leur méga deal conclu lundi. La courbe de l'évolution des cours montre que le titre BMCE Bank n'est descendu sous la barre des 260 DH que quelques jours durant les trois derniers mois. Pour lui permettre de se maintenir au-delà de cette barre, des achats massifs ont été réalisés à des cours supérieurs à 260 DH. Le constat est le même pour la CGI. Dès que le cours de la valeur immobilière a commencé à s'orienter à la baisse, des transactions massives ont été opérées pour le porter vers son niveau actuel. Ce deal est donc le fruit d'une stratégie de longue haleine. Cette stratégie ne s'est pas limitée à l'orientation des cours, elle s'étendait également à la mobilisation des titres nécessaires pour réaliser l'opération. Les intermédiaires de la place casablancaise ont constaté, depuis plusieurs mois, que les traders des entités boursières de BMCE Capital ramassaient, à tour de bras, leurs propres titres, profitant de leur programme de rachat. Une formule que le groupe BMCE Bank aurait toujours utilisée pour faciliter la réalisation de ses deals stratégiques. D'ailleurs, cette manœuvre est contradictoire à l'objectif réglementaire du programme de rachat, dédié uniquement à la régulation des cours. La dernière proposition de circulaire dédiée au programme de rachat propose clairement d'interdire l'utilisation d'un programme pour des opérations stratégiques. Une disposition que le DG de BMCE Capital Bourse, Youssef Benkirane, a contestée publiquement lors de la présentation des résultats semestriels 2009 de BMCE Bank. Sur le marché, il n'est, d'ailleurs, pas seul à le faire. Quoi qu'il en soit, la stratégie d'orientation des cours et de mobilisation des titres a fini par porter ses fruits, pour les deux institutions. L'accession de la CDG au tour de table de BMCE Bank permet une injection considérable de cash dans ses comptes. La banque du groupe Othmane Benjelloun en a plus que jamais besoin pour maintenir le cap de ses investissements. D'autant plus que la marge réglementaire, dont elle dispose pour émettre des dettes subordonnées qui font office de fonds propres, est presque épuisée. Des experts du marché sont unanimes à dire que ce rachat est une bouffée d'oxygène salvatrice pour la structure financière de BMCE Bank. En effet, la part du capital détenue par la banque, elle-même, vient en diminution des fonds propres. Ce qui pénalise les stratégies d'investissement et la capacité d'accroissement de l'activité. Le fait de céder à un actionnaire tiers permet de booster sensiblement les fonds propres, en ouvrant de nouveaux horizons de croissance. Ajouter à cela, le prix élevé auquel le deal a été conclu. Ce qui signifie une plus-value conséquente pour les vendeurs. Au quantième trimestre 2009, des sources internes à BMCE Bank avaient indiqué que trois options étaient envisagées pour booster les fonds propres. Primo, une augmentation de capital réservée aux actionnaires. Secundo, une nouvelle IPO en bourse et tercio, l'ouverture du capital à un actionnaire externe. C'est la troisième option qui a finalement été retenue. Cela dit, rien n'empêche la banque makhzénienne de souscrire, dans le futur, à une augmentation du capital où même de racheter les parts d'un ou plusieurs actionnaires étrangers qui font partie du tour de table de BMCE Bank. Mais rien de cela n'est envisagé pour le moment. A noter que nous avons tenté de joindre des responsables de BMCE Bank, notamment, les administrateurs directeurs généraux Jelloul Ayed et Brahim Benjelloun Touimi, pour avoir leur avis, mais tous étaient injoignables au moment où nous mettions sous presse. Le deal du 22 mars permet aussi au groupe BMCE Bank de rentrer par la grande porte dans le secteur de la promotion immobilière. A travers sa filiale d'assurance RMA Watanya, il détient désormais 8% de la CGI, un des trois plus importants opérateurs immobiliers du pays. Plaçons-nous maintenant du côté de la CDG, il est vrai que prendre part dans une institution aussi importante que BMCE Bank est une nouvelle conquête financière du groupe makhzénien. Mais cette participation ne fait-elle pas doublon avec l'autre filiale bancaire de la CDG, à savoir le CIH ? Serait-il question de relier stratégiquement les deux entités ? La CDG a-t-elle voulu profiter du rayonnement international de BMCE Bank, notamment à travers Medi Capital Bank et Bank Of Africa ? Des questions qui restent sans réponse tant que les responsables restent injoignables. A première vue, la cession de 8% de la CGI à BMCE Bank peut être interprétée comme un cadeau que la CDG a fait à Othmane Benjelloun. D'autant plus, que la compagnie immobilière n'avait pas besoin d'un actionnaire externe pour la soutenir. Mais il suffit de voir la valeur du deal pour se rendre compte du contraire. En vendant les actions de CGI à 1.937 DH, la CDG réalise une énorme plus-value. C'est du cash que le groupe immobilier peut utiliser pour le financement de ces projets colossaux, notamment ceux où les actionnaires émiratis se sont désengagés. Finalement, c'est un gentleman agreement où les deux parties sont gagnantes. Meditel : Un autre deal en préparation ? Au-delà des conditions de réalisation du méga deal entre CDG et BMCE Bank, le marché est unanime à dire que la participation commune des deux institutions dans le capital de l'opérateur telecom Méditel n'est pas bien loin. Certain estiment que le deal d'avant-hier, est une opération préparatoire à un deal plus spectaculaire qui porterait sur Méditel. Mais personne ne veut encore s'exprimer sur les grandes lignes de ce deal plus qu'envisageable. Autre annonce qui tarde à venir, mais qui ne concerne, cette fois-ci, que le groupe BMCE Bank, c'est le rapprochement prévu entre les banques internationales du groupe, à savoir Medi Capital Bank en Europe et Bank Of Africa en Afrique. Il serait question que ces deux entités fusionnent et adoptent le même nom. Encore faut-il que cela soit confirmé par le top management de leur société mère.