Mieux vaut suer que grelotter. Ces derniers temps, ce dicton français fait presque l'unanimité chez les Marocains. En 1935, le thermomètre, à Ifrane, avait affiché un -24°C. Le 5 de ce mois, Ifrane tremblait sous un -11,6°C. Mohamed Belaouchi, alias monsieur météo, responsable communication à la Météorologie nationale trouve que le Maroc a vécu bien pire que cela. « Cette vague de froid est due à une masse d'air d'origine polaire. Plus elle avance vers le Nord du Maroc, et plus elle perd de son humidité. Ce froid nous parvient du Nord en passant par l'Europe centrale et l'Oriental. Ce froid aurait était moins méchant et la pluie plus généreuse si la vague de vent était passée par l'océan atlantique. Autrement, ce climat a donné lieu à des chutes de neige en Europe, mais aussi en Tunisie et en Algérie. Même Oujda a connu quelques moments de pluie et de neige. Sur les 43 stations météorologiques nationales, le Maroc a certes battu des records en terme de baisses des températures. Bien que sévère, cette vague de froid n'est pas historique », nous explique-t-il. Temps de chien… venu de Sibérie Tout est donc question d'humidité mais aussi de provenance. Cette vague de froid qui résiste malgré des journées ensoleillées, inquiète, à l'approche de la fin de l'hiver, Mohammed Said Karrouk, climatologue et professeur de climatologie à la faculté des Lettres et Sciences humaines de Ben Msik (Casablanca). « C'est un froid Normal car on est en hiver, mais ce qui n'est pas normal, c'est que nous sommes en fin d'hiver ! Le froid continue quand même de nous agresser. Le Maroc a été touché par l'effet d'un froid continental venant précisément de la Sibérie», précise notre spécialiste. Au pays du soleil et du beau temps, le froid semble être indésirable parce qu'il ne fait tout simplement pas partie du quotidien des Marocains, mais, désormais, il faut s'y préparer car cela va devenir plus fréquent. « Nous sommes vulnérables parce que nous ne sommes pas habitués à ce type de froid et dorénavant il faut s'attendre à plus féroce », prévient le climatologue. Petit détail technique par contre, monsieur météo tient à préciser qu' « il ne faut pas se fier aux afficheurs publics de température. C'est pour moi insignifiant car les chiffres qu'ils avancent sont basés sur des données non fiables. C'est de la publicité tout court et cela affecte psychologiquement l'humeur des Marocains. » Et de rassurer : « Théoriquement, ce froid va passer vers d'autres cieux à partir de dimanche en clôturant avec une neige probable dans l'Oriental. ». Pour ce qui est du tourisme hivernal, les régions montagneuses du pays semblent par contre bien se porter. Le responsable de la communication du Conseil Régional du Tourisme de Marrakech, Abouricha Abdelatif, nous le fait constater. « Le réseau routier n'a pas été affecté par le froid et la neige à Marrakech. La route vers l'Oukaïmeden est la route la plus structurée au Maroc. L'accessibilité à la station est fluide car toute la route est en pente. Aucun cas d'avalanche n'a été signalé. Les week-ends, nous avons connu dernièrement un surbooking. Le nombre moyen des visiteurs a avoisiné les 20 000. La majorité d'entre eux sont de Rabat ou Casablanca». Petit bémol par contre, la route reliant Marrakech à Ouarzazate connaît des perturbations à cause de la longueur du trajet « même si les responsables veillent à évacuer la neige abondante ». S'adapter pour mieux se protéger Pour le climatologue Said Karrouk, cette vague de froid est « une alerte à notre nouveau gouvernement car il devra s'attaquer le plus tôt possible à l'un des aspects les plus importants dans une société : la sécurité et la prévention climatique. ». Le climatologue sait de quoi il parle. Le froid joue inéluctablement sur le moral et le tempérament de la société. « Il faudra revoir la manière de former les ingénieurs et il serait préférable aux architectes de se recycler. Le Maroc doit s'armer d'une nouvelle architecture contre d'autres hivers plus froids. La tuyauterie, la centralisation des chauffages sont eux aussi très primordiales. C'est bien de développer l'énergie solaire, mais pourquoi ne pas l'utiliser pour servir les nouvelles constructions. Ceci dit, la meilleure manière de se protéger contre le froid, c'est de s'y adapter. » conclut Karrok. Maintenant qu'on est averti, l'accueil du froid sera dans le futur plus chaleureux.