L'ère de la nouvelle Constitution vit aujourd'hui sa première affaire « d'atteinte aux sacralités » sur Facebook, alors même que cette Constitution ne mentionne aucune référence à la sacralité de la personne du roi, contrairement au texte de 1996. L'accusé dans ce dossier est Walid Bahmane, un jeune étudiant de 18 ans. Selon sa mère, Nadia Belhafsa, cette affaire est un coup monté de toutes pièces par son ami. « Mon fils n'a rien fait. Son ami lui a tendu un piège par vengeance. Il lui a vendu un PC au prix de 1 500 DH. Mon fils lui a donné 1 000 DH et lui a promis de lui verser le reliquat plus tard. De retour chez lui, mon fils se rend compte que le PC ne fonctionne pas et le dit à son ami. Mais ce dernier a refusé de lui rendre son argent. Une dispute éclate alors entre eux », raconte la mère, la voix serrée par l'angoisse. Délit de fraude informatique Le mois dernier, l'ami de Walid dépose une plainte auprès d'un commissariat de police à Rabat, accusant celui-ci d'avoir utilisé son compte Facebook sans son autorisation et y avoir déposé une vidéo contenant des photos du souverain jugées « insultantes » à la personne du roi. Le 24 janvier, la police arrête Walid chez lui. La mère dénonce une arrestation arbitraire. « Des policiers sont venus à la maison. Ils ont demandé après mon fils. Il l'ont arrêté et lui ont confisqué son PC », poursuit-elle dans une déclaration au Soir échos. Le chef d'accusation qui pèse contre le jeune étudiant dans le PV de la police est « outrage à la sacralité de la personne du roi ». Les pièces à conviction sont, selon le PV, deux pages Facebook et un ordinateur IBM. Cependant, selon l'Association marocaine des droits humains, qui apporte son soutien à l'accusé, le procureur du roi retient contre le jeune homme « l'accès non autorisé aux systèmes de traitement automatisé de données ». « Cette accusation repose sur la parole de l'ami de Walid qui affirme que celui-ci connaît son mot de passe. Il l'accuse également de déposer une vidéo qui contient une voix off prononçant des expressions jugées insultantes. Cette accusation se fonde sur l'article 607 du code pénal qui incrimine, dans son alinéa 3, l'accès non autorisé à un système de traitement automatisé de données », souligne Khadija Ryadi, présidente de l'AMDH. En vertu de cet article, est puni d'un mois à trois mois d'emprisonnement et de 2 000 à 10 000 dirhams d'amende ou de l'une de ces deux peines seulement, toute personne qui accèderait frauduleusement à tout ou partie d'un système de traitement automatisé de données. La peine est portée au double lorsqu'il en résulte soit la suppression ou la modification des données contenues dans le système de traitement automatisé, soit une altération du fonctionnement de ce système. Une liberté provisoire confisquée Pour l'AMDH, le jeune étudiant ne mérite pas la prison. « Admettons-même qu'il ait accédé au compte de son ami sans son autorisation. Il ne s'agit pas là d'un accès à un système informatique d'une institution, lequel accès pourrait porter préjudice à ses données. La justice aurait dû lui accorder la liberté provisoire. Walid est un étudiant et il risque de perdre l'année scolaire », s'indigne la présidente de l'AMDH. Autre point important dans cette affaire, renchérit un membre de l'AMDH, l'absence de preuve contre Walid prouvant l'infraction (l'accès frauduleux au compte de son ami). Par ailleurs, la mère affirme que son fils a été victime de torture. « Mon fils m'a affirmé que les policiers l'ont torturé. Il l'ont obligé à signer des aveux sous la contrainte alors qu'il ne savait même pas ce qui était écrit dans le PV », dénonce Nadia Belhafsa. De son côté, l'AMDH a dépêché son avocat pour défendre le jeune étudiant qui devait comparaître jeudi 9 février devant le tribunal de première instance.