Des scènes de guerre civile se dessinaient sur nos écrans ce mercredi en soirée. L'Egypte a connu un des moments les plus atroces de sa nouvelle ère, une année seulement après la chute du régime totalitaire de Housni Moubarak. Une situation anarchique a régné tout au long de la nuit et risque encore de se perpétuer. On ne parle pas d'un acte terroriste, et on est loin d'évoquer le champ politique vulnérable, malgré un parlement fraîchement élu. Mais il s'agit d'un match de football, avec tout ce que véhicule le sport comme passion, amour et paix. Au moins 77 personnes ont péri dans des affrontements dignes d'une guerre civile. Cela s'est passé justement après le match qui a opposé les formations d'Al Ahly du Caire à son homologue Al Masry. Bien avant le match, les supporters des locaux se sont montrés hostiles à l'égard des fans du club le plus titré en Egypte, en leur réservant un accueil bien chaleureux. Désappointés et d'un nombre réduit, les supporters d'Al Ahly attendaient de voir leur équipe disputer les points de la rencontre sur le stade de Port Said, avant de rallier le Caire. Sauf que la donne a tourné en faveur des locaux qui ont assommé les visiteurs en leur infligeant un sacré revers. Score finale, 3-1 en faveur du club Al Masry. Les festivités se profilaient à l'horizon, mais le pire reste à venir. Si les locaux ont assuré les trois points de la rencontre, les supporters, qui se provoquaient depuis le début du match ont fini par confirmer les doutes. La tension a atteint son summum quand les supporteurs d'al-Masry ont déclenché les violences en lançant des pierres, des bouteilles et des fusées éclairantes contre ceux d'al-Ahly. Après quoi, le public envahit la pelouse, non pour prendre des photos souvenirs, mais pour s'entretuer. La police a commencé à intervenir, mais face à la hargne populaire, elle a tenté de sauver les 22 protagonistes qui se sont vite précipités aux vestiaires. Parmi ceux là, Mohamed Abou Treika, traumatisé par les événements : « Ce n'est pas du football, c'est la guerre. Les forces de sécurité nous ont abandonnés et un de nos supporters est mort juste sous mes yeux. Il n'y avait aucun dispositif de sécurité, pas d'ambulance. Je demande l'annulation du championnat. C'est une situation horrible et on ne pourra jamais oublier la journée d'aujourd'hui». Morts dans les vestiaires L'entraîneur, Manuel Jose, a également été témoin de plusieurs cas de décès au sein du stade : «J'ai pris des coups de poing et des coups de pied mais je vais bien. Quand la rencontre s'est terminée, il y a eu une grande confusion. Plusieurs spectateurs ont envahi la pelouse. J'ai vu plusieurs spectateurs blessés et beaucoup de personnes déjà mortes. Beaucoup sont morts aussi dans notre vestiaire où ils s'étaient réfugiés, mais ils ont succombé à leurs blessures. A la fin du match, c'était la folie totale. Il y avait des policiers mais ils ont tous disparu. Ils n'ont rien fait». Le dernier bilan communiqué par le ministère de la Santé fait état de 74 morts au moins, dont un policier. Ce décompte, encore provisoire, fait de ce match l'un des plus meurtriers de l'histoire du football. Après ces incidents, la fédération a annoncé la suspension de toutes les rencontres de première division. Al Ahly et Al Zamalek, les deux grands clubs phares du pays, ont annoncé qu'ils gelaient toutes leurs activités sportives pour protester contre le manque de sécurité dans le pays. Attristé aussi, le président de la FIFA, Joseph S. Blatter, a déclaré : « C'est un jour noir pour le football. Une telle catastrophe est inimaginable et ne devrait pas se produire». C'est donc une grande perte et une énorme offense au football africain et international, qui retiendront à jamais ce bouleversement.