La rencontre entre les clubs égyptiens Al-Ahly et Al-Masri a tourné au drame mercredi soir. Au moins 77 personnes ont trouvé la mort sur la pelouse du stade de Port Saïd qui a été prise d'assaut par des supporters à l'issue du match. «Quelques secondes après la fin du match, les supporters d'Al-Masry ont envahi la pelouse du stade de Port-Said et jeté toutes sortes de projectiles; pierres, bouteilles et autres feux d'artifice, sur les fans d'Al-Ahly», a raconté un témoin à la télévision. Certains évoquent même un massacre, face au déchaînement de cette violence inouïe. Les supporters d'Al-Ahly, souvent appelés «les ultras», sont connus pour leur hostilité vis-à-vis du pouvoir militaire. Selon des témoins, la bagarre avait déjà commencé dans les tribunes avant le coup de sifflet final de l'arbitre lorsque les «ultras» ont entonné des chants hostiles au pouvoir et insulté le camp adverse. «Il n'y a pas d'hommes à Port Saïd», pouvait-on lire sur une de leurs pancartes. «Ce n'est pas du football. C'est la guerre et des gens meurent sous nos yeux» a réagi un joueur d'Al Ahli, Mohamed Abo Treika. Les forces de l'ordre sont notamment pointées du doigt pour n'avoir rien fait pour empêcher ces violences. D'aucuns les accusent d'ailleurs d'être les instigateurs de ce chaos. «Les forces de sécurité sont censées sécuriser les sorties de supporters d'une main de fer. La procédure est la fermeture de toutes les portes menant aux fans de l'équipe visiteuse jusqu'à s'assurer de leur sécurité. Mais rien de cela n'a été fait. C'est une manipulation de la situation», a s'est indigné Adel Aql, un officiel de la Fédération nationale de Football dans une interview sur une chaîne satellite privée. La télévision d'Etat a annoncé le déploiement de l'armée dans la ville pour «éviter de nouveaux affrontements». Conspiration Le maréchal Hussein Tantaoui, qui dirige le pays depuis le départ de Hosni Moubarak, a dépêché deux avions militaires pour évacuer les joueurs et les blessés. Enfin, quelques minutes après ces violences à Port-Said, des supporters présents dans le stade du Caire pour un match entre le Zamalek et Ismaili ont déclenché un incendie après l'annulation de la rencontre. Cependant, loin du cuir rond, ces animosités témoignent de la situation actuelle dans le pays depuis la chute du régime Moubarak. Il semblerait que les nostalgiques de cette ère en veulent encore à la nouvelle génération qui a délogé le Rais. Les Frères musulmans, majoritaires au Parlement, sont immédiatement montés au créneau, mercredi, pour dénoncer une conspiration de la part du pouvoir. Selon eux, les militaires veulent semer la panique pour justifier leur mainmise sur le pays. «Ce qui s'est passé ne peut être une coïncidence. Ce massacre, et trois vols à main armée en une seule journée. Et cela intervient après que le ministre de l'Intérieur est venu au Parlement pour nous convaincre de l'importance de maintenir l'état d'urgence», s'est insurgé le parlementaire du Parti Social-Démocrate, Ziad El-Elaimy. Même son de cloche du côté du député Al-Badry Farghaly, qui va d'ailleurs plus loin dans son analyse en faisant remarquer que l'absence du gouverneur de Port-Said dans la tribune pour ce genre de match était programmée d'avance. «Ces événements ont été planifiés et sont un message des partisans de l'ancien régime. Les autorités ont été négligentes, ce qui montre que certains officiers punissent le peuple en raison de la révolution qui les a privés de leur capacité à agir en tyrans et qui a réduit leurs privilèges», a déclaré le député Essam al-Erian dans un communiqué publié sur le site internet du Parti de la Liberté et de la Justice (Frères musulmans). De retour au Caire, les quelques supporters d'Al-Ahly qui ont échappé aux violences se sont réunis avec les fans du club de Zamalek pour chanter des slogans très hostiles au pouvoir militaire et réclamer le départ du maréchal. «À bas le régime militaire !», scandaient certains qui se dirigeaient vers l'emblématique Place Tahrir dans la nuit.