Akram Belkaid vient de publier La France vue par un blédard aux éditions du Cygne. La France vue par un blédard de Akram Belkaid vient de paraître aux éditions du Cygne. L'auteur y fait une sorte de radioscopie de la France d'aujourd'hui après y avoir vécu pendant quinze ans. Cet ouvrage regroupe plusieurs chroniques que l'auteur publie depuis 2005 dans Le quotidien d'Oran. Analyses, cris du cœur ou indignations, scènes de la vie quotidienne décrites avec humour, entretiens restitués sous forme de monologues : ces textes subjectifs, et souvent personnels, décrivent à leur manière l'évolution de la société française. Les cinquante-six chroniques sélectionnées pour le présent ouvrage en apprendront autant à des lecteurs français qu'algériens. Votre ouvrage La France vue par un blédard vient de paraître aux éditions du Cygne en France. Quelle a été votre démarche littéraire? Au départ, c'était d'abord une démarche journalistique avec pour objectif l'idée de raconter la France sous un angle de chroniques publiées chaque semaine dans le Quotidien d'Oran. Je ne me suis fixé aucune limite qu'il s'agisse du choix du sujet que de la manière de rédiger ces chroniques. Ainsi, ma dernière chronique est-elle consacrée à ce que l'on peut ressentir dans un quartier de Paris quand l'éclairage public tombe en panne. Cela peut paraître anodin mais cela bouleverse immédiatement les gens habitués à ne pas vivre dans l'obscurité des rues.Dans le même temps, je n'ai pas hésité à m'exprimer à la première personne du singulier, chose habituellement proscrite dans la presse où le journaliste n'a pas le droit de se mettre en scène. Là, bien au contraire, j'ai souhaité assumer totalement ma subjectivité et ne pas me réfugier derrière une pseudo-objectivité qui n'existe pas, du moins jamais totalement. Ce livre regroupe une série de chroniques que vous avez réalisées à partir de 2005 et dont certains ont déjà été publiées dans la presse. Comment justifiez-vous votre choix de les regrouper dans un livre? Il y a bien longtemps que je souhaite publier une sélection de mes chroniques. Ces dernières abordent plusieurs thèmes. Celui que j'ai choisi dans ce recueil concerne, comme son titre l'indique, une vision subjective et personnelle de la France. Cela fait quinze ans que je vis dans ce pays. Je le vois évoluer, changer, se transformer et j'en rends compte. C'est l'œil d'un étranger, qui ne l'est pas totalement, mais dont l'altérité lui permet de voir et noter des choses qui échappent auFrançais lambda. J'ai aussi choisi des chroniques qui abordent le domaine des différences culturelles comme en témoigne un texte sur les nèfles, un fruit méditerranéen que les Parisiens connaissent à peine… Quel est le degré d'ironie que vous avez voulu exploiter dans cette France vue par un blédard? L'ironie est parfois présente dans mes textes mais pas toujours. J'aime beaucoup décrire des scènes du quotidien, comme par exemple une dispute dans le métro et là, l'amusement et la moquerie ne sont jamais loin. Il m'arrive aussi de me moquer de moi-même comme quand je raconte à quel point le quadragénaire que je suis peut être largué en matière de goûts musicaux des ados d'aujourd'hui. Par contre, il y a des textes où c'est ma colère qui s'exprime comme celui consacré au projet du gouvernement français de prélever l'ADN des migrants souhaitant s'installer en France. Une chronique, c'est un sentiment, une perception, à un instant donné. Certains textes vieillissent très bien et méritent d'être dans la sélection. D'autres, plus ponctuels, sont un témoignage d'une situation qui peut avoir évolué. La France vue par un blédard est-il une façon de changer la vision qu'ont certaines personnes de l'hexagone et d'abandonner une fois pour toutes cette image de l'eldorado? A dire vrai, mon objectif était juste de raconter la France d'aujourd'hui en ayant en tête les clichés et les certitudes des Maghrébins à propos de ce pays. Il s'agissait de coller à la réalité et, encore une fois, d'assumer une approche subjective. Une dispute conjugale dans la rue, bien décrite, en dit long sur l'état de la société française. Nul besoin de se lancer dans de grands papiers descriptifs ou érudits. Mais parler de la France, c'est aussi parler de nos pays. Ainsi, dans un texte intitulé « couscoussage et tagineage », j'ai décrit la manière dont de nombreuses élites françaises succombent au charme des hôtels et des riads au sud de la Méditerranée. C'était plusieurs années avant l'affaire Alliot-Marie et cette chronique expliquait déjà pourquoi nombre de grandes figures médiatiques françaises ont toujours du mal à rendre compte de la réalité des sociétés et des pouvoirs maghrébins. On ne mord pas la main qui vous offre un méchoui ou une pastilla… Enfin, dans mes chroniques je rends aussi hommage à cette France de la solidarité et de l'engagement. Il n'y a pas que Guéant ou le Front national. Il y a des millions de Français qui continuent de croire aux valeurs de fraternité et de solidarité. Je trouve que l'on ne parle pas suffisamment d'eux à commencer par celles et ceux qui aident les migrants en situation difficile.